V O Y A G E S
1703. au nombre de vingt. J ’étôis cou-
i j . Fevr. ché dans mon traîneau lors qu’on
m’en avertit. J ’en fortis aulïï tôt le
piftolet & l’épée à la main; Meilleurs
Kinfius fie Hill me füivirent
armez, l’un de fes piftolets fie
i’àut're de fon épée. Nous nous a-
vançàmes ainti vers le traineàu de
Moniîeur Steels , qui étoit le deren
attendant la réponfe d’une lettre i
du Czar, que nous y envoyâmes. 14.
Le Diack ou lëcretaire de la ville
l’aiant reçue , nous vint trouver,
fie nous offrit fes fervices ; il nous
pria même d’entier dans la ville pour
nous régaler : mais nous le remerciâmes,
fie il nous envoya de l’eau
de vie, de l’hydromel, de la bie-
7U3-
Fevr.
nier, fie le plus expofé. Il en e- I re fie quelques viandes, que nous
toit déjà fo rti, mais fans armes, renvoyâmes aiant nos propres profie
les Rujjiens qui étoient autour | viilons. Nous cdufames environ
de lui le menaçoient. Lui qui étoit I deux heures avec lui, fie bûmes affez
gaillardement à la ronde. Sur
les quatre heures nous en partîmes
fit ligne à fon valet
chemin , Se s’adreffa
homme fage,
dè fortir du
à ces gens-là avec douceur,jugeant avec des chevaux frais , fie fîmes
avec raifon, que les voies de fait 25. werjles avant 9. heures,jufques
nous feraient fatales, voiant plus au village de Kofachof, où nous ref-
bas un grand nombre de Rujfiens, |tâmes deux ou trois heures pour fai-
qui n’auraient pas manqué de tom- re repaître nos. chevaux , qui de-
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berfurnousaupremierchoc. Ceux
ci voiant que nous avancions vers
voient nous fervir jufques à Mofcou:
Le vingt-quatrième, à huit heures
eiiie fans chercher querelle , firent du matin nous approchâmes du village
d’OJlraweets, aiant encore fait
46. werjles. Nous y donnâmes à
manger à nos chevaux, en reparti1
mes deux heures après, fie arriva1
mes fur le midi à Mofcou, dans la
Slabode Allemande, aiant encore fait
¡erjles.
retirer ceux, qui étoient faouls, fie
fe payétent de raifon. Les plus mutins
s’étant retirez de cette maniéré
, nous continuâmes notre chemin
de part fie d’autré. Je ne voulus cependant
pas rentrer dans mon traîneau
, que nous ne fulllons parvenus
àu haut de la montagnë, quoi
que j’èûffe bien de la peine à mar-
Le vingt-feptième, le maître d’é- Âffaffin;
cole, left eu r de l’églife Lutheriencher
, pafce que, le chemin étoit ne, nommé Jean Frédéric Mues,de
gliffant, fie le vérit violent; outre Kôningsberg, fut aflaffiné fans fuqu’il
faifoit G froid qu’ori avoit de
la peine à remuer les doigts. Cependant,
je vis defcendre du haut
de la montagne , un traîneau tiré
par un cheval, bien chargé fie,fans
cofidüflreür. Le cheval ne pouvant
pas bien tourner le coin, à caufe du
vent fie de la glace, pour tenir le
chemin battu, fie s’étant trop approché
du côté du précipice,tom
je t,p a r un enfeigne Allemand nommé
Krajfo, lequel aiant été pris a-
voua le fait.
Je croiois me repofer un peu,a-
près un voiage fi pénible; maislejndifpofi-’
cinquième de Mars , il me prit fur tion de
le foir une chaleur extraordinaire1Auteur-
dans le corps, comme une fievre
chaude. Je me couchai immédiatement
fie paifai une fort mauvaife
Chute
terrible
d’un cheval.
ba à plomb' jufques fur le bord de nuit. J e ne laiffai pas de me lever
la riviere, chofeaffreufe à voir. Le dès qu’il fut jour, mais avec une fi
traîneau fe rompit en mille pièces, grande débilité, que j ’avois de la
fie le cheval fe caffa apparemment peine à me foutenir. J ’avois outre
toutes,les cotes; je lui vis cependant,
encore lever la tête. Enfin,
étant parvenus avec bien de là peine
au fommet de là montagne, nous
pourfuivîmes notre chemin, fit arrivâmes'à
une Heure après midi à
Kolomna. la ville de Kolomna à 456. werjles.
Nous demeurâmes au fauxbourg,
cela uiie toux continuelle jour fie
nuit. Le feu, que j ’avois dans le
corps, étoit fi violent que rien ne
pouvoit l’éteindre, quand j ’aurois
bû cènt fois par jour. Je prenois
tantôt du,lait, tantôt de la biere ,
8c puis de l’eaU bouillie avec des
tamarins 8e du fucre, dont je m’étois
1703 tôis bien trouvé en Egypte;.Sc pour
14. Fevr. me fortifier l’eftomac ,je me fervbis
auilî de vin de R h in , fie d’autres
choies propres à cela. J.epaffaicinq
jours 8e cinq nuits de. cette manie- j
re fans repofer, aiant même la nuit
une efpece de tranfport au cerveau.
H elt fon Mes amis trouvant que je m’affoi-
medecin. bjiffois de plus en plus,meconfeil-
lérent d’appelle! un médecin. Je
répondis1 que j ’étois. mon propre
médecin, que je connoiifois mieux
ma conftitution que. perfonne, 8c
par cbnféquent que je favois bien
ce qui m’étoit propre; que j’étois
perfuadé qu’un bon régime me feroit
plus de bien, que tous les médecins
du monde, la caufe de mon mal ne
m’étant pas inconnue, outre qu’il
y avoit déjà du tems que j ’avois pre-
•im ce qui m’arrivo.it. Je repofai affez
bien la fixième nuit firles fui-
vantes, dont je me trouvai fort fou-
l'agé. Enfin, après avoir continué
un bon régime dix jours de fuite,
je commençai à prendre des''bouillons
plus forts,'8c à manger de la
viande. Je faignai aufiî un peu du
nez un ibir, 8c cela me foulagèa, ià I
tête. \
Le on&ième, le Czar, revint de
Veronife avec fa compagnie, fie le
treifeme il fit décapiter en fa prêts
coio- fence le cblonbl Boàon , dont il a
parlé; Cette exécution fe fit
pité. dans la Slabode Allemande, à côté
du poteau, où il avoit fait attacher la
*cnd° facile 8c l’épée. L’Enfeigneüfrtf^è
pen u. ^ pen(ju ep m^mg tems Enfuite
on fit afficher un arrêt, par lequel
il étoit défendu de tirer l’épée fur
peine de la viè.'
Envoyé Le dimanche., quatorfème du
de France mois, Monfr. Cafimir Bolus , En-
i'audfence yoYé de France, qui étoit depuis
du Czar. quelque tems incognito à Mofcou,
eut une audience privée du Czar,
chez le Comte Feudor Aléxewitz
de Golowin.
Le Czar- Ce Prince alla le même jour chez
tedfMr!" Brants avec quelque fuite,
Brants. Sc y fut régalé de viandes froides
8c de quelques rafraichiffemens. Je
quittai la chambre en cette occa-
fion, pour avoir l’honneur de prendre
congé de fa Majefté, 8c la prier
de m’àccorder un paffeport pour 170-.
fortir de fes états. Elle eût la bon-14. Miré,
té de me demander ce que j ’avois,
me.trouvant, fort changé, Sc quelle
étoit la caufe de mon. mal. J e répondis
que je l’attribuois aux excès
que j avois fait pendant le voyage
de Veronife ; fie elle me dit qu’il n’y
avoit rien de meilleur que de prendre
du poil de la même bête. Le
Refirent fie quelques autres , qui
furvinrent en ce moment, nous interrompirent.
■
Après avoir obtenu lapermiffion L'Anteui
que je iouhaitois; & un- ordre au Prcnd
Comte ¿e Golowin, pour mon paffe- cm?Î ÎB
port, je pris congé du Czar, qui
me fit l’honneur de me donner fa
main à baifer ; puis il me donna fa
benediâion en difant, ' Dieu voué
conferve.
Il étoit environ dix heures lors
que ce Prince fe retira, jiour aller
chez Mr. Lups, Sc chez plufieurs
marchands Anglois, avant fon départ
pour Sleutelenbourg. I l partit
le quinzième dès le matin, fans aller
à Probrofensko.
■ C e jo u r-là, oil devoir executer Criminels
les deux autres criminels, favoin punit,
j le capitaine Sax Sc le valet du colonel
Bodon, dont le corps 8c la tête
étoient encore à terre, & Krajfo à
I la potence, gardez par quelques fol.
dats. Ils furent pofez tous deux fur
le billot, le boureau étant à côté
d’eux la hache à la main, pour leu!
donner le coup fatal. Mais on leur
fit grâce, la fentencë du capitaine
fut commuée en un baniffement perpétuel
en Sibérie ; Sc le valet de
Bodon reçut trente coups' de Knoet,
Sc frit condamné aux galeres pour
toute fa vie ; mais j ’appris peu a-
près qu’il étoit mort des coups qu’il
avoit reçus.
Notre Refident aiant demandé
| mon paffeport au Comte de Golowin
, au nom de fa Majefté , ce
feigneur le fit immédiatement expédier.
Le vingt-unième on célébra la fête
des rameaux : Le vingi-cinquièmc
j l’annonciation de la vierge Marie,
fort reverée parmi les RuJJienS ; Sc
J le vingt-huitième celle de Pâque. il