V O Y A G E
1703. ne fe paffa rien de confiderableou-| les chemins fort mauvais. Le trou 1703
. . . 1 > n 1 f . — M u .— -./t-i A 1 a n t t A i d a n t * r \ l n i , 1— i , f-o n 7 . A V ri r. Avril’. tre cela, li ce n’eft que le feu prit
encore une fois à Mofcou le trentième,
Sc que la riviere de Moska dégela,
& fut ouverte le premier jour
d’Avril. Un dégel li violent rendit
fième, les eaux furent plus hautes 3- Avril,
qu’on ne les avoit vues de mémoire
d'homme. Je fus attaqué de la
fievre tierce en ce tems-là, mais j’en
fus quite pour trois ou quatre accès.
C h a p i t r e XIV.
On fa it voir a l Auteur ce qu'il y a déplus remarquable dans les
Eglifes. Toile qui ne Je confine pas dans le feu.
. ^ O r s quejefûsréçablidelafièi*. Avril. _ , -
vre, j’allai à Mofcou, chez Ivan
Jüexewitz Moefm Poeskin, auquel le I
Czar avoit ordonné , étant à Veronife,
de me faire voir tout ce qui meritoit
de l’être, dans les églifes Sc autres
Eeux dejpette ville. Ce Seigneur,!
donc j ’ai déjà parlé , me reçût fort
honnêtement, & me dit, qu’il étoit
prêt d’executer les ordres de faMa-
jjeftéjlors quejelefouhaiterois. Je répondis
que ce feroit auffptôp qu’il
. lui .plairoit., parce que j ’étoisfur le
point, de mon départ pour conti,
nuer. mon voyage en Perfe, comme
le favoit fon Excellence. Il m’ordonna
de me trouver le dixième au
matin à fon hôtel, Scm’aifuraqu’il
feroit tout préparer en attendant.
Je ne manquai pas de- m’y rendre,
Sc le. trouvai prêt à monter à cheval
pour aller à la campagne. Il me
dit obligeamment, que le gentil-.
homme, qui étoit auprès de lui, au-1
roit foin.de m’accompagner par tout.
Nous allâmes en premier lieu , à
l'égide de Saboor, où l’on prétend
qu’il y a un tableau de la façon de
l’Evangèlifte St. Luc, Se la robe de
Jêfus- Chrift, fur laquelle les foldats
jetîérent au fort. IL- difent que cette
robe échut enpartageàunfoldat
Relation Qtorgien, qui la porta dans fon pais,
de la robe où il en fit préfent àfafoeur, quin’é-
tbit pas mariée: que celle-ci, qui en |
faifoit grand cas, fouhaita en mou-j
rant qu’on l’enterrât avec elle,' &
qu’on l ’en .couvrît ,; ce qui aiant été
fait., il fortit auifi-tôt de fon tombeau
un grand arbre: qxielcs Perfans j
s’étant enfuite emparez de la Géorgie,
le Roi entendit parler de ce
tombeau, lè fit ouvrir, en tira cette
robe, Se l’emporta en Perfe. : qu'il
envoya quelques tems après une Am-
baffade eh Mofcovie, Sc en fit préfent
au Grand Duc, parce qu’il étoit
Chrétien : que. les Mofcovites voulant,
s’affurer fi c’étbit la même robe
, firent affèmbler tous les aveugles
, lès boiteux Sc autres perfon-
nes incommodées, ne doutant pas,
au cas que cela fût véritablement,
qu’elle ne procurât leûr guerifon :
que l ’effet avoit fu-ivi leur, efperan-
ce : qu’on l’avoit toûjours gardée depuis,
po.ur s’en fervir en de pareils
cas, Sc qu’elle n’avoit jamais màn- •
qué de répondre à leur attente. Ils -
affirment même tout cela comme une
vérité confiante.; Sç par cette rai-
fon, j ’ai voulu en parler avant toute
chofe.
Cette églife eft quarree en dedans
& a 96 pieds de long. La voûte boor.
erç eft foùtenûé par quatre grands
piliers, Sc ce. bâtiment èfi rempli de
tableaux de Saints Sc d’hiftoir,es fem-
blables. Il y en a qui ne font pas •
mauvais, à la Grèque,jufques dans' ,
les cinq petits dômes;, faits en forme
de lanternes, dont le plus grand
eft au milieu, & les autres aux quatre
coins. Le tableau qu’on prétend
être de la façon de St. Luc, eft
à côté du grand autel, Sc repréfen-St. L a c .
te une' vierge Marie, à demi corps,
avec un Chrift qui femble. la bai-
fer.,. aiant le vifagejointaurien'.’ Ce
tableau eft fort brun , Sc même pref-
~ que
1703. que noir; mais je ne fai fi c’eft un
10. Avril, effet du tems,de la fumée des cierges,
ou du goût du peintre : quoi qu’il
en foit, il eft cercain que ce n’eft pas
grand’ chofe, -outre qu’on n’en voit
que les vifages, les mains Sc tout le
refte étant doré. Cette vierge a
fur la tête une belle couronne enrichie
de perles Sc de pierreries, Sc
un colier de perles, qui pend fur fa
robe. Ce tableau eft dans une niche
fous, laquelle 'il y a un fiege.
On voit encre les deux colomnes
du grand autel un grand chandelier
d’argent à branches , comme
ceux de nos églifes , lequel a été
fait à Amjlerdam. Il y en1 a trois
autres de cuivre , bien placez au
milieu de l’églife. Au refte on ne
trouve pas beaucoup d’ornemens
dans leurs églifes'. Il y a pourtant
dix lampes d’argent autour de l’autel
de telle-ci. On n’y brûlepoint d’hiu-
le, parce que les Rujfiens ne s’en fervent
pas, mais des bougies, qu’on met
dans des tuyaux, ppfez fur le haut
des lampes. Ils attachent ordinairement
un oeuf d’autruche au bas des
Eglift du grands chandeliers. Au fortir de
Patriar- cette églife, nous entrâmes dans celle
du Patriarche, qui eft audeffus,
petite & en forme de dôme. Il y a
à droite dans un appartement op-
pofé à la chapelle , un tableau,
qui repréfente Jefus - Chrift aflîs
dans une chaife, tout doré à la
referve du vifage Sc des mains ; une
vierge Marie-, un St. Jean Baptijle
à gauche, & de chaque côté unA-
pôtre à genoux , avec une lampe
d’argent devant le tableau. Entre
cette piece Sc la porte de la chapelle,
on trouve un banc élevé de quelques
degrés, fur lequel eft le fiege
du Patriarche couvert de velours
-noir., En entrant dans cette petite
églife on voit l ’aütel, derrière lequel
il y a un petit choeur , rempli
de tableaux du haut en bas, chaque
piece repréfentant des hiftoires de
faintSjfeparées les unes des autres par
des colomnes, comme des fenêtres,
Sc tout y eft doré. L ’autre côté des |
murailles eft peint de bleu. Il y a
de plus dans le fonds du dôme, une
tête de Chrift, qui le remplit à peu
che.
près, Sc à l’eritour d’autres repré- 1702.
fentations. La fale d’audience du 1°. Avril.
Patriarche , qui eft affez grande
, eft vis-à-vis de cette églife. Oh
y voit à droite en entrant, le fiege
Patriarcal tout doré, avec un carreau
de. velours «vert & des crépines
d’or autour des bras. Ce fiege eft
élevé fur une eftrade de trois degrés,
Sc a fur le haut ffUn petïtMglj^
en peinture. Au fortir de cette fale
, on nous fit monter dans l’appartement,
Où l’on garde les trefors de
la plûpart dés Patriarche|| Il eft
rempli de coffrets Sc de caiffesj
qu’on fit ouvrir devant moi. Ily'a-
voit dans la première 6. bonnets Patriarcaux,
entre lefquels j ’en vis deux
de grand prix, feparez des autres
Sc garnis de groffes perles, de gros
diamans Sc de pierres precieufes.
Les autres étoient garnis de même,
mais pas fi richement. 11 y en avoit un
feptiéme, garni de perles feulement
qui étoit Celui du Métropolitain.
On nous montra enfuite, un coffret
rempli de joyaux, Se entr’autres de
croix enrichies de diamans, pendues
à des chaînes d’or. Tout cela avoit
été à divers Patriarches ; qui s’en
étoient fervis dans des cérémonies ,
dans des procédions , Se en de cer-
tainesfêtes. Il y avoit aufli plufieurs
pojajfes, où ceintures garnies de
pierreries; tous les peignes, dont
les vieux Patriarches s’étoient fervis,
la plûpart affez grands,- Se faits d’é-
caille de tortue ; leurs croffes garnies
de joyaux par le bout ; plufieurs
armoires remplies dérobés ou veftes
patriarcales ,' au nombre de 79, tou-
I tes de brocard d’or, enrichies de perles
Se de pierres precieufes. Il y a-
voit dans les principales neuf robes
d’une beauté Sc d’une magnificen-
'ce extraordinaire , toutes garnies
de pierreries. En-d’autres, de belles
étoles, d’une paume Sc demie de
; large , Sc èntr’autres celle que le
Patriarche Conjlantin portoit en l’an
16176, à la maniere de complterdes
Rùjjïens: Cette robe eft d’une étoffe
de foye unie Sc affez ufée par le
tems. Ils en font beaucoup de cas,
Sc la gardent parmi les habillemens
les plus magnifiques. On voit dans
K le