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1701. C ’eft un beau bâtiment de lafaçon
1 9 . D e c . de l’architefte Italien , qui a travaillé
à celui du Chateau de Mof-
cou. Cette-églife a cinq dômes,
que les RuJftens nomment Glafa,
c’eft-à-dire, têtes d’églifes, lefquels
font couverts de fer blanc, & ont
de grandes croix. Il y a 21. autres
églifes de pierre en cette ville,
dont la plupart ont auifi des d&nes
couverts de fer blanc avec des croix
dorées, ce qui fait un très-bel effet
quand le foleil donne deifus. Outre
celles-ci; il y en a encore 43.
de bois; 3. convents de religieux
& un cloître de religieufes, dont
le principal ornement eft une égli-
fe de pierre, bâtie au milieu, & environnée
de cellules de bois pour
loger les religieufes, dans un lieu
particulier, où l’on entre par une
petite porte. Après avoir bien con-
fideré ces bâtimens, j’allai voir; les
Marchés. Bazars ou marchés, remplis de boutiques,
& j’obfervai que les denrées
St les marchandifes s’y vendent
châcune dans un endroit particulier
, ç’eft-à-dire , la viande dans
un certain quartier ; le bois , les
peleteries, le fuif Sec. en d’autres.
De là je paflai par la porte d’un
grand édifice , qui n’a pas été
perfectionné, & qui futcommencé
par le Czar Ivan VàJJïeliewits pour
fervir de-citadelle; maison ne put
l’achever, par la crainte qu’on eut
en ce tems-là, des Tartares, qui
firent retirer ce Prince de Mofiou.
J ’allai me promener enfuite le long
de la riviere de Wologda , qui tra-
verfe la ville. L ’autre côté, qui n’eft
pas fi beau, fe nomme Dofrefene,
quoi que ce foit une partie de la
même ville, qui a néanmoins un
autre gouverneur. Elle a une bonne
lieuë de long, & un quart de
lieuë de large, plus ou m'oins en
dè certains .endroits. C ’eft le lieu
par où paifent toutes les marchandifes
qui viennent à’ Archangel pour
être tranfportées hors du pais. Il
s’y trouve, aujourd’hui , trois ou
quatre magafinspour les marchandifes
de ceux de notre nation. Cette
ville eft fituée au 59. degré 15.
minutes de latitude feptentrionale,
là l’eft de la riviere, qui y eft allez 1701..
large. . ■ 30: Dec.
Nous en partîmes le trentième
à 10. heures, du foir, & arrivâmes
¡ le lendemain à 6. heures du matin
¡i'Greelnewits , aiant fait 40. werftes.
Nous y finies paitre nos che-
I vaux, qui en avoient grandbefoin,
aiant encore 20. werftes de chemin
à faire. Ce jour-là nous nous trouvâmes
5 o. traineaux de compagnie,
dont les uns étoient partis •d’Ar-
changel avant nous , 8c les autres
après. Nous ne fîmes pourtant pas
tous le voyage enfemble ; il n’y en
eut que vingt, qui- prirent la route
de Mofeou, & nous arrivâmes fur
le midi à Obfnorkoy-jam, où nous
avions envoié un foldat pour nous
faire préparer des chevaux frais. A
67. •werftes de là nous paifâmes à
Damslofskoy, beau 8c grand bourg,
où il fe fait du négoce, Sr où il y
a un beau haras de chevaux, entré
lefquels il y en avoit plus de deux
mille appartenant au Czar. Lepre- I7o2
mier jour de-l’année 1702. nous ar- 1. jan*.
rivâmes à Jereslaw, une des’ prin- J«aiw
cipales villes de la Rujfte. Le Wol-
ga palfe alfez près de là & y eft Kotris.. '
fort largej nous l’y traverfâmes,
8c enfuite le Kotris, qui paifeaufli
proche de là au fud, 8c va fe jet-
ter à l’eft dans \<£lVolga. Il y a un
grand nombre d’églifes de pierre,
en cette ville, dont j ’aurai lien de
parler dans la fuite, les aiant toutes
deflinées à mon retour. Après
avoir traverfé le Kotris nous entrâmes
dans le faubôurg nommé Troe-
penoe, où nous changeâmes de chevaux.
Nous en partîmes à 10. heures
du foir, Sc arrivâmes le deuxième
à Roftof, que nous ne fîmes que Roftof.
traverfer. L ’Archevêque tient fon
fiege en cette ville, qui eft remplie
d’églifes de pierre, lefquelles
lui fervent d’un grand ornement.
Elle eft fituée, à la droite du lac
du même nom , qui paife à côté à
l’eft, où nous le traverfâmes. On
découvre de là un grand nombre
de petits villages. La plupart des
habitanss’y nourriflent d’ail8c d’oignons.
Le monaftere dePenter Za-
rewits, qui eft entouré de quelques
mai-
D E C O R N E I L L E LE B R U N.
1702. maifons , n’en eft qu’à une demi-
3: Janv. lieuë. A une heure après-midi nous,
arrivâmes à Waske, après avoir fait
38 werftes: Nous y dînâmes; 8cau
bout de 20 autres werftes, nous par-
Pereflaw vînmes iPereflaw Soleslcoy. 1 -, • bK Soleskoy, capitale j . K, de la province de ce nom > qui eft une
allez pauvre.ville fituée fur unlac.
Il étoit 9 heures lors que nous y
arrivâmes, 8c nous en partîmes à
minuit; , Le troifteme nous paifâmes
à Tierieberewa fur les 6 heures du
Trooyts. matin. De-là jufques à Trooyts , il
faut' monter 8c defeendre continuellement
de petites montagnes, pendant
l’efpace de 30 werftes. Y é-
tant arrivez à une heure après-midi
, nous allâmes voir le fameux
Bcaumo-monaftère de ce nom , à côté du-
oait rc. qUe[ nous avions paifé en appro
chant du village. Il eft entouré
d’une haute 8c belle muraille de
pierre', dont tout l’édifice eft bâti.
. Les coins .de la muraille , qui eft
quarrée/fontgarnis dé belles grandes
tours rondes , entre lefquelles
il y en a d’autres quarrées. On .en
voit deux, des dernieres, fur le de-
, vant, qui font les plus belles, 8c à
côté defquelleS pafle le grand chemin.
Ce monaftère , qui -a trois
portes par devant, eft à un bon
quart de. lieuë du village fur la
droite, en allant à Mofeou. Cèlle du
milieu, par laquelle je fouhaitai de
paifer, a deux arcades, fous lefquelles
il y a un petit corps de garde, où
il y avoit desfoldats, auiîî-bien qu’à
celle de dehors. Ayant paifé cette
porte on voit au milieu la principale
églife, détachée du refte du bâtiment.
L’appartement de fa Majefté
Czarienne, qui eft magnifique, 8c
royal par dehors , eft à droite, 8c
on y monte par deux efcaliers dif-
ferens, le front en étant fort étendu.
Il eft à plufieurs étages,mais
le dedans ne répond pas à la beau-
tédudehors. Lerefeftoirè desmoines
, autre grand bâtiment, eft vis
à vis de cëlui-ci , & lui reifemble.
Toutes .les fenêtres: en font ornées
de petites.colonnes-,...8c- les pierres 4.Jany;
peintes de diverfes couleurs. L ’é-
glife, dpnt.on vient de parler, gft
entre ces, deux bâtimens. Il s’y en
trouve quatre autres confiderables,
&. fcinq plûs;petites:. C e monaftère
reifemble par. dehors, à uneforteref-
fe , 8c YArchimarideï ou l’abbé y a
la principale autorité. Il s’,y trouve
ordinairement 2 a 300 moines, dont
quelques-uns m’accompagnerent par
tout avec beaucoup de civilité. Ce
monaftère â de grands revenus, qui
fe tirent fur 60 mille païfans , qui
en dépendent; des enterfemens de
plufieurs grands feigneurs quiyont
leurs fépulchres ; des méfiés qû’on
y dit pour les morts, 8c de pluiteurS
chofes pareilles.
Le village eft aifez lo n g ,8crempli,
à droite, de boutiques de maréchaux,
avec des pilüers pour ferrer
les- chevaux. A 30 'werftes de-
| là , nous trouvâmes le village de
\Bratojftena , où il fallut nous arrêter,
jufques à minuit, pour faire
vifiter nos marchandifes, 8c y mettre
le fcellé , qu’on ne leve qu’à la
douane à M^aæ. Nous'y arrivâmes Arrivée i
-le quatrième à huit heures du matin; Mofeou.
8c allâmes defeendre à la Slabode
Allemande -c’eft à dire au quartier
privilégié des Allemands, ou des é-
trangers, ou la plupart .des marchands
demeurent. Il y en a néanmoins
dans la ville même. Je me
rendis d’abord chez Mr. Jurt-
Ifen , auquel Monfieur Brants m’a-
voit recommandé : Il demeurait au
même endroit, 8c ne faifoit auf-
fi que d’arriver d'Archangel. Le
Czar lui rendit ‘vifite le lendemain,
accompagné de plufieurs fei-
Jgneurs de la Cour,', en traîneau:
Celui de fa Majefté étoit le moins
orné. Sa vifi.te dura deux heures,
8c ce. fut la première fois que j ’eus
l’honneur de voir ce puiifant Monarque.
CHA»