V R g Y A G È s
i702.n’étoit compofée que d’Ecclefiafti-
s. Janv. ques, à la rel'erve de quelques perfonnes
en habits ordinaires, qui la
précedoient 8c portoient des étendards,
attachez à de grands bâtons.
Les Ecclefiaftiques avoient tous
leurs habits facerdotaux, qui étoient
magnifiques. Les prêtres les moins
confiderables, fit les moines, au nombre
de 200 ou environ, marchoient
les premiers, précédez de plufieurs
chantres & enrans de choeur , aulli
en habits ordinaires, aiant chacun un
livre à la main.' Ils étoient accompagnés
de foldats armez à droite &
à gauche, 8c d’autres gens quin’a-
voient que des bâtons pour faire
place & ouvrir le paffage. Après
ceux-ci fuivoient tous ceux qui portent
l’habit Epifcopal, qui faifoierit
environ 300 perfonnes. Les 12 premiers
étoient Métropolitains ouCar-
dinaux , portant un habit nommé
communément SackoJJe. Enfuite on
voïoit quatre Archevêques, trois E-
véques, 8c un grand nombre d’Archimandrites,
ou fuperieurs de mo-
naftères. Lors que 200 ou environ
de ces derniers furent paifez, on vit
tout ce que fes prêtres portoient
dans la proceflion, fa voir un grand
bâton, avec une lanterne, repréfen-
tant la lumière de la Parole de Dieu,
à l’honneur des portraits des faints,
ou pour leur donner de. l ’éclat :
Deux chérubins , qu’ils nomment
Lepieds, au bout de deux bâtons
femblables: Enfuite deux croix 5 un
portrait de Jefus-Chrift , à demi
corps , prefque aufli grand que
nature , un grand livre , & enfin
vingt bonnets d’or 8c d’argent, enrichis
de pierreries, portez fepare-
ment, chacun par une perfonne.
La ceremonie étant finie, les principaux
de ceux , qui y avoient affilié
, fe couvrirent de ces bonnets.
Celui du Métropolitain étoit tout
d’or, garni de perles & de pierres
precieufes. Les principaux Prélats
portent aulli ces bonnets-là , qu’ils
nomment Mietris. Ce Métropolitain
, qui repréfentoit le Patriarche,
fuivoit immédiatement après le
grand livre, & tenoit entre fes mains
une grande croix d’or, enrichie de
|pierreries, laquelle lui touchoit le 1702.
front de tems en tems, 8c deux prê- fi- h ê tres,
l’un à droite 8c l’autre à gauche
, le foutenoient par delfous les
bras. Etant arrivez en cet ordre fur
le bord de la rivière, 8c leurs cérémonies
, auxquelles ils employèrent
une bonne demi-heure étant achevées
, le Métropolitain s’approcha
de l’eau, & y plongea par trois fois
la croix , prononçant, comme le
Patriarche a accoûtumé de faire, les
paroles fuivantes. S p a c 1 g o s -
P O D I L U D I T W 0 Y A , I B L A-
G O S L O W I D O S T O A N I A T W O Y A .
C ’eft à dire, Dieu confervefonPeu-
pie, ¿r benijfe fort héritage. Ils s’en
retournèrent enfuite vers le château,
mais les 20Ô prêtres , qui a-
voient précédé le refte en allant, ne
revinrent pas dans le même ordre,
& fe difperférent prefque. tous.
Ceux qui avoient des habits facerdotaux
continuèrent à marcher en
bon ordre. J’obfervai entr’autres,
que deux hommes affez mal habillés
portoient une cuve ou un chaudron
, couvert d’une toile, qu’on
ne pouvoit pas bien diftinguer. Ce
vailfeau étoit fuivi d’une autre fem-
blable , porté de même , avec un
pot d’étain rempli d’eau, laquelle
aiant été benite fut portée au château
, pour en arrofer les apparte-
mens & les peintures. Auiîï-tôt
que la proceflion y fut rentrée,.on
y porta, au plus vite, tout ce qui
avoit fervi au tour de l’eau, 8c j ’obfervai
qu’un Mofcovite y enfonça un
grand ballai, dont il commença à
arrofer les fpeftateurs, qui ne m’en
parurent pas plus fanêtifiez. Il me
fembla même que cette a£ti on avoit
l’air d’une moquerie. Cette Proceflion
, qui dura jüfques à deüx
heures . après midi , avoit attiré
une foule de monde inexprimable,
qui meritoit d’être vue, quand il
n’y auroit eu que cela, & qui fai-
foit un très-bel effet fur la rivière,
le château étant fur une éminence
d’où l’on voioit tout le peuple juf-
ques fur les murailles. Lors que
nous voulûmes nous en retourner,
8c que nous fûmes parvenus à la
porte du château, il s’y trouva une
fi
■
1702. h grande prefle , que nous eûmes
9. jan v. bien de la peine à nous en tirer.
Aufli notre curiofité penfa-t-elle
nous coûter cher , outre qu’il eft
dangereux de fe tenir fi long-tems
dans la neige.
Cette fête fe celebroit autrefois,
avec beaucoup plus de folemnitp,
parce que leurs Majeftez'8c tous
les Grands de l ’Etat y afliftoient.
Mais le Czar régnant a fait de
grands çhangemens en cela, comme
en toute autre chofe. On en
parlera plus amplement danslafui-
■:;i; te,
Le neuvième du mois , il commença
à 'dégeler 8c même à pleuvoir
, le tems étant beaucoup plus
ouvert, qu’il n’avoitété depuis plufieurs
années.
Réjouît- Le onzième , on fit de grandes
tance réiouïffances pour la viftoire rem- pourla J r - , - , . ■ -
viétoire portée lur les Suédois , par les ar-
rempor- m e s ¿ e f a M a je f t é . J j y e u t u n
tcelur les lE c k S Ml T y *
Suédois, grand feu d’artifice-à côté du château,
au milieu du Bazar ou marché
, qui eft fort bas' 8c affeZ
large: Il s’étendoit d’un bout de la
place â l’autre. On avoit fait une
grande loge de planches, . remplie
de fenêtres , du côté du- château,
dans laquelle fa Majefté regala les
principaux feigneurs de la Cour,
les Miniftres étrangers, qui s’y trouvèrent,
8c entr’autres celui de Dan-
nemarc , & le Refident de Hollande,
avec un grand nombre d’officiers,
& plufieurs marchands d’outremer.
Pour donner de l’ombre à
cette loge, 8c lui fervir d’ornement,
on avoit planté au devant, trois
rangs de branches, en guife de jeu-
_ nés arbres. Le repas commença à.
deux heures après midi, & à 6 heures
du foir on alluma le feu d’artifice,
qui dura jufques à neuf. On
l ’avoit dreffé fur trois grandes tables
ou théâtres de bois , fort élevez,
8c fort larges, fur lefquelson
avoit pofé plufieurs figures, clouées
contre les planches, & peintes d’une
couleur brune. Le deffein de ce
feu d’artifice étoit d’une invention
nouvelle , différente de tous ceux
que j’avois vû jufques alors. Il y
.avoit au milieu , fur la droite une
figure du Tems , deux fois plus
grande que nature , tenant un fable
de la main droite, & delà gauche
une branche de palme, que la
Fortune,repréfentée de l’autre côté
, tenoit de même, avec cette inf-
cription Rujjienne , Dieu en foit
loué. On voïoit â gauche, vers
la loge de fa Majefté , un tronc
d’arbre , que rongeoit un bie-
vre , avec ces paroles , En continuant
il le déracinera. Et fur la troi-
fième table, de l’autre côté, un autre
tronc d’arbre, dont ilfortoit une
nouvelle branche , & proche de-là
une mer fort calme , au-deffus de
laquelle s’élevoit un demi Soleil,
lequel étant illuminé parut rouffâ-
tre, avec cette devife , L ’efperance
renaît. Il y avoit entre ces tables
de petits feux d’artifice quarrez, qui
brûloient conftamment, 8c qui a-
voient aufli des devifes. Le fécond
de ceüx-pi , auprès duquel je me
trouvai par hazard, & qui fut allumé
le premier par fa Majefté Cza-
rienne , repréfentoit une croix à
quatre bras. Le troifième, unfar-
ment de vigne, Scie quatrième une
cage d’oifeau , avec de différentes
devifés. Comme ceux-ci étoient
tous illuminez à la manière de notre
païs, on voïoit ce qu’ils repré-
fentoient. Il y avoit de plus, au milieu
de cette place, un grand Neptune
aflis fur un dauphin , St à côté
de lu i , plufieurs fortes de feux
d’artifice par terre , entourez de
pieux, auxquels on avoit attaché des
fufées, qui firent un très-bon effet,
les unes formant une pluie d’or, 8c
d’ autresjettant des étincelles. Lors
qu’on fut fur le point d’allumer les
feux d’artifices, plufieurs Ecclefiaftiques
8c autres perfonnes deconfi-
deration fortirent de la loge, oùé-
toit fa Majefté, 8c entrèrent dans un
lieu couvert, placé au milieu de toutes
ces machines, pour y faire quelques
cérémonies. Il y avoit une garde
de foldats au-deffus de la porte de
cette loge, qui étoit ornée de plufieurs
étendarts. Au refte, onnefau-
roit exprimer le concours de peuple,
qui fe rendit de tous côtés pour voir
cefpeêtacle. Lafoeurdu Czar s’é-
D I toit
y 702.
i l . J a o r .