1704.^ facilité avec laquelle ils renon-
19. Mai. cent tous les jours au Chriftianifme,
pour embraffer les erreurs de Mahomet,
fait allez connoitre, qu’ils ne
font guere convaincus des veritez
qu’il enfeigne. Cela doit fer vir d’a-
vertilTement à ceux quineconnoif-
(ent pas ce païs-ci.
1704.
1. Juta.
C h a p i t r e XLMII.
Hollandois, qui embrajjent le Mahometilme. Faire Korog. Fermeté,
d’un pauvre Arménien, & fa mort.
V"1Ers la fin de ce mois, j ’allai
hors de la ville avec Mr. Bak-
ker, fécond de notre Direéteur, pour
chercher du gibier le long de la rivière,
8c fur tout un certain oifeau,
nommé Morgh-facka, c’eft-à-dire,
porteur d’eau , lequel on avoit vu
plufieurs fois de ce côté-là. Nous
l ’apperçumes de loin Èn l’air, fans
en pouvoir approcher , dont j ’eus
bien du regret, n’en aiant jamais vû
de femblable, quoi qu’il s’en trouve
aux environs du JVolga, d’Af-
tracan 8c de la mer Cafpienne. Cet
oifeau eft d’une grandeur extraordinaire
, 8c a un gros jabot rempli
d’éau , dont il fait part à d’autres
oifeaux, à ce qu’on pretepd. Enfin
, notre chalfe n’aiant pas réufli,
nous jettâmes des filets à l’eau, 8c
primes beaucoup de poiifon, dont
nous fîmes part à notre Direfteur,
& retournâmes fur le foir à la ville
, où il y eut un grand ouragan
le lendemain.
Apothfie Le premier jour de Juin, il arriva
de quel- à Ifpahan trois Hollandois , qui a-
HoUan- voient deferté des vailfeaux de no-
doii- tre Compagnie des Indes à Gamron,
8c avoient embralfé le Mahometifme,
dans ,1’efperance de faire leur fortune
: mais au contraire , ils étoient
tombés dans la derniere mifere,
perfonne n’aiant voulu leur don-J
net la moindre asfiftance en chemin.
Ils ne furent pas mieux
traitez en cette ville , le ciel aiant
voulu les punir de leur apoftafie. i
En cette extrémité , ils vinrent fe
prefenter , à la porte de la maifon
de notre Direéteur, qui leur fit dire
de fe retirer, 8c de s’adreffer à
I ceux dont ils venoient d’embralfer
la foi : mais ils revinrent peu a-
près , le fupplier de les.reprendre
au fervice de la Compagnie, en l’af-
furant qu’ils étoient au defefpoirde
la faute qu’ils avoient commife, 8c
qu’ils fouhaitoient ardemment de
retourner au Chriftianifme. Il leur
dit quelachofenedépendoitpas de
lui; qu’il falloit qu’ils fe foumiffent
à la difcretion de la Compagnie, 8c
qu’ils rctournaffentà Gamron, où ils
avoient mérité la mort félon ies loix,
8c qu’en ce cas , il écriroit au Di-
re&eur de ce lieu-là, pour le prier
de les renvoicr aux Indes. Ils acceptèrent
ce parti, en difantqu’ils
aimoient mieux s’expofer àla mort,
que de perfifter dans le péché qu’ils
avoient commis. On les reçut à cette
condition, 8c on les fit habiller.
Ils en marquèrent beaucoup de re-
connoilfance, 8c partirent peu après,
avec joie , pour retourner à Gamron,
d’où on les envoya aux Indes,
où ils obtinrent le pardon de leur
crime 8c de leur apoftafie.
Le cinquième de ce mois , étant
occupé à desfiner quelque chofe le
long de la riviere du Ghiaer-baeg,
ou de la belle allée à’Ifpahan, je fus
interrompu par un bruit confus,8c
aiant enfuite prêté l’oreille, je trouvai
que c’étoit le Korog. C ’eft un Korog.
cri qui fe fait pour avertir, que le
Roi va paffer avec fes concubines,
8c que châcun ait à fe retirer,
pour éviter fa rencontre , fous des
peines très-rigoureufes. Je me retirai
au plûtôt, à l’exemple des autres,
8c ce Prince palfa peu après.
II étoit précédé d’un homme à cheval,
1704.
5. Juin.
val qui coutoit à toute bride pour 1 lequel on n’en avoit point vû 1 efpachafferceux
Cano-
niers ve
nus des
Indes.
Eclipfe
de la Lune.
qui n’avoient pû lère- j
tirer affez vite. 11 m’ateignit bientôt,
8c me montra le chemin que je
devois fuivre. J’obeis fur le champ,
8c pris un grand détour pour me rendre
à la ville, où toutes les avenues
des rues par ou il dèvoit palier e-
toient remplies de gardes, pour détourner
les paffans , de forte que
j ’eus bien de la peine à me rendre à
mon auberge. Le lendemain, je me
rendis au même endroit, oùjetrou-
vai tous les chemins gardés, comme
lejourprecedent, 8c quelques avenues
du Chiaer-baeg tendues de certaines
toiles. Lors qu on fe trouve^
furpris, il faut fe fauver avec toute
la diligence poffible ■; mais on fait
ordinairement avertir un chacun de
fe retirer 8c même d’abandonner fa
maifon, foit de jour, foit de nuit,
pendant que dure ce Korog. Aulfi
me fuis-je fouvent trouvé obligé de
fortir de mon Caravanferai pour
«11% '
I l arriva, à peu près encetems-
- là , deux canoniers des Indes, d’où
Mr. Kafielein les avoit fait venir
pour le,fervice du Roi. On fit fa-
voir leur arrivée à ce Prince, qui leur
fit dire qu’il n’en voulait qu’un,
qu’on ne garda meme pas long-tems,
8c auquel on donna une penlion fi
modique, qu’on auroit honte de le
dire. A la vérité ce canonier, qu’on
fit habiller avant de le prefenter, ne
devoit fervir que pour tirer au blanc,
avec quelques petites pièces de canon,
divertiffement auquel le Roi
n e f e trouve jamais. Onemploia cependant,
autant de tems à préparer
ce qui étoit neceffaire pour cela,
qu’il en auroit fallu pour élever une
1704.
ce de trois femaines. Ils etoient d un 3. juîm*
beau bleu fans aucun brouillard;
chofe affez ordinaire en ce païs-ci.
Il s’éleva de grands vents au commencement
de Juillet, lefquels furent
fuivis d’une grande chaleur.
Le troifieme de ce mois on ouvrit
les boutiques, qui avoient été fermées
cinq ou fix jours de fuite, jours
de deuil, qu’on obferve en cette fai-
fon, 8c qu’il me femble qu’on nomme
JVaghme. Ceux qui ont quelque
différend enfemble tâchent de le reconcilier
en ce tems-là, 8c de renouer
leur ancienne amitié, pourvu qu’il
ne s’agiffe point d’une chofe où leur
intérêt fe trouve engagé, car en ce
cas , ils n’ont pas la confcience fi
I l furvint en ce tems-là un certain
différend entre quelques domefti- quelques
ques de l’Agent d'Angleterre 8c quel- Angiois
ques Perfans, qui en vinrent de pa- perf>ns.,
rôles aux mains. Ceux-ci outrez de
colere, 8c ne refpirant que la van-
geance firent malicieufement courir
le bruit, qu’un de leurscompatrio-
tes avoit été tué parundomeftique
Arménien de ce Miniftre y furquoi
on fit fermer toutes les boutiques du
quartier, où il demeurait. Le peuple
irrité de ce meurtre prétendu
I s’alla plaindre au grand Baillif, lequel
étoit Géorgien , 8c avoit été
Chrétien. Celui-ci , ■ fans attendre Infidélité
unordredefes fuperieurs , fit c o m - ^ " ;
paroître devant -lui l’interprete de
l’Agent, qui étoit Arménien,Sx lui
fit figner un écrit, par lequel il s’o-
bligeoit à produire le meurtrier, ou
à payer une certaine fomme d’ar-
i gent. Il n’en fit aucune difficulté,
I quoi qu’il fût bien qu’il ne s’étoit
fortereffe. A u s f i renvoya-t-on bien-] commis aucun meurtre , St àccufa.
tôt le canonier, qui n’avoit pas, à la même fon compatriote. Cela lui
vérité, le genie requis pour plaire à
une nation, qu’on nefauroit contenter
fans une grande asfiduité, 8c une
application toute particulière.
Le dix- feptieme de ce mois, on eut.
une grande éclipfe de la Lune, qui
parut rougeâtre, 8c fuc prefqueentièrement
obfcurcie. Le vingt-ér-
unieme ll y eut quelques nuages dans
l ’air,après un tems ferain, pendant
fut d’autant plus facile ,. que fon
Maître, qui auroit pû parer le coup
par fon autorité étoit malade au lit
en ce tems-là. On demandoit cependant
à haute voix la vangeance de la
mort prétendue d’un Perfande baffe
naiffance, qui s’étoit attiré quel-
I ques coups de bâton par fon infolen-
ce ; on traitoit de meurtriers tous les
\ Francs, c’eft ainfi qu’on nomme les
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