des miracles de leur Prophète &
des 12. Imans;&c de lui infpirerfur
toute choie une haine implacable
contre les Mahometans Turcs, 8c du
Mogol, que les Perfes méprifent &
maudiffent,croyanc faire par là une
aftion méritoire & rendre un fer-
vice agréable à Dieu. Mais on ne
prend aucun foin de lui apprendre
l ’hiftoire 8c la politique, ni de lui
infpirer l’amoür de la vertu. Au
contraire, pour le. fouftraire aux réflexions,
on l’abandonne aux femmes
dès fa plus tendre jeunefle,
8c à toutes fortes de fenfualitez.
Non content de cela, on lui fait
prendre de Vopium , 8c boire du
Koekenaer ou de l’eau de pavot, dans
laquelle on met de l’ambre 8c d’autres
ingrédiëns qui excitent à la voj.
lupté, 8c rempliffent, pour un tems,
l ’efprit d’idées agréables, 8c le jettent
à la fin dans une infenfibilité
abfoluë. C ’eft ainfi qu’on lui fait
paffer la vie’ j niques à la mort du
Ro i fon pere, qu’on le tire du Ser-
rail ou du Haram pour le placer fur
le trôné, qui lui appartient par,droit
de fucceffionou par teftament.i
Enfuite, toute la Cour vient fèjet-
ter à fes pieds 8c lui donner desmar-
ques de fa foumisfion. Surprft d’a-
■bord d’un fi grand'changement il
l ’envifage comme un fonge, 8c s’y
■ accoutume infenfiblement. Enfin,
il commence à fe connoitre , 8c I
chacun s’empreffe àlui plaire,. 8c,
à obtenir fes bonnes grâces : mais
on ne fonge nullement à lui donner
des .confeils falutàires 8c à lui du1-]
vrir les yeux. Au contraire on prend
foin de l’entretenir dans une ignorance
dont ort veüt profiter ; 8c lots
que YAtternaed Doukt, qui eft fon
premier Miniftre, a quelque grâce
à lui demander, qu’il ne manque
jamais de couvrir du pretexte du
bien-public,-il prend fon tems lors
qu’il ;eft de bonne humeur 8c la pipe
à la main, 8c ne manque guere
d’obtenir ce qu’il fouhaite pour lui
pu pour fes:amis, en fe nommant
fon Corbaen oufavi&ime. Maislors
qu’il s’agit du bien de l’Etat, ou
.d’une affaire qui demande de l’application,
il eft fourd 8c ne veut pas
l’écouter, 8c tourne fes penfées fur r 704.
des chofes agréables 8c conformes à 1. Mat
fon humeur. Ausfi, ce Miniftre ne
s’en apperçoit-il pas plûtôt qu’il
change de difcours, 8c fait apporter
des mets délicieux. Enfuite il
fait venir des muficiens 8c desdan-
feufes, qu’on entretient tout exprès
à la Cour. On fait faire des combats
de taureaux 8c d.e beliers 8c
enfin on donne à ce Prince tous les
divertiffemens dont On fe peut avi-
fer. Il voit tous ces combats 8c plu-
fieurs autres exercices du haut du
Talael delà porte d’Ali-kapie, qui
donne fur la grande place du Palais,
8c cela plait bien plus à ce jeune
Prince fans experience, que de s’appliquer
aux affaires de fon Etat. Enfin,
lors qu’il eft las de ces.diver-
tiffeméns-là, il en va chercher d’autres
au Serrail; 8c les affaires qu’on
lui avoit propofées font remifes à
une autre fois. De forte que ce premier
Miniftre eft obligé de-fe renifle
deux fois par jour à la porte de
l ’appartement de fa Majefté pour
tâcher de trouver une occafion favorable
de la remettre fur le même
fujet, ou plutôt d’y faire tomber
cè Prince adroitement, 8c comme
fans dfffein, lors qu’il eft de bonne
humeur. S’il en agiffoit autrement,
8c qu’il lui vînt rompre la
tête de but en blanc, il s’expofe-
roit à fon indignation, quand même
ce feroic pour une chofe dont
dêpendroiffle falut de l’Etat. Il ne
manque aufli-guere d ’accompagner
céMonarque a -la1 promenade , où il
a. quelquefois le bonheur de le trouver
difpofé à écouter ce qu’il a à
lui dire. Au reftela Volupté va toujours
fon train, 8c on fait chercher
les plus belles filles de la Géorgie
8c de Y Arménie pour les conduire
au Serrai!; Lors même que le Roi
v.a à la chaffé il fait mettre tous les
hommes hors de- leurs maifons,
quelques lieues à la ronde, pour
avoir le plajfir de chaffer, 6c d’aller
à la pêche, ou de prendre d’autres
divertiffemens avec leurs femmes.
Le Roi qui regne aujourd’hui
s’eft aufli addonné au vin depuis
qu’il eft fur le trône ; 8c paffe fouvent
iioa, ' tent des jours 8c deS nuits entières à
t. Mit boire. Voila comment ces Princes
Defirin-
ratiablc
des re-
clielïes.
là paffent les premières années de
leur regne, fans avoir aucun égard
a u falut de l’Etat ni à leur propre
gloire. Les grands de la Cour ne
manquent pas aufli de fe prévaloir
de te tems là, 8c de fe rendre ne-
'ceflairés pour s’enrichir 8c procurer
des emplois à leurs parens 8c amis.
Les Gouverneurs des provinces fui-
vent leur exemple 8c font leurs bour-
fes par toutes fortes de rapines 8c
d’exactions, fans épargner même
les revenus de la Couronne ; 8c ils
le font impunément,enfaifantpart
de leurs voleries aux Seigneurs qui
font dans la faveur 8c qui ont l’oreille
du Roi. Ces defordreS-là continuent
jufques à ce que ce Prince ait
fait choix d’unMiniftre capable d’en
arrêter le cours, 8c de reprimer cette
licence. Alors il commence à ouvrir
les yeux félon qu’il a plus ou moins
de genie; mais il retombe fouvent
dans fes débauches 8c fe laide entraîner
à fon penchant naturel. Enfin,
lors qu’il parvient à fa 35. ou
40. année, fes efprits femblent fe
dégager peu à peu de la matière; il
commence à faire des reflexions ; à
fonger aux affaires de l’Etat, 8c à les
comprendre, à proportion des lumières
qu’il a remues de la nature.
I l s’applique enfuite à remédier aux
defordres, qui ont régné pendant
fajeuneffe, 8c à pourvoir aux ne-
ceflîtés de ce grand Royaume.
Mais il s’en aVife ordinairement
trop tard; la mort prévient fes Bonnes
intentions ; 8c replonge l’Etat
dans fa première miferé.
Le premier Miniftre de ce puif-
fant Empire eft,comme ort l’a déjà
d it, Y Atteniaed-DouÎet, c’eft-à-di-
re, le foutien ; ou directeur de l’Etat,
qu’on riomme.aufli Vtjir-Âzem,
ou grand porte-faix de l’Empffe,
dont il foutient prefqüe tout le fardeau.
Ce Miniftre;, qui eft accatilé
d’affaires,eft expofé de plus à mil-
le fâcheüx ooritretems, outre qu’il
. doit être continuellement fur fes
gardes', de crainte qu’ori ne le fitp-
plante ou qu’on ne le mette mal
dans l’efprit de fon maître; Aufli fa
&-fircier
Miniftre.
principale étude eft de chercher à 170^.
lui plaire j pour s’affüret l’empire i. Mat
de fon efprit; 8c d’évirer tout ce qui
pourroit lui donner du chagrin ou
de l’ombrage. Dans cette Vue il ne
manque pas de le flatter ; de l’éle-
ver au deffus de tous les Princes dd
monde ; 8c de couvrir d’ün voile
épais tout ce ¿qui pourroit fervir à
lui desfiller les yeux, 8c à lui découvrir
la foibleffe de fon Etat. Il
prend même ün foin tout particulier
de l’entretenir dans fon ignoran1
ce; 8c de lui cacher;ou d’adoucir;
toutes les nouvelles defâVantageu-
fes ; 8c fur tout d’exalter les moindres
avantage^ qu’il rempotte fur
fes ennemis. C ’eft par cette politique
que ce Miniftre trouve lé moyen
d’aggrandir fà maifon; 8c d’ëlever
fes amis aux premières charges de
l’Etat. Ausfi ne manque-t-il jamais
de pretexte poür ruiner les iins 8c
avancer les autres ; 8c Cela ltii eft
d’autant plus facile, que tous ceux
qüi font dans les emplois font couj
pables de grandes malverfâtions. I l
a ausfi mille occafions de favo.rifer
ceux qui font dans feS intérêts, 8c
qui lui font part de leurs rapines}
Sc de leur envoyer des Robes Royales
par les officiers de fa maifon, qui
en tirent dès' rccompcnfes , qui leur
fervent de gagés. Lés Gouverneurs
des provinces ’8c des villes briguent
fous, main; ces préfens où Ces honneurs
à force ’ d’argent ; pour fe
faire craindre de ceux qu’ils gouver-i
nertt, qtii n’oferoient fe plaindre de
leurs extorfions lors qu’ils les voient
affez dans la faveur pour obtenir de
ces Robes-l.à-. De Cette manière;
YAttemaed-Doulet eft dans une agi-
tation pèrpetuelle, pour fefoutenir;
avancer. lés-tins & flétrùife les au-
treç; félon qu’i l eft animé par l’af-
feftion ou parla haine; Cependant;
il n’a jamais l’efprit enrepos , comme
on vient, de. le dire, ne pouvant
s’affurer de la fidélité de perfonne;
ceux qu’il faVoriféle pliis çtant fou-
vent les premiers à Contribuer, à fa
perte,lofs qu’ils trouvent fa foxtuc
he.ëbranlée. L’ingratitudèj Si l’in-
fidélité font aufli tellement en iifa- ¿es pei_-
gè en eè pais là j que lés enfans nefi®»-
font