, on vit encore une. grande caiffe remplie
de batterie de cuifine ; 10 traîneaux
chargez d’armes à feu, 3 tambours,
un autre traineau contenaut
des outils de ferrurier , avec un grand
fouflet. On vit paroître enfuite les
officiers pnfonniers,environ au nombre
de po,marchant ièparément,châ-
cun entre deux foldats ; & puis quelques
traîneaux remplis de malades
& de bleffez , fuivis de quelques
foldats Rujfîens , qui fermoient la
marche! 11 étoit une heure après-
midi 3 lors qu’ils entrèrent dans la
ville. Aïant traverfé la porte de
Twerskie, qui eft au nord, on s’avança
jufques au premier arc de
triomphe ,. que paffa le régiment
des gardes. Le Czar s’y arrêta un
bon quart' d’heure pour y prendre
quelques rafraichiffemens, & y recevoir
les félicitations du Clergé.
Comme la rué étoit affez large, cette
porte avoit trois arcades , une
grande au milieu 3 & deux plus .petites
dé côté, attachées à la muraille.
Elle étoit toute couverte de ta-
pifferies, 8c de tableaux , de ligures
8c de devifes, de forte qu’on n’en
voioit pas la charpente; aiant un
.balcon fur le haut; où étoient placez.,
deux à deux, huit jeunes mu-
. ficiens magnifiquement habillez.
La grande arcade étoit couronnée
d’une aigle, & de plufîeurs drapeaux.
Le devant des maifonsvoi-
fines de cet arc de triomphe étoit
auffi tendu de tapifferies Sc orné de
tableaux; avec des balcons remplis
de banderollés, de mufieiens 8ç de 1701.
toutes fortes d’inftrumens, accom- 4- bec.
pagnez d’une orguè , qui faifoient
une harmonie très-agréable. Les
rués étaient couvertes de branches
vertes , 8c d’autres verdures en cet
endroit, où il fe trouva un grand
nombre de feigneurs. La Princef-
fe foeur defaMajefté,laGzarienne
& les Princefiés fes filles, accompagnées
dé plufieurs dames Rujfîen-
nes Sc étrangères , s’étoient placée?
un peu au-delà, dans la maifon du
fieur Jakof IVaffieUof Ftuderof pour
y voir cette folemnité. Le Czar
s’avança, après avoir l'aluéles Prin-
celfes, vers le fécond arc de triomphe,
orné comme le premier. Ce
Prince aiant traverfé la ville en cet
ordre, fortit par la porte de Meefmet-
fe , Sc s’avança vers la Slabode des
Allemands. Lors qu’il y lut arrivé
, le Refident de Hollande lui offrit
du vin, qu’il refufa 8c demanda
de la biere , dont j ’eus l’honneur
de lui préfenter un verre. Il
n’en but qu’un petit coup 8c continua
fa marche vers Probrofensko,
La nuit l’aiant fin-pris, aufortirde
la Slabode , il monta à cheval, 6c
ainfi finit cette cérémonie. Quoi
qu’il fe fût rendu une quantité de
peuple inexprimable! Mofcou, pour
la voir, il n’y arriva aucun mal que
je fâche, 8c tout s’y paffa avec ordre
8c tranquilité , à la fatisfaêtiori
| de tout le monde, bien que les rues
I fuffent remplies d’échafauts.
C h a p i t r é XL
Confécration du Palais ¿’Iimeelhof. Prèfens qu’on y apporte. Üri
Chirurgien François affaffiné. Coûtâmes a l'égard des enfanS
nouveau nez, des enter remens & des mariages, même parmi
les étrangers.
LE douzième de ce mois le Czar
vint dîner à l’improvifte, fur
les dix heures du matin , chez iè
fieur Lups , qui étoit arrivé d’Archangelsk
veille. J’y vins, fans favoir
que ce Prince y é to it, pour
féliciter, ce ¿narchand fur fon retour.'
Sa Majefté , qui n’étoit accompagnée
que de deux feigneurs
Rujfiens, m’aiant entrevû, me fit entrer.
1702.
Decü
L ’Auteur
félicite le
Czar fur
fa conquête.
Confe-
cration
du Palais;
tr'er.' Je pris da liberté de lui préfenter
quelques vers , que j ’aVôis
faits fur la prife de. Nottebourg, le
priant d’en excuferlesdéfauts,parce
que je n’étois pas poëte , 8c de
les envifager Amplement comme un
effet de mon zélé, 8c de la joie que
j ’avois de fia conquête; Il les reçût
très-favorablement, me fit af-
feoir, 8c m’ordonna de faire au fieur
Lufs la relation de fon entrée ¿dont
je m’aquitai à fa fatisfaétion. En-
fuite on but quelques rafades à la
continuation de la nouvelle gloire
qu’il vendit d’aquerir; * Ce" Prihce
s’en retourna à deux heures.
Le dix^neuvième je reçus ordre de
l’Impeiatrice de faire porter à If-
meelhof les trois portraits, que j ’avois
. faits une fécondé fois des jeunes
Princeffes. Elles étoient parti'es
de Mofcou prefqu’en même teins que
moi, 8c ne faifoient que de defeeri-
dre .de car.offelors que j’arrivai. Le
frere de l’Imperatrice les attendoit
avec quelques prêtrés,- pour lesin-
troduire en proceffion au Palais,
qu’on avoit rebâti cet été , le vieux
étant tombé en ruines; C ’étoit le
jpur..auquel il devoit être-GOnfâérë,
avant que la Goür y entrât. - M’étant
fait anoncer, je reçus ordre de
m’arrêter dans le premier appartement,
où je trouvai plufieurs dames:;
de. la JDour. Le plancher é-
toit. couvert de foin , -8c il y a-
voit à droite une grande table garnie
de grands 8c de petits pains, fur
quelques-uns defquels il y avoit une
poignée defel, 8c fur d’autres une fa--
liere d’argent remplie de fel. C ’eft
la coutume de ce païs-ci, que les
parens Sc. les amis de ceux qui vont
habiter unenouvelle maifon ,1a con-
facrent, en quelque maniéré, avec
du fiel, 8c même plufieurs jours de
fuite; C ’efl: en même tems une marque
de là profperité qu’ils leur fou-
haitent, 8c .qu’ils n’aièntjamais bë-
foin des. chofes neceffaires à la vie ;
Et lors qu’ils changent de maifon,
ils laiffent à.terre, dans cèlle qu’ils
quittent, du foin avec-un pain,
emhlême des benediftions qu’ils fou-
haitent à ceux qui y doivent entrer
après eux. Les murailles de l’appartement
, où je m’arrêtai, étoient j 701.
ornées,; au derfas dgS;-portes ,8c dés I9-.DW';
fenêtres,. de 17. differens tableaux
à la Greque, dansdefquels étoient
repréfentez leurs principaux faints,
qu’ils placent ordinairement qu premier
appartement. On ne lâiffe pas
d’en-trouver auffi dans les autres. Le
freredel’Imperatrice étoit aubout de
cette, fale, avec plufieursfeigneurs ;
& quelques prêtres debout, aiant ”
des livres devant eüx-, 8c chantant
des hymnes. L’Imperatrice j accompagnée
de plufieiirs dames, é-
toit dans la troiiième,pendant qu’on
faifoit -le fervice, qui; dura une bonne
demi-beUre.. Après: q^ü-fut gn^
on me conduifit dans -une autre
fale, où. fe rendit cette Princcffe,
à laquelle je fouhairai toutës fortes L’Aùtftii
de profpêritez, aiant un Interprê-^1“ '^ .
té à-cèté-de moi, Elle me prit pat trice,fur
la main en difant,, qu'elle vouloit me SIfCSC. 6â,U'
montrer quelques autres appartemens, nouveau
avec une bonté fürprenaUte pour—3“'
une perfonne de eettè qualité. Elle--
ordonna enfuite à une de fes filles'
d’honneur de remplir d’eau de vie
une petite tàflé d’or, qu’elle me pré-
fenta elle-même, 8c puis më fit l ’honneur'
de - me donner fa main à" bai-
fer, comme firent les jeunes Princeffes,
qui étoient préfentes. Après
cela, elle me congédia 8cm’ordonna
dè revenir dans trois joùrs.
■ Comme les fêtes de Noël appro-
ehoient, je pris la liberté de pré-
fenter- à l’Imperatriee un tableau, Préftns
que j’àvois fait, delà naiffanCe de ..
Jefus^Cbrifi, avec quelques chape- triccpS'
lets, que j’avois apportez àejeru- l’Auteur.
falem , 8c la priai de les accepter au
lieu de pain Sc de fel. Elle en parut
fatisfaite'; 8c me remercia en
me faifant un préfent à folï tour.
Comme j ’avois auffi apporté des
chapelets pour les jeunes Princeffes,
elle m’ordonna de lès leur porter
moi-même. Je les trouvai à table
dans- un autre appartement, où je
leur fis mon préfent , 8c puis m’en
retournai dans celui deMmpératri-
ce. Une de ces Ptinceffes m’y fui--
vit 8c me préfertta une petite taffe
d’eau de vie, 8c puis iin grand verre
de vin ; enfuite dè quoi je mere-
G 3 tirai