
tions; aussi les bourreaux lui faisoient toujours 1 honneur de le placer
auprès d’eux. C’est même sur un champ de bataille qu’on trouve des
exemples frappans de la différente énergie de cette disposition. Tel
soldat, à la vue du sang qu’il fait couler , éprouve 1 ivresse du carnage ;
tel autre, ému de pitié, porte des coups mal assurés, ou du moins épargne
le vaincu, se détourne à la vue d’un enfant, d’une femme et d’un vieillard,
et s’arrête de lui-même après la victoire.
L’homme en proie au cruel penchant dont nous parlons ici} conserve
encore la faculté de le vaincre ou de lui donner une direction qui n’est
pas nuisible. Mais le pouvoir de dompter un penchant vicieux, s’affoiblit
dans un tel individu à proportion qu'il a reçu moins d’éducation, ou que
les organes des qualités d’un ordre supérieur sont moins développés. S’il
arrive que ce penchant soit porté au plus haut degré d’exaltation, l’homme
n’éprouve que peu d’opposition entre ses penchans pernicieux et ses devoirs
extérieurs; et quoique encore dans ce cas il ne soit pas privé de la liberté
morale ou de la faculté de se déterminer d après des motifs, il trouve de la
jouissance dans l’homicide même. Nous rangerons, dans cette catégorie,
tous les brigands qui, non contens de voler, ont manifesté l’inclination
sanguinaire de tourmenter et de tuer sans nécessité. Jean Rosbeck 1 ne se
bornoit point, comme ses camarades, à maltraiter ses victimes pour leur
faire avouer l’endroit où leurs trésors étoient cachés; il inventoit et exer-
çoit les cruautés les plus atroces, pour le seul plaisir de voir les souffrances
et le sang des enfans, des femmes et des vieillards. La crainte, m les tour-
mens ne purent le corriger. Sa première détention dura dix-neuf mois;
il étoit enfermé dans un cachot souterrain et si étroit, qu’il pouvoit à
peine respirer. Ses pieds étoient chargés de chaînes; il étoit jusqu’aux
chevilles dans une eau croupissante, et quand on le retirait de ce cloaque,
c’étoit pour lui faire subir une torture cruelle. Cependant il n’avoua rien;
il fut élargi, et le premier usage qu’il fit de sa liberté, fut de commettre
un vol en plein jour. 11 commit bientôt de nouveaux meurtres, et fut
enfin supplicié. Au commencement du siècle dernier, plusieurs meurtres
furent commis en Hollande, sur la frontière du pays de Clèves. L’auteur
de ces crimes fut long-temps inconnu. Enfin un vieux ménétrier, qui
avoit coutume d’aller jouer du violon à toutes les noces des environs, fut
soupçonné, d après quelques propos que tinrent ses enfans. Traduit
devant le magistrat, il avoua trente-quatre meurtres, et assura qu’il les
avoit commis sans aucune cause d’inimitié, sans intention de voler mais
seulement parce qu’il y trouvoit un plaisir extraordinaire 4 A Strasbourg
deux concierges de la cathédrale ayantété assassinés, ilse passa long-temps
sans qu’on eût le moindre indice sur l’auteur de ce crime. Enfin un postillon
fut tué d’un coup de pistolet, par un abbé Frick, qui avoit pris
exprès la poste pour satisfaire Son épouvantable penchant au meurtre.
On 1 arrêta, et il avoua qu’il étoit l’assassin des deux concierges. Il raconta,
sans changer de contenance, qu’étant étudiant il avoit plusieurs fois engagé
des enfans à le suivre dans la forêt, les avoit pendus à des arbres,
avoit allumé du feu sous eux , et enfin les avoit tués. Il fut brûlé vif à
Strasbourg. Il jouissoit d’une grande aisance, et n’avoit jamais volé.
Une expérience, heureusement très-rare, nous montre que ce penchant
détestable est quelquefois tout à fait indépendant de l’éducation,
des exemples, de la séduction ou de l’habitude, et qu’il prend uniquement
sa source dans un vice de l’organisation. En effet, il se commet des
crimes tellement barbares, on avec des circonstances si dégoûtantes et si
révoltantes, qu’il seroit difficile d’expliquër ces crimes d’une autre manière.
Prochaska raconte * qu’une femme de Milan amenoit chez elle dè
petits enfans en les flattant, puis les tuoit, saloit leur chair, et en mangeoit
tous les jours. Il cite aussi l’exemple d’un homme qui, par l’èffet de ce
penchant atroce, tua un voyageur et une jeune fille pour les dévorer.
Nous avons déjà fait mention de la fille d’un anthropophage, qui, dès sa
tendre enfance , élevée loin de son père , partageoit cet affreux penchant.
r
‘ Ce fait nous a été communiqué par M. Serrurier, magistrat à Amsterdam.