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beau le claàtier pour le corriger de cette habitude, il ne la perdit point.
J’ai eu moi-même un chien de la plus petite espèce , qui, bien qu éleve
par une dame fort douce, ne pouvoit souffrir autour de lui ni oiseau,
nichât; il étrangloittout, et c’est à cause de cela qu’on m’en fat present.
Je crus le corriger par les châtimens les plus durs, mais en vain; aucun
de ses petits ne montra la même passion à un degré remarquable ;
plusieurs d’entre eux avoient même si peu de goût pour le divertissement
favori de leur père, que je pouvois sans crainte laisser courir
de petits oiseaux et des souris au milieu d’eux. Quelques chiens ont un
penchant extraordinaire à voler, d’autres paroissent insensibles au penchant
le plus puissant de leur espèce, et regardent toutes les femelles
avec la plus grande indifférence. J’ai déjà cité, ailleurs, l’histoire rapportée
par de Coste, traducteur de Loke, de ce chien qui pour se procurer
une place plus commode auprès du feu, faisoit grand bruit, et
pendant que les autres chiens courroient à la porte use plaçoit commodément,
stratagème qui ne manquoit jamais de lui réussir avec ses camarades
moins rusés que lui.
Qui ne sait pas que les chevaux, les boeufs, les ânes, les mulets et
même les brebis et les chèvres, diffèrent beaucoup pour le caractère
d’un individu à l ’autre? Je ne rappellerai ici que la vache de Dupont de
Nemours, qui, seule dans tout le troupeau, avoit trouvé moyen de soulever
avec ses cornes, les barrières qui faisoient la clôture dun champ
de froment ou de maïs.
Quiconque observe avec attention les moeurs des animaux, retrouvera
les mêmes différences de caractère chez les bêtes les plus sauvages. Je
possède le crâne d’un loup qui fut enlevé à sa mère avec les autres petits,
et élevé comme eux. Tous les autres conservèrent leur caractère farouche
; lui seul s’apprivoisa complètement, et s’attacha à son maître
comme un chien. Que l’on interroge les gardiens des lions, des tigres,
des hyènes, etc., et l’on pourra se convaincre que la meme différence
de caractère a lieu pour les différens individus de toutes ces espèces.
Cent fois j’ai élevé des oiseaux pris dans le nid , et constamment
j’ai observé la même différence dans leurs moeurs. Tandis que 1 un étoit
d u c e r v e a u .
très-privé, et prétoit une attention soutenue à l’air qu’on siffloit devant
lu i, un autre restoit constamment farouche et distrait : l’un aimoit à se
trouver avec des oiseaux de toute espèce, et donnoit, avec plaisir la
becquée à leurs petits, tandis qu’un autre poursuivoit avec une rage
envieuse et jalouse , tout ce qui parojssoit s’aimer. Quelques-uns
lorsqu ils s étoient échappés de leurs cages dans la chambre, se lais-
soient rattraper à plusieurs reprises ; d’autres , dès la première fois, ne
pouvoient être engagés, ni par la faim ni par ruse, à rentrer dans leur
prison.
D’où provient cette différence d’individu à individu dans les facultés
et les qualités essentiellement communes à l’espèce? Il ne peut être
question ici, ni de l’éducation, ni d’autres causes accidentelles, comme
je l ’ai déjà prouvé dans la section sur les dispositions innées. Qui pourra
jamais expliquer ces phénomènes à l ’aide dun seul organe? «• •
Mais toutes les difficultés disparoissent du moment où l’on admet
avec moi que chaque faculté ou chaque qualité particulière a son
organe particulier. Alors, l’on conçoit comment, dans un individu, un
organe peut avoir reçu un développement plus complet que dans un
autre individu de la même espèce, et comment,à raison de cela, la manifestation
de la qualité ou faculté dépendante de cet organe , peut
ressortir davantage.
Dans la suite de cet ouvrage, je comparerai le frontbombé dubarbet
intelligent avec le front applati de l ’indocile lévrier ; le large crâne
de l’ardent chien de chasse avec la tête étroite et allongée du dogue
poltron; le front bombé et large, au dessus des yeux, des chevaux
intell'igens, avec le front étroit et fuyant en arrière des chevaux indociles
et méchans; le cerveau et le crâne du mâle et de la femelle de
ces espèces chez lesquelles les deux sexes se distinguent par le plus
grand ou le moindre développement de certaines qualités ou de certaines
facultés ; par exemple : le cerveau et le crâne du taureau et de la
vache, de 1 étalon et de la jument, du chien et de la chienne ; comme
chez ces animaux le penchant à l’amour physique est plus puissant
et plus durable dans le mâle que dans la femelle, la partie cérébrale
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