
S E C T IO N y.
Sur les moyens de trouver, à l’aide de l’état du cerveau,
une mesure pour les facultés intellectuelles et les
qualités morales.
M arché cette incertitude dans les opinions sur la destination du
cerveau, il s’est trouvé quelques médecins philosophes et quelques
physiologistes doués d’assez de perspicacité, pour soutenir que le cerveau
étoit non-seulement l’instrument de toutes les facultés intellectuelles
, mais même de toutes les qualités morales, en général, l’organe
du caractère tout entier de l’homme. Ces médecins et ces physiologistes,
par exemple Burchard , Boerhave, Van Swieten , Channet, Haller,
Mayer, MM. Sômmerring, Cuvier, etc., firent du cerveau l’objet particulier
de leurs méditations et de leurs recherches ; ils étoient convaincus
qu’il doit exister des rapports déterminés entre le cerveau, et les penchans
et les facultés; ils tâchèrent de découvrir les lois de ces rapports, et pour
parvenir à leur but, ils ne négligèrent aucune des ressources que, de
leur temps, la science pouvoit leur offrir.
Si l’on fait réflexion aux difficultés sans nombre qu’ils rencontrèrent,
on leur pardonne sans peine de n’avoir pas atteint le but qu’ils s’étoient
proposé ; et même , il faut le dire , nous ne pouvons pas nous flatter de
nous trouver de long-temps placés dans un point de vue d’où nous
puissions embrasser complètement cet objet. N’oublions pas que chaque
espèce d’animaux est douée d’un cerveau à elle particulier, à elle propre;
à raison de ce cerveau de qualités particulières, et à elles propres. Souvenons
nous bien que des milliers d’espèces d’animaux nous sont encore
entièrement inconnues ; que les espèces que nous connoissons, quant au
nom et à la forme extérieure, n ont point été étudiées ni sous le rapport
des parties intégrantes de leur cerveau , ni sous celui de leurs qualités
particulières. Que connoissons-nous des animaux domestiques ? le
profit que nous pouvons en retirer; des animaux sauvages? ce qui
peut rendre plus piquant le plaisir de la chasse.Que connoissons-nous
des insectes, des reptiles, des amphibies, des oiseaux, et des espèces
modifiées à l’infini des innombrables habitans des mers?
, Une perspective aussi peu consolante est, sans contredit, de nature
a décourager le physiologiste le plus intrépide. A chaque pas qu’il fait,
le but s’éloigne de lui : mais bientôt, quand il réfléchit à la grandeur
de l’idée qu’il poursuit, son courage renaît; c’est l’histoire du cerveau
qu’il s’est proposé de tracer; c’est^l’histoire de l’animal, de l’homme
vivant qu’il veut écrire; ce sont toutes les profondeurs de la pensée, et
tous les caprices de la volonté qu’il veut sonder; ce sont les ressorts
de tous les penchans, de toutes les inclinations, de toutes les aptitudes
industrielles, de toutes les facultés enfin , qu’il veut dévoiler; son
ardeur se ranime, son coeur s’enflamme ; il se sent une mission sacrée
pour remplir une tâche si sublime ; et si le sentiment intime de son
insuffisance lui crie qu’avec tous ses efforts il ne produira qu’une
ébauche , il se dit : j aurai fourni quelques pierres pour un édifice magnifique.
Je vais rapporter les tentatives que l’on avoit faites jusqu’ici pour
déterminer les rapports existans entre le cerveau et les fonctions des
facultés intellectuelles ; j’apprécierai ces tentatives , et je finirai en
exposant ce que nous pouvons espérer des découvertes les plus récentes.