
la tête ou trop grosse et attaquée d’hydrocéphale, ou trop petite, comprimée
et difforme ; presque toujours une constitution scrophuleuse ; les
yeuxpetits, enfoncés,peu découpés en hauteur, et fendus en largeur;
la bouche très-grande, les lèvres pendantes , la langue épaisse , le cou
gonflé,la démarche chancelante et mal assurée, etc. Leur organisation
primitive est par conséquent défectueuse ; ce sont de vrais idiots qui
ne peuvent recevoir aucune instruction, ni aucune éducation;et c’est
par-là qu’on explique pourquoi on les trouve dans les bois. Comme
ils sont à charge à leurs familles, et que même , dans certains pays,
lès gens du bas peuple regardent ces malheureux comme des enfans
ensorcelés, ou comme des étrangers substitués à leurs véritables enfans,
il arrive souvent qu’on les expose, ou bien qu’on les laisse errer à leur
gré sans y faire attention. L’on a même remarqué dans lea hospices
que ces êtres difformes ont Un penchant décidé pour vivre dans les
forêts, et qu’ils cherchent toujours à s’échapper. On nous a raconté à
l’hôpital de Haina , près de Marbourg, que quelques-uns des imbéciles
que l’on y garde, s’enfuyoient, et qu’en sè mettant à leur poursuite on
en a trouvé quelquefois d’autres qui s’étoient évadés d’autres endroits,
et qui n’avoient plus que des lambeaux de vêtemens. Nous avons vu ,
près d’Augsbourg, Une femme aliénée qüe l’on avoit trouvée dans une
forêt. On nous a montré à Brunswick une femme complètement imbécile
; elle avoit été découverte dans Un bois, couchée sur le côté
les yeux ouverts, mais ne pouvant rien articuler.
Veut-on citer le sauvage de l’Aveyron, déposé à Paris, à l’Institution
des Sourds-Muets? Il n’est pas différent de ceux dont nous venons de
parler, puisqu’il est imbécile à un haut degré. Son front est très-peu
élargi par les côtés, et très-comprimé parle haut, ses yeux sont petits et
très-enfoncés,son cervelet est peu développé. Nous n’avons pu nous convaincre
qu’il ait le sensdel’ouïe; on n’a pu, devant noUs,le rendre attentif
ni en l’appelant, ni en faisant sonner un verre derrière ses oreilles. Sa
manière d’être est tranquille ; son attitude et sa manière de s’asseoir sont
décentes ; on remarque seulement qu’il balance sans cesse le haut du
corps et la tête; il salue par une inclination les personnes qui arrivent,
et témoigne sa, satisfaction quand elles s’en vont. Lè penchant vers le
Sexe ne pârôit pas encore agir en lui. Il connoît quelques caractères
d’écriture , et même il indique les objets que ces caractères désignent.
Au teste, son occupation favorite est de remettre exactement à leur
place les objets qui ont été dérangés. Voilà où ont abouti les espérances
que l’on s’étoit formées, les nombreux efforts que l’on a faits, et
la patience et la douceur que met dans sa conduite envers lui une
femme bienfaisante. Nous pouvons prononcer avec certitude que
jamais on ne pourra en obtenir davantage.
On cité un autre exemple pour prouver l’influence puissante de
l’éducation : c’est celui de l’homme sauvage trouvé dans les forêts de
la Lithuanie. Cette manière de raisonner est vraiment singulière. On
trouve un imbécile dans une forêt, et l’on Conclut que l’éducation
éU atiroit fait un homme. La première question à décider est pourtant
de savoir si cès êtres, à qui l’éducation a manqué, n’êtoient pas déjà
des imbéciles , ayant de se perdre dans les forêts.
Quand M. de Tr-aey ■ dit, en parlant de l’homme en général,
que l’individu qui a reçu l’éducation ressemble moins a celui qui n en
a reçu aucune , qu’un teuf à un poulet et qu’un gland à un cbene, il
ne dit vrai què par rapport à ces infortunés ; mais 1 experienee de tous
les temps à prouvé qu’ils restent imbéciles, soit qu’ils vivent dans les
forêts, soit qu’ils restent a® sein dé leur famille. Le panégyriste le
plus immodéré des effets de' l'éducation, Helvetius, est forcé de recon-
noître qu’une organisation favorable 6si la première condition de l’éducation.
Il est difficile dè croire que, dans nos régions populeuses, un homme
bien organisé puisse errer long-temps comme un sauvage. Si l’on trouve
quelque part un individu semblable, égaré dès son enfance, il est
impossible que,- daUs son état d’isolement, il ait acquis aucune con-
noisssancedépendante de l’instruction. Mais il aura certainement,
dans sa position , exercé les facultés qui appartiennent à l’homme ;
‘ Idéologie, p. a44-