
voloit dans la prison même. Elle avoit pratiqué, avec une adresse extrême,
une ouverture dans un poêle qui écliauffoit la pièce où étoit la caisse de
l’établissement. Les vols répétés quelle y fit, furent remarqués. On mit
inutilement, pour la découvrir, des sonnettes aux portes et aux fenêtres-,
mais enfin, des pistolets qui partirent à l’instant où elle touchoit à la
caisse, lui causèrent une frayeur si vive, qu’elle n’eut pas le temps de
s’échapper par le poêle. Nous avons vu dans une prison de Copenhague
un voleur incorrigible, qui distribuoit quelquefois ses larcins aux pauvres.
Dans un autre endroit, un voleur enfermé pour la septième fois nous
assura avec chagrin qu’il ne lui sembloit pas possible de se conduire autrement.
Il demandoit avec instance d’être gardé en prison, et qu’on lui
fournît les moyens d’y gagner sa vie.
On pourroit citer des milliers de faits semblables, et qui prouvent en
même temps que le penchant au vol n’est pas toujours la suite d’une
mauvaise éducation, de la fainéantise, de la pauvreté, du manque de
quelques bonnes qualités , ni même du défaut de morale ou de religion:
et cela est tellement vrai , que chacun ferme les yeux sur les larcins
insignifians, quand ils sont commis par des personnes riches, qui d’ailleurs
ont de bonnes moeurs. On appelle ces vols des distractions. Mais
le même penchant ne peut-il pas se trouver dans des hommes pauvres?
Change-1-il alors de nature? En change-t-il par l’importance
des objets volés ? Des cas semblables, il résulte qu’il faut beaucoup de
prudence et d’expérience pour fixer avec exactitude le degré de culpabilité.
Considérons maintenant, sous le même point de vue, un autre penchant
malfaisant.
Il y a dans l’homme une inclination qui va par gradation, depuis la
simple indifférence à voir souffrir les animaux, et depuis le simple plaisir
à voir tuer, jusqu’au désir le plus impérieux de tuer. L j sensibilité repousse
cette doctrine , mais elle n’est que trop réelle. Quiconque veut juger
convenablement les phénomènes de la nature, doit avoir le courage de
reconnoître les choses telles qu’elles sont, et en général ne pas faire
l'homme meilleur qu’il n’est.
n u c e r v e a u . 181
On observe que, parmi les enfans, comme parmi les adultes, parmi
les hommes grossiers et parmi ceux qui ont reçu de l’éducation, les uns
sont sensibles et les autres indifférens aux souffrances d’autrui. Quelques
uns même goûtent un plaisir à tourmenter les animaux, à les voir
torturer et tuer, sans qu’on puisse en accuser ni l’habitude, ni une
mauvaise éducation. Et nous pourrions citer plusieurs exemples où
cette inclination, quand elle étoit très-énergique , a décidé certains
individus dans le choix de leur état. Un étudiant effrayoit souvent ses
condisciples par le plaisir particulier qu’il prenoit à tourmenter des
insectes, des oiseaux et d’autres animaux. Ce fut pour satisfaire son inclination
, comme il le disoit lui-même, qu’il s’adonna à la chirurgie. Un
garçon apothicaire éprouvoit un penchant si violent à tuer, qu’il se fit
bourreau. Le fils d’un marchand, qui faisoit de même consister son bonheur
à tuer, embrassa la profession de boucher. Un riche Hollandois
payoit les bouchers qui faisoient de grosses livraisons de viande aux
navires, pour qu’ils lui laissassent assommer les boeufs.
On peut encore juger de l’existence de ce penchant et de sa diversité
par l’impression que produit sur les spectateurs le supplice qu’on fait
subir aux criminels. Les uns ne peuvent supporter ce spectacle, les autres
le cherchent comme un plaisir. Le chevalier Selwyn se donnoit tous les
mouvemens possibles pour être placé près du coupable que l’on suppli-
cioit. On raconte de La Condamine que, faisant Un jour des efforts pour
percer la foule rassemblée sur la place des exécutions , et les soldats
l’ayant repoussé en arrière, le bourreau leur dit : « Laissez passer monsieur
, c’est nn amateur. » M. Bruggmanns, professeur à Leyde, nous a
parlé d’un ecclésiastique hollandois qui avoit un désir si décidé de voir
tuer et de tuer, qu’il prit la place d’aumonier d’un régiment, seulement
pour avoir 1 occasion de voir détruire un plus grand nombre d’hommes
Ce même ecclésiastique élevoit chez lui des femelles de différens animaux
domestiques, et, quand elles meltoient bas, son occupation favorite étoit
de couper le cou aux petits. Il se chargeoit d’égorger tous les animaux
apportés à la cuisine. Il correspondoit avec les bourreaux du pays, et
faisoit des courses de plusieurs jours à pied pour assister aux exécu