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M. Fodéré va même jusqua avouer que , « de même que les climats
tempérés sont ceux où l’on observe un plus grand développement des
facultés intellectuelles, et ceux où il y a le plus d’énergie morale, de
même ils sont aussi les plus féconds en affections maniaques et mélancoliques
».
Preuve nouvelle que la manie doit avoir le même siège que l’intelligence
saine.
Après tous ces aveux de mes adversaires, je puis continuer de dissiper
les doutes, et de réfuter les objections.
Continuation des doutes et des objections contre la
théorie, suivant laquelle le cerveau est l’organe des
facultés intellectuelles et des qualités morales.
Des cas où un hémisphère du cerveau, ou le cerveau tout entier ont été
anéantis , à ce qu’on prétend, sans que T exercice des facultés morales
et intellectuelles fu t directement compromis.
L ’on veut avoir observé qu’un hémisphère entier a été détruit par la
suppuration, sans que pour cela l’exercice des facultés intellectuelles
ait été compromis. Ne devoit-on pas s’attendre à ce qu’en pareil cas
l’exercice des fonctions, au moins de la moitié des facultés intellectuelles
fut rendu impossible ?
Je pourrois dire que des observations semblables sont fort douteuses ;
mais je veux qu’elles soient absolument exactes, d’autant plus que
j’ai observé moi-même un cas du même genre, dans l’Institution Thé-
résienne devienne. Un ecclésiastique souffroit depuis long-temps d'une
érysipèle au front qui disparoissoit souvent et reparoissoit après quelque
temps. Tout son côté gauche s’affoiblit peu à peu tellement, que
pour marcher il étoit obligé de s’appuyer sur un bâton ; à la fin, il
fut frappé d’apoplexie , et il mourut au bout de quelques heures.
Trois jours auparavant, il avoit prêché, et avoit vaqué comme à 1 ordinaire,
à l’instruction de la jeunesse. A l’autopsie cadavérique, je
trouvai la moitié de l’hémisphère droit, convertie en une substance
grumeleuse, d’un blanc jaunâtre, sale. A l'époque de cette autopsie,
je ne connoissois point encore la véritable structure'du cerveau, etpar conséquent
j’étois hors d’état de faire une observation parfaitement exacte.
Quoi qu’il en soit, il est indubitable que l’exercice des facultés intellectuelles
avoit continué de se faire d’une manière étonnante, malgré
cette dégradation considérable dun hémisphère. Comment concevoir
ce phénomène, s’il est vrai que le cerveau, et ses parties intégrantes,
sont exclusivement les instrumens des facultés mentales?
J’ai prouvé , dans le premier volume, que les systèmes nerveux de
la moelle épinière, des organes des sens et du cerveau, sont doubles
ou pairs. Nous avons deux nerfs optiques , deux nerfs acoustiques , tout
comme nous avons deux yeux et deux oreilles, et le cerveau est double
de même, et toutes ses parties intégrantes sont paires. Or de même que
1 un des nerfs optiques, ou l’un des yeux étant détruit, nous continuons
de voir de l’autre oeil ; de même l’un des hémisphères du cerveau, ou
l’un des cerveaux étant devenu incapable de remplir ses fonctions,
1 autre hémisphère ou l’autre cerveau peut continuer sans obstacle de
remplir les siennes ; en d’autres termes , les fonctions peuvent être
troublées ou suspendues d un côté, et rester intactes de l’autre.
Tiedemann rapporte l’exemple d’un nommé Joseph Moser, qui
avoit l’un des côtés aliéné, et qui, avec le côté sain, observoit sa
propre aliénation.
Quelques physiologistes pensent que c’est-là bien plutôt une aliénation
partielle , quune aliénation de tout un côté du cerveau 5 mais
j ai de bonnes raisons pour ne pas souscrire à cette manière de voir.
A Vienne, un ministre fut attaqué pendant trois ans de la même maladie •
il m en a communiqué la relation; il y décrit avec exactitude la manière
dont étoit affecté chacun des côtés du cerveau. Du côté gauche, il
entendqit continuellement des injures qu’on lui crioit, de façon qu’il