
ne se meut dans son intérieur et ne l’incite à des actions injustes 1 ?
Quant aux dispositions au mal, quelques écrivains ont déjà répondu
que toutes les qualités originelles de l’homme lui ont été données pour
une bonne fin, qu’aucune ne conduit nécessairement au mal, et que l’on
peut abuser de tout ce qu’il y a de bon dans le monde. Eusèbe * dit, avec
Philon, que la matière, par elle-même, n’est pas méchante, et n’est pas
la cause immédiate du mal, lequel ne consiste que dans les actions et dans
le mauvais usage des facultés originelles1 * 3 4. D’autres ajoutent que, pour
décider qu’une chose est un mal, il faudroit connoître ce que l’homme
ignore, savoir le but immense et universel de la création *.
Pour le mal moral, comme pour le mal physique, les hommes doivent
se soumettre aux décrets de Dieu. L ’un et l’autre existent, non comme
le disent plusieurs personnes, parce que le créateur le permet; car une
pensée semblable supposeroit d’un côté un pur hasard, et de l’autre l’impuissance
du créateur ; mais ils existent parce qu’ils entrent dans le plan
de l’éternelle providence. De même que les biens temporels sont répartis
inégalement et sans aucune acception des personnes, de même aussi les
maux physiques arrivent fréquemment sans qu’il y ait de la faute de celui
qui en est affligé % N’y a-t-il pas une opposition continuelle dans toute
1 Nous sommes pécheurs et enclins au mal. Catéchisme à l'usage de toutes
les églises de VEmpire français. Paris , 1806,p. a5.
* Præparat. Evangel., lib. VII, n. 22.
3 Le mal n’est pas une substance, et il n’y a de mauvais que l’abus que les
hommes font. St. Augustin, de la vraie Religion, c. XX.
4 Dieu vit l’assemblage de tout ce qu’il avoitfait, et il le trouva fort bon.
Genèse, I , 5i,
a Tel juste péril malgré sa justice, et tel méchant vit long temps nonobstant
sa malice. Ecclésiast. T l 1, 16. Tout se réserve pour l’avenir et demeure incertain,
parce que tout arrive également au juste et à l’injuste, au bon et au
méchant, au pur et à l’impur, à celui qui offre des victimes et à celui qui
n’en offre point. L’innocent est traité comme le pécheur, et celui qui jure
faussement comme celui qui respecte le jurement. C’est-là ce qu’il y a de plus
fâcheux dans tout ce qui se passe sous le soleil, que tout arrive de même à tous.
la nature ? L’air, la terre et l’eau n’offrent-ils pas une scène perpétuelle de
destruction, de production, de souffrances et de plaisirs ? Qu’ont fait les
animaux pour que l’homme, à qui ils rendent des services, les nourrisse
mal et les maltraite de toutes les manières ? Ce n’est pas non plus de
l’homme que viennent les contagions dévastatrices. Si les parens ont
engendré leurs enfans dans l’excès de la débauche, pourquoi faut-il que
les enfans en expient la faute? Quand la grêle ravage la moisson du riche
oisif, épargne-t-elle le jardin du pauvre laborieux ?
C’est ainsi que, pour le mal moral, le genre humain porte sur le front
l’empreinte du mal originel, Toujours le juste se plaindra avec Moïse ' des
mauvaises actions et delà dépravation des hommes. Toujours les hommes
seront enclins à toutes sortes d’actions perverses, à la tromperie à la
dissimulation. Toujours l’homme sera tourmenté par ses désirs charnels
et souvent, quoique persuadé de l’excellence de la vertu , ses désirs le
feront dévier de la bonne voie. Jamais le monde ne cessera d’être le
théâtre de tous les vices, tels que le mensonge, la calomnie, la jalousie,
l’envie, l’avarice, l’usure , l’impudicité , la vengeance, le vol, l’adultère
le viol, l’inceste, l’idolâtrie, le meurtre, le parjure, l’ivrognerie, la discorde,
l’inimitié, l’injustice, l’orgueil, etc. * Le besoin le plus pressant de
De-là vient que les coeurs des enfans des hommes sont remplis de malice et
d’égarement pendant leur vie, et qu’ils vont aussi joindre les morts. Ecclésiast.
IX , 2-3. J’ai encore appliqué mon esprit, et j’ai vu sous le soleil, que
le prix de la course n’est pas pour ceux qui sont les plus légers, ni la victoire
dans la guerre pour les vaillans , ni le pain pour les plus sages, ni les richesses
pour les plus habiles , ni la faveur pour les ouvriers les plus intelligens ; mais
il leur arrive à tous ce qui plaît à Dieu, selon le temps et foccurrence- car
l’homme ne connoit pas même le temps qui lui est donné. Comme les poissons
sont pris à l’hameçon et les oiseaux au filet, ainsi les hommes se trouvent
surpris par l’adversité, lorsque tout d’un coup elle fond sur eux. Ecclésiast. IX
n et t2.
Le seigneur vit que la malice des hommes qui vivoient sur la terre étoit
extrême , et que toutes les pensées et tous les desseins de leur coeur n etoient
en tout temps que méchanceté. Genèse, V I , 5.
* L’homme de bien tire de bonnes choses du bon trésor de son coeur, et le