
Le lecteur se rappellera qu’il ne faut point confondre l’expression
organe de l ’ame, avec celle siège de l’ame ; et il ne doit pas non
plus s’attendre à ce que je m’engage dans l ’examen de la question : de
quelle manière le corps et l’ame agissent-ils réciproquement l’un sur
l ’autre ? Je me contenterai de rapporter les opinions de quelques
auteurs anciens et modernes sur cet objet.
Exposé des opinions les plus marquantes sur le siège
de l’ame et sur l’action réciproque de l’ame sur le
corps, et du corps sur l’ame.
Les physiologistes et les philosophes, selon l’idée qu’ils se formoient
de l ’ame, la firent agir de telle manière ou de telle autre, sur tel point
de l’organisme animal, ou sur tel autre. Ceux qui, avec Stahl et son
école, n’entendoient par ame que la force motrice de la croissance, de
l'irritabilité et de la vie , dévoient nécessairement admettre qu’elle etoit
répandue, et en quelque façon disséminée dans toutes les parties du
corps. Ceux aussi qui supposoient une faculté sensitive immédiate,
dans d’autres parties que dans le cerveau, dévoient admettre un siégé
de l’ame d’une certaine étendue. Depuis les temps les plus reculés,
jusqu’à nos jours, on a assez généralement placé la faculté appétitive
dans les viscères de la poitrine et du bas-ventre. Pythagore, Platon,
Galien et beaucoup d’autres cherchent le siège de l ’ame sensitive
dans le cerveau; les Stoiciens et Aristote le cherchent dans le coeur;
Erasistratè, dans les méningés; Hérophile, dans les grands ventricules
du cerveau; Servetto, dans l’acquéduc de Sjlvius; Auranti, dans1 le
troisième ventricule du cerveau; van Helmont, dans l’estomac ; Descartes,
dans la glande pinéale; Varthon et Schellhammer , à la naissance
de la moelle épinière; Drelîncourt et autres, dans le cervelet;
Bontekoe, Lancisi, et Lapeyronie, dans le corps calleux, ou dans
la grande commissure du cerveau. Willis, dans les corps striés ; Vieus-
Æens, dans le centre ovale de la substance médullaire qui porte son
nom ; Ackermann, dans la partie que cet anatomiste apelle Sinneshiioel•
D’autres physiologistes parlent tantôt du siège de lame, et tantôt de
l’organe de l’ame; et pensent qu’il est absurde de chercher son siège
dans quelqu’une de ces parties que nous venons de nommer, parce
qu’il n’en est aucune d’entre elles que l’on n’ait trouvée viciée ou
détruite, sans que celte dégradation ait entraîné la perte des facultés
de lame. Unzer, Jacobi, Dumas et autres, pensent que les objections
que l’on a faites à ceux qui- prétendent que le cerveau est le
siège de lame, sont absolument sans réplique. Ils en appellent surtout
aux observations deBartholini, de Duverney et d’autres qui prétendent
avoir disséqué des sujets dont l’encéphale étoit entièrement détruit,
ou même des enfans privés de cerveau, sans que les facultés de
l’ame eussent manqué de se manifester. Dumas ■ cite spécialement
les observations de Méri, de Wepfer, et d’autres qui virent des enfans
nés absolument sans cerveau, vivre pendant quelque temps. Dumas
ajoute que l’encéphale étant insensible lui-même, ne sauroit être le
siège de l’ame. ■ . _ ■ ,
La plupart des auteurs se déclarent contée l’hypothèse d’un siège de
1 ame doué d étendue.,Un siège de l’ame qui ne seroit pas un point, leur
parait incompatible avec sa simplicité. Gé point leur semble devoir être
celui dontnaissent tous les nerfs du corps, ou vers lequel ils rayonnent
tous. Mais malheureusement ils sont obligés de convenir qu’il n’existe
nulle part, ni un point d’où naissent tous les nerfs, ni un point où ils
se reunissent tous. Quand même, d’ailleurs, il existeroit un point semblable
, ce ne pourrait toujours être qu’un point physique, c’est-à-dire
étendu, et dans ce cas, il n’y aurait rien de gagné pour l ’idée que
l’ame est simple.
Les opinions relatives à l’action de l’ame sur le corps, et vice versa,
' Sinneshûgel, mot allemand, qui signifie tubercule des sens. Ackermann
comprend sous cette dénomination les couches optiques et les corps Stries ; parce
que, suivant l’opinion reçue , les nerfs optiques naissent des couches optiques ,
et les nerfs olfactifs des corps striés.