
Mais il leur paroissoit impossible de déchiffrer le cerveau, et d’y déterminer
l’origine des nerfs des sens et le siège de la mémoire,
du jugement, etc. ' »
Cabanis émet une opinion semblable, lorsqu’il dit : « D’après la distinction
entre les impressions reçues par les sens externes, celles qui
sont propres aux organes intérieurs, et celles dont la cause agit directement
dans le sein de l’organe sensitif, on pourroit se demander avec
quelque raison, si la division des sens est complété, et s’il y en a véritablement
plus de cinq. Assurément, les impressions qui se rapportent
aux organes de la génération, par exemple, diffèrent autant de celles
du goût, et celles qui tiennent aux opérations de l ’estomac, diffèrent
autant de celles de l’ouïe, que celles qui sont propres à l’ouïe et au
goût, diffèrent de celles de la vue et de l’odorat : rien n’est plus certain.
Les déterminations produites par l’action directe de différentes causes
sur les centres nerveux eux-mêmes , ont aussi des caractères bien particuliers;
et les idées ou les penchans qui résultent de ces différens
ordres d’impressions , se ressentent nécessairement de leur origine.
Cependant, comme il paroït impossible encore de les circonscrire avec
assez de précision , c’est-à-dire de ramener chaque produit à son 1 instrument,
chaque résultat à ses données, une analyse sévère rejette
comme prématurées, les nouvelles divisions qui viennent s’offrir d’elles-
mêmes; et le sens du toucher étant un sens général qui répond à tout,
peut-être seront-elles toujours regardées comme inutiles » \.
Mayer 3 ne trouvoit pas du tout vraisemblable, que l ’ame exerce ses
diverses fonctions, si différentes entre elles, dans une seule et même
région du cerveau. Il étoit fortement tenté d’admettre que la substance
corticale est le siège de la mémoire ; et le cervelet, celui des idées
abstraites.
1 y an Swîeten, T. I , p. lf>4-
'Cabanis, Rapports du physique et du moral de l’homme(2*. édition),T. I,
p. a35 et 234.
3 Anatomisch-physiologische Abhandlung vom Gehirn, Rückenmark und
Ursprung der Nerven. Berlin , 1779. P. 38 et 59.
Prochaska, aussi, regarde comme très-probable, qu’il existe un organe
particulier pour chacun dessensinternes.il présume avec lîoerhave
que le siège de la faculté apperceptive doit être fort éloigné de celui de
l ’imagination, parce que durant le sommeil, l’imagination peut être
en pleine activité, tandis que la faculté apperceptive est dans l’inaction.
C’est par cette raison, dit-il, que pendant le sommeil les idées sont si
confuses, et qu’elles ne commencent à se débrouiller que lorsque l ’organe
de l’apperception se réveille.
Platner admet un organe supérieur , et un organe inférieur de
l’ame.
Malacarne ne croit point que la substance médullaire du cerveau
soit susceptible de recevoir indistinctement toute espèce d’impressions
et de sensations. Il nie qu’il existe un point de réunion de tous les
nerfs; il regarde le cervelet comme le siège des facultés intellectuelles
supérieures, et il croit pouvoir trouver une mesure pour ces facultés
dans le nombre des feuillets, dont se compose lé cervelet de tel ou
tel individu.
Chanet, Wrisberg , Tiedemann, M. Richerand, et la plupart des
physiologistes modernes, pensent que la nature doit avoir eu un but
déterminé en formant des parties intégrantes du cerveau si nombreuses
et si diverses, et ils soupçonnent que chacune de ces parties doit avoir
une fonction particulière. Voilà pourquoi M. Cuvier, qui cependant
ailleurs ' paroït annoncer une autre opinion , dit dans son rapport sur
les progrès des sciences, que ma doctrine sur les fonctions du cerveau,
n’a rien de contraire aux notions générales de la physiologie *.
En racontant que Broussonnet avoit perdu la mémoire des substantifs
et des noms propres, il propose la question suivante : « La mémoire
, force incompréhensible, seroit-elle logée dans autant de cases
distinctes qu’il existe d’espèces de mémoire » ? Antérieurement ,M. Cuvier
' Leçons d’Anatomie comparée, T. I l , p.
* Rapport historique sur les progrès des sciences naturelles, depuis 1789,
et sur leur état actuel, p. 193.