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d’erreurs; elles ont une mémoire tenace, sont capables de fixer un seul
objet; leurs passions sont fougueuses comme leur imagination
11 faut convenir que, d’après la méthode de ces physiologistes, les
facultés intellectuelles et les qualités morales se déterminent à-peu-près
uniquement d’après des points de vue physiques et mécaniques. Fibre
lâche, mémoire foible; fibre rigide, opiniâtreté; constitution humide,
paresse dans les fonctions intellectuelles; sang léger, conception facile ;
constitution robuste, résistance courageuse. Rien peut - il mieux s accorder?
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Si la constitution délicate des femmes explique leurlasciveté, qu’est-ce
qui expliquera celle de l’homme, du singe, du chien, du taureau ?
Les exemples d’hommes fameux dans l’histoire, doués de tel ou tel
tempérament, ne prouvent rien. Ces citations ne portent le caractère ni
d’un esprit philosophique, ni d’une loi uniforme de la nature. Jamais
le tempérament d’un homme illustre n’a été jugé d’avance par un médecin
philosophe; je passe sous silence les préjugés qui auroient influencé
un pareil jugement. Plutarque n’a jamais déterminé le tempérament
de ses héros, ni d’après ses propres observations, ni même d’après
le témoignage de leurs contemporains; et les physiologistes de nos jours
prétendent savoir quel étoit le tempérament d’Aristide, de Thémistocle,
de Timoléon, de Cimon, de Dion! etc. On cherche à çonnoitre les
actions des grands hommes, et puis, d’après ses propres hypothèses sur
la cause de leurs qualités, on leur suppose tel ou tel tempérament. Des
observations répétées à l’infini, me font adopter l’opinion d’flelvétiiis,
qui soutient qu’avec un tempérament quelconque, on peut avoir du
génie ou être borné. L’on trouve le génie et la sottise dans les personnes
sanguines, bilieuses, phlegmatiques, grasses, maigres, foibles et
robustes. Je connois des hommes et des femmes qui, avec une disposition
héréditaire à l’hydropisie, avec des pieds constamment enflés,
' Cabanis explique aussi toutes les nuances du caractère moral et intellectuel
par la diversité des tempéramens. Rapports du physique et du moral de
l’homme. 2'. édition, T. 1, p. 404 et suivantes.
avec un ventre tuméfié, une peau froide et spongieuse, une figure pâle,
de fréquentes évacuations glaireuses, sont d’un caractère très-irascible,
querelleurs, violens, impérieux, ardens dans l ’amour, furieux
dans la jalousie et dans la colère, téméraires dans leurs entreprises,
prompts, actifs et infatigables dans l’exécution de leurs projets. Je
connois, au contraire, des hommes sanguins, pleins de force, qui ne
trouvent leur bonheur que dans le sommeil et dans l’oisiveté ; que rien
ne peut tirer de leur léthargie, ni l’appât de l’or, ni la voix de l’honneur,
ni les charmes d’une femme.
Toutes les fois que je lis des explications relatives aux tempéramens,
je me crois dans un cercle de diseurs de bonne aventure, tels que Porta,
Penchel, Pernetli, Huart, de la Chambre, auxquels il suffit de savoir
si une personne a les cheveux roux, noirs ou blonds, durs, plats ou
frisés, les yeux bruns ou bleus, les sourcils droits ou arqués, la racine
du nez large ou étroite, les naseaux petits ou ouverts, les lèvres grosses
ou fines, le menton arrondi ou pointu, pour tirer son horoscope,
et déterminer ses qualités , ses vices et ses talens.
Comme le tempérament n’est autre chose que la constitution générale
du corps, il faut que l’influence qu’on lui attribue sur les facultés
et les penchans, soit universelle; mais comment se fait-il qu’il n’existe
presque pas d’homme qui ne soit très-passionné pour certaines choses, et
trèsrindifférent pour d’autres? que tel objet nous laisse froids, et que nous
y renonçons sans regret, tandis que nous poursuivons la possession de
tel autre , avec une constance à toute épreuve ? Comment se fait-il, que
l’on peut être de première force dans telle partie, et dans telle autre que
l’on a cultivée même avec plus d’application, d’une foiblesse extrême?
Tout homme qui cherche sincèrement la vérité, peut se convaincre
à chaque instant, que l’extérieur , en tant qu’il décèle le tempérament
, n’est pas du tout en harmonie avec les facultés et les penchans.
Il est absolument faux que l’activité des fonctions vitales soit
en rapport direct avec l’activité des forces intellectuelles ; si cela étoit,
ces oisifs turbulens, ces débauchés, ces bons vivans si sémillans, l’em-
porteroient infiniment sur des hommes, en apparence beaucoup plus