238 PHYSIOLOGIE
signifier uniquement que sa toute-science pénètre jusque dans l’in-
térieur de l’homme. Du reste , il faut chercher tout aussi peu dans
l ’écriture des dissertations sur les fonctions des parties du corps humain
, que sur les mouvemens fies corps célestes. Comme les reins sont
chargés de la sécrétion de l’urine, ce seroit une idée ignoble que d’y
chercher l’origine des passions et des conceptions.
Certaines mutilations, par exemple celle des parties sexuelles, influent
manifestement sur le caractère moral et intellectuel de l’animal
ou de l’homme mutilé. Ne seroit-on pas autorisé, par conséquent, à
chercher dans ces parties la cause de certaines qualités ? Nullement; car
la perte des parties sexuelles emporte, non la perte, mais seulement
une modification des qualités en question. Je prouverai ailleurs que
les lésions ou la destruction des parties sexuelles, entraînent des modifications,
non-seulement de toute la constitution, mais encore du
cerveau; elles doivent donc modifier nécessairement la manière dont
le cerveau remplit ses fonctions.
Les fluides seraient- ils la condition matérielle de l’exercice des fonctions
de l’ame ? Mais un fluide où tout est mêlé, dans lequel les proportions
des parties constituantes changent à tout instant, peut-il être
le siège de fonctions déterminées et fixes? Enfin , les acéphales., jes
crétins, les idiots de naissance , ont les memes fluides et les memes
solides que les personnes bien constituées , sans que 1 on remarque en
eux aucune des qualités que l’on pourrait être tenté d’attribuer au sang
ou aux intestins.
L ’anatomie comparée contredit toutes ces reveries. Le cochon, le
taureau, etc., ont les parties en question conformées à peu près de la
même manière que l’homme, sans avoir toutes les qualités de ce dernier.
Plusieurs des viscères en question , sont plus grands dans les animaux
que dans l’homme, et cependant, combien ceux-ci ne nous sont-ils pas
inférieurs, même pour les qualités que nous partageons avec eux? Le
loup, le tigre, la brebis, le lièvre, le castor ont les mêmes viscères;
cependant leurs inclinations, leurs appétits, leurs aptitudes industrielles,
sont différens et même contradictoires. Ou bien, soutiendrat
on que le coeur est dans le tigre l’organe de la cruauté ; dans la brebis
celui de la douceur, dans le lion celui du courage? Plusieurs animaux
ont le foie très-grand, quoique nous ne remarquions en eux aucune
des qualités que l’on seroit tenté de prêter au foie. D’autres manquent
de certains viscères, et nous remarquons en eux des qualités que l’on
prete à ces viscères. Les insectes, par exemple, n’ont ni foie ni bile ■
et cependant, ils sont très-irascibles. Du reste, tous les viscères portent
le caractère des fonctions mécaniques dont ils sont chargés, ou
bien, tout y est arrangé pour opérer une sécrétion ou pour remplir un
but qui n’a rien de commun avec les fonctions intellectuelles ou morales.
Aucune des parties que nous avons nommées, ne peut donc être
l’organe des facultés intellectuelles ou des qualités morales.
Excepte le cerveau, aucun des systenxes nerveux ne peut
être considère' comme le siège des facultés intellectuelles
et des cjualités morales,
Ce que j ai dit plus haut des viscères, est également applicable aux
plexus nerveux et aux ganglions de la poitrine et du bas-ventre , que
quelques physiologistes ont voulu élever au rang d’organes des affections
et des passions, et dont ils ont voulu faire le siège de l ’ame ou des
quajités affectives. Les fonctions de ces parties sont également connues •
elles concourent pour les fonctions des viscères auxquels elles appartiennent,
et, au moyen de branches qui communiquent avec la moelle
épinière et avec le cerveau , elles établissent des rapports entre la vie
animale et la vie automatique. Il seroit tout aussi absurde de leur attribuer
encore d’autres fonctions, que de faire du nerf auditif l’organe
non-seulement de l’ouïe, mais encore de la vue. On trouve desganglions
et des plexus nerveux dans des animaux, (par exemple dans l’huître j
qui certainement ne sont susceptibles d’aucune des affections et d’ aucune
des passions dont on veut établir le siège dans ces parties. Dans les animaux
capables d’affections et de passions, l’énergie de ces dernières