
menace. L ’accès passé, il retourne chez lui délivré de toute espèce de
tentation.
Certains mets, et surtout les liqueurs spiritueuses produisent sur
beaucoup de personnes des irritations particulières qui sont l’effet d’une
espèce d’ivresse,sans cependant que celle-ci soit accompagnée des symptômes
ordinaires. On sait que le viu, l’eau-de-vie rendent l’homme courageux,
querelleur, éloquent, sincère, amoureux, triste, gai. Quand le brigand
Peter Pétri n’étoit pas ivre, il sembloit plongé dans une espèce d’engourdissement
et d’apathie, on faisoit de lui ce qu’on vouloit. Mais dès qu’il
avoit bu quelques verres d’eau-de-vie, c’étoit un tigre qui se jetoit sans
distinction sur ses amis et ses ennemis. Une femme, à Bamberg, éprou-
voit, dès quelle avoit bu de l’eau-de-vie, un vif désir de mettre le feu à
quelque maison ; l’ivresse à peine étoit-elle passée, que cette femme avoit
horreur d’elle-même. Mais comme elle ne se tint pas assez en garde contre
les attraits de sa boisson favorite, elle commit jusqu’à quatorze incendies.
L ’on admet comme motif atténuant, l’instant d’emportement d’une
passion fougueuse, et même quelquefois l’ivresse réelle. Mais, dans les
cas dont nous parlons, l’effet des boissons se borne à provoquer une
inclination funeste, et c’est cette particularité que nous avons voulu faire
remarquer.
Le cas le plus embarrassant, relativement à la culpabilité, en faisant
abstraction des lois, est celui où une qualité particulière acquiert par
elle-même et par une suite de l’organisation un si haut degré d’énergie,
quelle forme le caractère le plus dominant d’un individu. Nous avons
déjà prouvé que toutes les facultés et tous les penchans peuvent arriver
à ce degré d’énergie. Si cela a lieu pour une chose indifférente ou louable,
on peut en féliciter un individu sans lui en faire un sujet de mérite. Plusieurs
personnes Sont, par leur nature, appelées à la dévotion; d’autres
seroient obligées de se faire une violence extrême pour renvoyer, sans
les secourir, un enfant abandonné et un vieillard sans appui. Beaucoup
d’hommes ont une inclination particulière à bâtir, à voyager, à quereller ;
l’un est enflammé par un désir insatiable de gloire, l’autre n’est pas maître
d épargner ses medleurs amis quand une saillie piquante se présente à
son esprit. Nous avons trouvé,, dans une maison de correction, un jeune
noble extrêmement fier, qui y avoit été enfermé parce qu’il avoit honte
de toute espèce de travail; même, dans cette maison , il ne consentoit à
parler qu’avec des personnes marquantes, et ses questions annonçoient
une pénétration peu commune. Les systèmes nerveux de certains sens
extérieurs peuvent aussi acquérir un degré si extraordinaire d’activité
et d’énergie, qu’ils déterminent, pour ainsi dire, le caractère principal
d’un individu. Ce genre d’énergie est même quelquefois héréditaire. Dans
une famille russe, le père et le grand-père ont été victimes de bonne
heure de leur penchant à s’enivrer; le fils, quoiqu’il prévoie les suites de
ce travers, continue à s’y abandonner comme malgré lui, et le pètit-fils
enfant de cinq ans, manifeste déjà l’inclination la plus décidée pour les
liqueurs fortes.
Pourquoi cette activité impérieuse n’auroit-elle pas aussi quelquefois
lieu pour d’autres organes qui, par l’excès de leur action, entraînent au
mal? La réalité d’une pareille exaltation est fondée sur tant d’exemples,
que toute objection dictée par la superstition ou les préjugés seroit absurde.
L ’individu qui éprouve cette énergie exaltée est dominé par une sensation
ou par une idée unique où se porte toute son ame. Si cette action violente
n est pas retenue par des forces supérieures, l’homme en est l’esclave. Si des
facultés d un ordre supérieur agissent en même temps dans un sens con-
tiaire, il en résulte une lutte opiniâtre entre les concupiscences funestes
de cet individu et l’opposition pénible de sa raison : est-il surprenant que
souvent les mauvais penchans l’emportent sur les bons et la chair sur
l’esprit? Cet état, il est vrai, n’est pas une véritable aliénation de l’esprit,
cest plutôt un assujétissement de lame, et il offre un contraste incompréhensible
entre l’homme et l’animal dans l’homme ■ . Si l’exaltation a
1 La chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit, et l’esprit en a de
contraires à ceux de la chair ; ces principes se combattent l’un l’autre, de
sorte que vous ne faites pas les choses que vous voudriez. St. Paul aux
Galates, V , 17.
II . a3