
Sur le volume absolu du cerveau, compare' à ses fonctions1.
Si l ’on admet que le cerveau est l ’organe de l’ame , rien de plus
naturel que la conclusion : les fonctions du cerveau doivent être en
rapport direct avec son volume. On a trouvé une masse cérébrale beaucoup
plus considérable dans l’homme que dans les plus gros de nos
animaux domestiques, par exemple dans le boeuf et dans le cheval; et sans
faire des recherches plus scrupuleuses dans le règne animal, on attribua
les qualités prédominantes de l ’homme à la masse plus considérable de
son cerveau; l ’on avança généralement avec Aristote, Erasistrate,
Pline et Galien que , de tous les animaux, l’homme est celui qui a la
masse cérébrale la plus considérable ; opinion qui a été soutenue
encore par quelques modernes.
Plus tard , l ’on a trouvé que la masse cérébrale de l’éléphant,
PI. X X X V , et de plusieurs cétacées , est plus considérable que
celle de l’homme. Cette circonstance devoit naturellement embarrasser
les partisans de l ’opinion que nous venons de rapporter. On
aura beau vanter les facultés de l ’éléphant , et faire de la baleine
le roi des habitans de la mer, on ne sera guère autorisé à leur attribuer
les qualités qui font l ’orgueil de l ’homme. 11 fallut donc renoncer
à évaluer les facultés intellectuelles d’après la masse absolue du cerveau.
Le chien et le singe ont une masse cérébrale moins considérable que
le cheval, le boeuf et l’âne, et cependant ils surpassent beaucoup ces
derniers animaux par leur intelligence. Le loup, la brebis, le cochon
et le tigre, sont à-peu-près dans la même catégorie, relativement à la
masse de leur cerveau; et malgré cela, ils ont les qualités les plus dif-
■ * Si dans toute cette discussion il est tantôt question de la masse du cerveau,
et tantôt de son •volume, c’est que les auteurs que je cite se sont attaches les
uns à la masse , les autres au volume ; mais comme nos observations sont applicables
dans l’un et l’autre cas, cela est à-peu-près indifférent,
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ferentes, et même les plus opposées. L’émouchet et le pigeon ont des
masses encéphaliques à-peu-près égales, et cependant quelle différence
dans leurs instincts '.
Nous voyons de plus que la nature, avec des masses cérébrales extraordinairement
petites, parvient à produire les effets les plus admirables;
qui ne se rappelle ici la fourmi, l ’abeille, leur économie domestique,
leur mémoire locale, leur industrieuse activité, leur colère, leurs vengeances
qu’elles exercent en corps, l ’éducation soignée des petits, l ’accord
mutuel qui existe dans une ruche ou dans une fourmilière ? Ou’y
a-t-il de mieux calculé que la toile de l ’araignée et l ’entonnoir du
fourmi-lion ? Ne voyons-nous pas l’image de la penthère altérée de
sang dans le staphilin ? du cerf si jaloux, si fier, si intrépide, dans le
coq vaillant? du morse et du sanglier belliqueux dans le combattant1,
et dans le rouge-gorge ? Qui osera dire que la nature est en défaut dans
1 encéphale du plus petit insecte, et qu’elle a épuisé ses moyens dans
le cerveau de la baleine ?
Si la masse seule du cerveau étoit à considérer, si ses parties intégrantes
n entroient pas comme élémens dans le calcul, il n’y auroit
d autre différence entre les animaux doués d’une grande masse cérébrale
, et ceux partagés d’un petit cerveau, qu’une intensité plus grande
ou moindre dans 1 exercice des facultés intellectuelles. Les qualités
particulières à telle espèce ne s’expliquent nullement par la seule
masse de son cerveau. Les individus de telle espèce vivent isolés •
ceux de telle autre se réunissent en société; dans quelques-unes les
mâles et les femelles vivent dans l’état de mariage ; dans d’autres il n’y
a pas de liaison durable entre les deux sexes. Une espèce d’animaux
élève ses petits avec le plus grand spin; une autre les abandonne;
certains animaux bâtissent des habitations ; d’autres voyagent; d’autres
chantent, etc. Expliquera t-on toutes ces différences dans l ’instinct
1 Espèce de bécasse , dite le combattant. ( Trinca pugnax, Linn ).