
Avoit-on jusqu ici les connaissances ne'cessaires pour
déterminer avec exactitude les vices, les lésions et
les maladies du cerveau ?
II est impossible de faire des observations pathologiques exactes sur
une partie dont on ne connoît pas la structure , et sur laquelle on n’a
que des idées fausses.
M. Richerand rejette les observations faites par Greding, sur le
cerveau des aliénés, parce que, dit-il, cet observateur ne connoissoit
pas suffisamment l’orgawisation du cerveau
Cependant, depuis Greding jusqu’à M. Richerand, la connoissance
de l’encéphale n’avoit pas subi de changement remarquable. Greding
parle du cerveau dans le même esprit qu’en parlent encore aujourd’hui
ceux qui croient devoir dédaigner nos découvertes. 11 désigne
toutes les parties sous les mêmes noms que les anatomistes de nos
jours; nous avons prouvé en son lieu, que l’on ne connoissoit pas la
structure du cerveau mieux en France qu’en Allemagne. Du reste,
Greding a consigné un si grand nombre d’autopsies cadavériques,
qu’il a pu parvenir à des résultats incontestables. 11 y a peu d’années
encore, que les autopsies cadavériques des médecins françois, bien
loin d’être suffisantes pour établir les principes de l’observateur allemand
, étoient insuffisantes même pour en vérifier l’exactitude.
Quelles connoissances de la pathologie et de la physiologie du cerveau
supposer aux anatomistes de nos jours, lorsque l’on voit Mala-
carne soutenir que le cervelet des imbéciles est composé de moins de
feuillets que celui des personnes qui jouissent de l’intégrité de leurs
facultés mentales ; lorsque l’on voit toujours citer encore des crânes
prives entièrement de substance cérébrale, et uniquement remplis d’eau;
’ Physiologie, 7'. édit. p. ig i .
lorsque l’on voit admettre avec Morgagni qu’une substance cérébrale
trop ferme entraîne l’incohérence des idées, et une substance cérébrale
trop molle , la paresse des idées; que par conséquent des fibres
trop tendues produisent la folie, et des fibres trop lâches, l’imbécilité?
L ’on parle encore, avec Dumas, de la forme arrondie que l ’on prétend
observer au cerveau de personnes douées de facultés intellectuelles
distinguées ; d une couleur plus ou moins foncée de la masse cérébrale,
selon que le défunt avoit eu des inclinations plus ou moins douces.
L’on trouve encore dans les cadavres, avec MM. Dumas et Richerand,
des cerveaux endurcis. L’on copie encore le conte rapporté par Théophile
Bonnet, suivant lequel on trouva dur, desséché, et friable entre
les doigts, le cerveau d’un homme qui,-après avoir eu une fièvre avec
délire, étoit devenu furieux; l’on soutient encore que les aliénés
qui se faisoient remarquer par leur opiniâtreté , ont des cerveaux durs
et raccornis, tandis que ceux qui se montroient indécis, irrésolus, et
d un caractère flexible, ont des cerveaux mous. On trouve encore, avec
M. Portai ', des circonvolutions moins profondes dans les cerveaux
des aliénés , que dans ceux des autres hommes. Le même auteur prétend
avoir vu que les cavités cérébrales n’étoientplus revêtues que de
la membrane vasculaire, de façon qu’à la moindre incision que l’on
faisoit dans cette membrane, l’on pénétroit dans les cavités latérales \
L’on parle encore toujours de dissolution du cerveau, dans l’hydrocéphale
, de cerveaux ossifiés, et même pétrifiés.
Dans nos nombreuses recherches sur le cerveau, nous n’avons jamais
remarqué de phénomènes semblables ; et lorsque les médecins qui se
laissent éblouir par l’éclat de certains noms, ne trouvent rien de pareil
dans le cerveau des aliénés, s’ensuit-il que ces cerveaux n’avoient en
effet souffert aucune dégradation quelconque ?
Lorsque Ion ne connoît pas bien exactement la structure du cerveau,
l’on peut croire souvent qu’une lésion , qu’une excroissance, qu’une
’ Anatomie Médicale, T. IV, p. 67.
* ibid. p. 76. '