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plusieurs faits semblables J’eus occasion devoir une femme naturellement
incline à la dévotion, qui se croyoit possédée. Sur tout autre
objet elle montroit une perspicacité extraordinaire, à tel point, qu’il
nous étoit difficile à moi et à ceux qui m’accompagnoient, de tenir tête
à ses sophismes. Je donnai des soins à un ecclésiastique très-savant, et
en apparence fort sensé , qui soutenoit qu’il éto-it damné sans rémission.
Un homme riche, après avoir été obligé de vaquer pendant
quelque temps à des affaires très - compliquées, tomba dans la mélancolie.
Dans ses accès il ne voit partout que malheurs, qu’événe-
mens funestes; il gémit et pleure à chaudes larmes, comme une femme;
dans l’agitation du désespoir il parcourt son vaste appartement, déterminé
tantôt à finir ses jours par le suicide, et renonçant à ce projet
linstant d’après. Si l ’on touche dans ce moment un objet qui soit
étranger à ce qui concerne sa fortune, à l’instant un voile paroît tomber
de dessus son entendement; il entame la conversation la plus intéressante,
et fait l’etonnement de tous les assistans par la sagacité de ses
observations. Un maître de langue qui n’avoit jamais discontinué d’enseigner
l’anglois avec le plus grand succès, s’étoit mis dans l'esprit que
la police le poursuivoit partout, de façon que quelquefois il essayoit
de se sauverpar la fenêtre-
Cette espèce de manie est si commune,. qu’on lui a donné Te nom
de manie raisonnante, précisément parce que ceux qui en sont atteints,
quoique leurs idées soient absolument troublées sur un ou sur plusieurs
points, sous tout autre rapport, sentent et combinent leurs idées
comme des. personnes raisonnables.
Les cas où, suivant l’expression de M. Pinel et d’autres auteurs, les
qualités affectives sont singulièrement troublées, tandis queles qualités
intellectuelles sont restées intactes, se voient encore très-fréquemment..
Nous avons parlé plus haut (Pun homme qui de temps à autre se sent vio-
lemmenf pjpussé à commettre un homicide, maisqui dans ses accès conserve
toujours assez de présence d’esprit pour se mettre sous la surveillance
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de ses amis. Nous y avons rapporté aussi l’exemple d’un soldat qui
étoit également sujet à ces accès de fureur sanguinaire, mais qui
chaque fois, à leur approche, se faisoit mettre aux fers'. M. Pinel a
consigné des faits semblables", et nous avons rapporté un cas pareil
d’une fureur extraordinaire où les facultés intellectuelles subsistoient
sans la moindre altération.
Dans l’imbécillité de naissance même, les qualités morales et toutes
les facultés intellectuelles ne sont pas paralysées au même degré. Dans
la plupart des cas, comme je Tai déjà observé plusieurs fois, quelques-
unes des facultés jouissent encore d’une assez grande activité. J’ai vu
à Paris, deux filles imbéciles qui saisissent très-bien les chansons
qu’elles entendent-, et qui, après un long intervalle, les chantent avec
beaucoup de justesse, et les répètent aussi souvent qu’on le demande.
Le soi-disant sauvage de l’Aveyron, déposé à Paris dans l’institution
des sourds-muets, quoique toutes ses facultés soient extrêmement
bornées , montre un penchant pour l’ordre qui va jusqu’à la passion.
Lorsque quelqu’un déplace l’objet le plus insignifiant, unebrosse, par
exemple , il accourt de suite pour le remettre à sa première place.
M. Pinel rapporte un cas tout semblable. Quelquefois les fdiots les plus
lourds et les plus apathiques pour tout le reste, sont dominés par un
penchant impérieux pour l’amour physique ; d’autres ont un penchant
irrésistible à voler; d’autres encore, comme je l’ai déjà fait remarquer
deviennent très - dangereux par une espèce de rage qui les pousse à
mettre le feu aux maisons, à assassiner, etc.
( Je regarde comme impossible d’expliquer ces faits, à moins qu’os.
n admette la pluralité des organes de lame. Mais l’ancienneté des
préjugés leur donne- une telle sanction aux yeux de certaines
personnes, qu’elles en deviennent inaccessibles à la vérité la plus
évidente. D’autres se contentent de sophismes consacrés pari’usage,
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’ Sur l’aliénation mentale, p. 102 , § 117.
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