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gique à l’époque de l’accouchement. Il faut donc supposer que, lorsqu’une
mère suit cette affreuse suggestion, elle y qst presque toujours provoquée
avec violence, et qu’ainsi, au milieu des passions contraires qui l’agitent,
il est juste d’examiner jusqu’à quel point ce combat a pu lui laisser une
réflexion suffisante et même l’usage libre de ses sens *.
Nous avons traité avec étendue de l’infanticide, mais cet exemple n’est
pas le seul qui montre que les passions et les affections long-temps prolongées,
même lorsqu’elles ne produisent pas une véritable folie , peuvent
altérer les dispositions de l’ame, et tellement affoiblir la liberté morale,
qu’il est difficile, dans des cas semblables, de bien apprécier la culpabilité
des actions. L ’exemple suivant en fournit une preuve.
«La femme de l’honnête Joseph Prohaska, soldat en garnison à Breslau
' Pour prévenir lrinfanticide, on a, dans plusieurs pays, enjoint aux filles
enceintes de découvrir leur état à un accoucheur ou à une sage-femme; et,
si elles ne remplissent pas cette formalité, la loi les soupçonne de l ’intention
de commettre un infanticide. Dans d’autres endroits, on rend responsables les
propriétaires des maisons que ces filles habitent. Malheureusement le législateur
se trouve souvent dans le même cas que le médecin qui traite des maladies
incurables. Aucun moyen ne réussit, et pourtant on aime mieux en essayer
de douteux que de n’en employer aucun. La disposition de la loi qui enjoint
de découvrir la grossesse, est trop en contradiction avec le naturel d’une
femme timide et honteuse ; il est clair que nous ne parlons pas des filles
publiques. L’ensemble de l’éducation des femmes tend à fortifier leur pudeur
naturelle. Nous regardons ce sentiment comme la meilleure sauve-garde de
leur vertu; et, lorsqu’une femme succombe, nous exigeons qu’elle révèle sa
honte ! Nous avons vu des hommes d’un âge mûr qui ne pouvoient se résoudre
à faire confidence de certaines maladies à leurs amis les plus intimes. Si l’on
considère encore que beaucoup de filles croient qu’en faisant un aveu semblable,
elles versent l’opprobre sur leur famille, et qu’ainsi cette obstination
à cacher leur état, est encore un effet de leur vertu, qui n’est pas totalement
corrompue, on sentira qu’il vaudroit mieux recourir à des moyens plus doux,
tels que les établissemens où les femmes peuvent accoucher en secret, et les
hôpitaux d’enfans trouvés où elles porteront leur enfant nouveau né avec la
certitude que l’on prendra soin de son existence.
DU C E R V E A U. 171 en Silésie, inspira une passion brutale au premier lieutenant de la compagnie
de son mari. Cette épouse vertueuse rejeta avec persévérance les
propositions et les importunités du lieutenant, et n’en parla pas à son
mari. Un jour qu’elle lui portoit à dîner au corps de garde où on l’avoit
envoyé à dessein , elle le trouva assis sur le lit de camp, le visage pâle et
défait, et les yeux fixés devant lui. Remporte cela, lui dit-il, j’ai déjà
été régalé aujourd’hui à l’exercice et à la parade, et je n’ai plus d’appétit.
Il lui donna rendez-vous à sept heures du soir au poste. Dans l’intervalle,
elle apprit, d’un des compagnons de son mari, que le premier lieutenant
l’avoit déjà accusé plusieurs fois à l’exercice, de ne pas faire attention au
commandement et de négliger le soin de ses armes; qu’il avoit joint à
cela des mots injurieux, et lui avoit, de sa propre main, donné, à plusieurs
reprises, des coups de canne; que, lorsque le bataillon s’étoit formé,
le colonel avoit, suivant l’usage, ordonné aux officiers de noter les soldats
négligens pour leur donner douze coups de bâton à la première pause.
Prohaska s’étoit trouvé deux fois parmi les soldats notés de négligence,
et avoit subi le châtiment prescrit ; et comme le caractère d’homme se
réveilla en lui, et qu’il se plaignit, quoiqu'avec la plus grande douceur,
de l’injustice qu’il éprouvoit, il fut traité de mutin, et quinze autres coups
de bâton le forcèrent au silence.
« La malheureuse femme interrompit plusieurs fois ce récit en s’écriant :
Jésus, c’est moi qui en suis la cause; pauvre homme, il faut que tu en
portes la peine ; il veut donc my forcer ! Elle rentra chez elle. Pour
soulager son coeur oppressé, elle raconta à ses amis et aux habitans de
la même maison ce qui s’éloit passé dans cette journée, et ses funestes
relations avec le féroce bourreau de son mari. A sept heures, elle alla
au rempart, où son mari l’attendoit. Dès qu’elle fut seule avec lui, elle
lui confia tout ce que sa bonté naturelle l’avoit engagée jusqu’alors à lui
tenir caché, et le pria d’aller , au sortir de la garde, porter sa plainte au
chef du régiment. Le pauvre Prohaska l’écouta avec un calme apparent.
Lorsqu’elle eut achevé, il prit en silence le soupé que sa femme lui avoit
apporté, et n’ouvrit la bouche que pour lui souhaiter une bonne nuit et