
toutes les bonnes qualités, telles que la crainte de Dieu, l’amour du
prochain, la foi, la miséricorde, la justice et l’obéissance. Si quelques
personnes ne connoissent pas la vérité, c’est, suivant lui, parce qu’elleS
n’ont pas reçu la capacité nécessaire pour la connaître. Il réfute les objections
qu’on en tiroit contre la justice de Dieu, et s’écrie avec l’apôtre ’ :
« O profondeur des trésors de la sagesse et de la science de Dieu ! que ses
jugemens sont impénétrables et ses voies incompréhensibles»! Il remarque
* que la grâce de Dieu n’a pas non plus réparti également à chacun
les biens temporels, tels que l’adresse, la force, la santé, la beauté ,
l’esprit, et les dispositions àux arts et aux sciences, enfin la richesse,
les honneurs, etc. St. Cyprien avoit déjà dit que nous ne devons pas
nous enorgueillir de nos qualités , car nous n’avons rien de nous-
mêmes.
Veut-on encore une preuve qu’on a toujours été convaincu de l’influence
des conditions matérielles sur nos actions morales, on n’a qu’à
lire dans l’histoire les règlemens religieux ou civils qu’on a faits parmi
tous les peuples pour dompter les désirs de l’homme. Il n’y a aucune
religion qui n’ait ordonné l’abstinence de certains mets et de certaines
boissons, le jeûne et la mortification du corps. C’est ce qui a porté Male-
branche | à tenir ce langage : « Il est ridicule de philosopher contre
l’expérience. Ce n’est pas que les chrétiens philosophent comme les stoïciens,
ils ne nient pas que la douleur ne soit un mal.......ils reconnoissent
que l’ame dépend du corps, et de telle manière quelle ne peut se délivrer
de sa dépendance que par la grâce de Jésus-Christ ». Depuis Salomon
jusqu’à nous, nous ne connoissons aucun observateur de la nature humaine
qui n’ait reconnu cette dépendance.
Plusieurs personnes admettroient peut-être l’innéité des dispositions,
si nous ne disions pas que les dispositions au mal sont aussi innées. Les
hommes se sont toujours tourmentés pour découvrir l’origine du mal,
’ Epitre aux Romains, XI, 33.
* Lib. de correptione et gratia, c. 8.
3 Recherche de la vérité, T. I I , p. 141.
parce qu’il leur semble contradictoire que le mal ait été créé par un
être infiniment bon. C’est pour éviter cette contradiction qu’on avoit
inventé deux principes, et que l’on supposoit un être bon et un être
méchant dans un état de guerre perpétuelle. On nous a reproché avec
amertume d admettre dans 1 homme des penchans innés à des actions
nuisibles, et nos antagonistes font surtout remarquer que, dans ces
penchans innés, se trouve la disposition au vol et la disposition au
meurtre.
Nous nous reservons de désabuser et de tranquilliser nos lecteurs lorsque
nous traiterons spécialement de ces dispositions. Qu’ils recherchent,
en attendant, pourquoi, dans tous les temps et dans tous les pays, l’on
a volé et assassiné, et pourquoi aucune éducation , aucune législation,
aucune religion n’ont pu extirper ces crimes ? Rejettera-t-on la faute sur
nos aïeux, comme si leurs’exemples nous avoient transmis ces penchans
impies ? Que l’on explique alors comment les premiers exemples auroient
eu lieu , et comment 1 homme, qui n’auroit eu que des dispositions essentiellement
bonnes, seroit devenu si enclin au mal? Que ce soit d’ailleurs
1 éducation et non la nature qui nous donne les penchans vicieux , l’objection
est toujours la même, puisque l’éducation n’est pas non plus en notre
pouvoir. Ces deux causes 11’offrent qu’une seule différence, c’est qu’avec
l’une d faut finir par reconnoître l’existence des mauvaises dispositions
originelles qui seules peuvent expliquer les résultats de l’éducation , au lieu
qu’avec Fautre on commence par admettre les dispositions naturelles qui
conduisent aux vices et aux crimes.
En vain, pour expliquer l’origine du mal, a-t-on recours au libre arbitre.
Dès qu’on admet le libre arbitre, on présuppose le bien et le mal moral;
car que seroit le libre arbitre, s’il n’y avoit pas deux choses distinctes, le
bien et le mal, entre lesquels l’homme librê peut choisir? Ne pourroit-
on pas aussi objecter que même ce libre arbitre si vanté, puisqu’il occasionne
tant de mal, est un mal lui-même? A l’instant où l’on préconise
le libre arbitre, l’homme ne se trouve-t-il pas sur les bords glissans
de 1 abyme ? On dit, il est vrai, et nous le disons aussi, que l’homme
abuse de sa liberté; mais quel motif a l’homme d’en abuser, si rien