
dans les cours de l’hospice avec les autres convalescens. Quatre nouvelles
années d’épreuve avoient encore achevé de faire croire à sa guérison,
lorsque tout-à-coup il manifesta de nouveau ses idées superstitieuses et
sanguinaires. La veille d’un jour de Noël, il forme le projet de faire un
sacrifice expiatoire de tout ce qui tomberoit sous ses mains. Il se procure
un tranchet de cordonnier, saisit le moment de la ronde du surveillant,
lui porte un coup par derrière, qui glisse heureusement sur lés côtes,
coupe la gorge à deux aliénés qui étoient à ses côtés, et il auroit ainsi
poursuivi le cours de ses homicides, si on ne fût promptement Venu
pour s’en rendre maître et arrêter les suites funestes de sa rage
effrénée.
On nous a montré à Berne les fanatiques qui, peu d’années auparavant
avoient voulu établir une nouvelle secte religieuse. Comme nous
remarquions, dans le chef, un grand développement de l’organisation
qui dispose à avoir des visions,nous demandâmes à cet homme s’iln’avoit
jamais vu des esprits? Le détenu, appelé Rcerper, répondit que non.
Nous le priâmes alors de nous raconter les évènemens de sa vie qui
avoient produit sur lui le plus d’impression. Il nous dit, et son visage
calme et assuré annonçoit la candeur, que, dès son enfance, la religion
avoit occupé toutes ses pensées, et qu’en conséquence il avoit lu avec la
plus grande application l’écriture sainte et les commentateurs; mais que
l’extrême diversité des opinions l’âvoit convaincu que ce ne seroit pas
de cette manière qu’il trouveroit la véritable religion; qu’il avoit donc
renoncé à la lecture et aux recherches, et s’étoit adressé à Dieu pour lé
supplier avec instance, si cela n’étoit pas contraire à ses décrets éternels,
de lui révéler immédiatement la vérité. Après avoir prié long-temps, il vit
Une nuit sa chambre remplie d’une lumière aussi brillante que si elle eût
été produite par plusieurs soleils. Au milieu de cet éclat, Jésus-Christ,
notre seigneur, lui apparut et lui révéla la véritable religion. Koerper avoit
cherché à la répandre avec un zèle infatigable, qui étoit pour lui une
obligation. Il fut impossible de faire sentir à cet homme que son esprit
étoit égaré par des illusions.
5°. Il nous reste à parler d’un phénomène des plus alfligeans, et qui a
beaucoup de rapport avec le penchant au simple suicide. Ce phéDomème
particulier consiste en ce que l’individu qui veut terminer sa vie, commence
par détruire les êtres qui lui sont les plus chers. Un cordonnier de Strasbourg
tua sa femme et trois de ses enfans, et auroit aussi tué le quatrième,
si celui-ci ne se fût pas soustrait à sa fureur. Après avoir commis cette
action épouvantable, il se fendit l’estomac; mais le coup n’étoit pas mortel;
il retira le couteau, et se perça le coeur d’outre en outre. Cet homme jouis-
soit de la réputation d’un homme doux et loyal, d’un bop père et d’un
bon époux. Personne n’a pu découvrir ce qui l’avoit porté à cette action
horrible. A Léopol en Gallicie, un certain tua sa femme, objet
de sa vive tendresse, puis il se tira un coup de pistolet; mais il se manqua.
Pendant qu’on enfonçoit la porte, il se tira un second coup et se tua. Sa
conduite avoit toujours été irréprochable, et tout ce que l’on put savoir
c’est qu’il n’étoit pas content de sa place, et qu’il croyoit en mériter une
meilleure. A Hambourg, R***, instituteur estimé, tua ses enfans assis
avec les autres dans l’école. Un semblable évènement est arrivé à Amsterdam
, et plusieurs autres faits de ce genre sont venus à notre connois-
sance.
Que penseront nos lecteurs en lisant ces atrocités? La plupart se diront
que le tourment «l’une existence insupportable et les remords les plus
déchirans ont pu seuls produire une action aussi effrayante, et ils traiteront
d’égoïsme infernal le crime d’un individu qui arrache la vie aux
siens, parce qu’il est las de vivre. Le jugement du médecin philosophe
sera bien différent. Celui - ci n’aperçoit, dans ces actes déplorables, que
les symptômes de la maladie la plus affreuse et la plus digne de pitié. Ce
qu’il y a de contraire à la nature dans les actions de ces malheureux ,
auroit dû fixer l’attention de quiconque s’occupe de la connoissance de
l’homme. Nous défions que l’on conçoive que le mari qui aime sa femme,
et qu’un père qui chérit ses enfans, jouissant de leur raison, en puissent
devenir les assassins. Ajoutez à cela, ce qui arrive toujours, que ces
sortes de meurtriers n’ont pas leur avantage particulier en vue ; qu’im-
médiatement après le fait ils se détruisent ou se livrent eux-mêmes à la
justice, et demandent la mort. Comment a-t-on pu, jusqu’à présent, ne