
n’est nullement en proportion avec le volume et le nombre des ganglions
et des plexus. Beaucoup d’animaux ont les ganglions et les plexus
nerveux plus grands que l’homme, et l ’homme cependant a les affections
et les passions bien plus vives que ces animaux. Ces ganglions et ces
plexus se trouvent développés dans les enfans et les jeunes animaux,
long-temps avant l’époque où les affections et les passions acquièrent
en eux un caractère stable et déterminé. Tous les mammifères ont à peu
près les mêmes plexus nerveux et les mêmes ganglions. Leurs facultés intellectuelles
et leurs qualités morales sont cependant très-différentes.
Il faudroit donc attribuer au même plexus et au même ganglion telle
fonction dans un animal, et telle autre fonction toute opposée dans
un autre. Chaque plexus et chaque ganglion seroit en même-temps
l’organe des affections et dés passions les plus diverses ; ainsi, par exemple,
le plexus solaire seroit dans le chien l’organe de l’attachement, de
l ’amour, du courage , etc. Voudroit-on assigner sa fonction particulière
à chaque ganglion et à chaque plexus? Comment prouveroit-on une semblable
assertion?
Les défenseurs de cette opinion soutiennent en même temps que les
plexus nerveux et les ganglions sont destinés à affoiblir les impressions
qui ont lieu dans les viscères, et à entraver leur communication avec le
cerveau. Mais comment se fait-il que précisément celles de nos passions et
de nos affections dont on établit le siège dans ces plexus et dans ces ganglions,
se manifestent avec tant de violence et d’une manière si irrésistible?
•Ces observations suffisent pour prouver que l’on ne peut chercher
la cause d’aucune affection, d’aucune passion, d’aucune faculté
intellectuelle ou d’aucune qualité morale, ni dans quelque
viscère que ce soit, ni dans lesplexus nerveux et dans les ganglions.
Mais, objectera-1-on , lorsque l’on est en proie à une affection
violente, ou à une passion impétueuse , comme le chagrin, la colère, la
jalousie, la joie, l’amour; on sent manifestement cette affection ou cette
passion dans certains viscères , et dans des endroits qui n’ont rien de
commun avec le cerveau. L ’usage des langues de tous les peuples,, vient,
dit-on, à l’appui de ceci ; l ’on ne hait et l’on n’aime pas de tout son
cerveau, mais de tout son coeur, etc, : donc, il est très-conforme à la
nature de regarder comme siège des affections, les parties qui en sont
réellement affectées.
Il y a près d’un siècle que Thomasius a fait cette objection, et elle
fut refutée peu après par Burchard ‘ De semblables expressions, dit
cet auteur, n’ont point été inventées par les philosophes, mais par
le peuple. Quoique le soleil ne se lève ni ne se couche lorsque le
jour paraît ou que la nuit tombe, ce seroit une affectation de dire que
la terre s’est levée ou quelle s’est couchée, que la terre a fait sa révolution
, et l’on dit : je t’aime de tout mon coeur, je m’en réjouis de tout
mon coeur, cela me déchire le coeur, etc. : non parce que ces' sentimens
sont produits dans le coeur, mais parce que, dans toute affection violente
soit le coeur, soit d’autres parties par le mouvement desquelles nous figurons,
en quelque façon, les affections dans notre langage, agissentsym-
pathiquement. » *
En faisant cette objection, on confond réellement l’organe qui produit
une affection ou une passion, avec les viscères, sur lesquels agit
cette affection ou cette passion. Les systèmes nerveux de la poitrine, du
bas-ventre, de la moelle épinière, des sens, du cerveau, sont, comme je
viens de le répéter encore , mis en communication par des branches
nerveuses , pour qu’ils puissent agir réciproquement les, uns sur les
autres. Sans cette réciprocité d’action, tous les phénomènes des facultés
morales et intellectuelles seraient restreints au cerveau. Le cerveau ne
pourrait réagir en aucune manière sur les autres parties, et ne pourrait
point déterminer les instrumens desmouvemens volontaires, à produire
dgs actions conformes à l’affection ou à la passion. L’animal et l’homme
ne seraient que cerveau ,1e reste du corps ne seroit qu’une masse inerte ;
les impressions ne pourraient jamais être perçues, les désirs, les affec-
1 Christ. Martini Burchardi meditationes de anima humana. Rostochii 1726,
cap. V I , p. i9s,
c* Non quod affectus in corde generetur, sed quod verus affectus non sit,
nisi cor, aut machina corporis, sive istæ partes quæ ad affectum exprimen-
dum et præcise deteruainandtim inserviuüt* çompatiantur.