
au gré de ses désirs sanguinaires et insatiables, puisqu’en multipliant ses
forfaits, il n’aggrave ni l’énormité de ses crimes, ni la peine qu’il doit
redouter P
On objecte à cela que la mort simple est la punition la plus forte que
l’on puisse infliger à un criminel; qu’il suffit de mettre la société à l’abri
des forfaits qu’il pourroit encore commettre; et que, par conséquent, la
peine de mort aggravée seroit une barbarie.
Nous répondons que les peines ne peuvent et ne doivent pas être le
seul but du législateur et du juge.JLe but d’arrêter et d’effrayer les criminels
n’est point rempli par la peine de la mort simple. Il est certain que les
malfaiteurs déterminés la craignent peu. Combien de détenus n’ont pas
mis fin à leurs jours pour se délivrer d’une prison perpétuelle ! Combien
ne se sont pas tués pour échapper à l’exécution publique! Un grand
nombre préfère la mort aux coups et aux tortures. Il faut donc choisir
des moyens plus énergiques pour effrayer cette engeance de malfaiteurs
et mettre des bornes à leur scélératesse invétérée. En effet, si la dépravation
des criminels qui, d’après les lois, méritent la mort, n’est pas chez
tous au même degré; si la prévarication de ces criminels est tantôt moins,
tantôt plus préjudiciable aux intérêts de la société, il faut nécessairement
que la peine de mort, de même que toute autre peine, soit modifiée et
graduée. Chaque criminel ne regardera pas comme indifférente toute
espèce de peine capitale imaginable ; l’empoisonneur, l’incendiaire, le
brigand n’envisageront pas une mort lente et douloureuse avec la même
indifférence que la destruction qui s’opère en un clin d’oeil.
Enfin pour tirer d’un évènement malheureux toute l’utilité possible,
nous voudrions que le cadavre mutilé du criminel supplicié fût montré
ignominieusement aux autres prisonniers, et, si cela se pouvoit, au peuple,
et surtout à la jeunesse, et que cette scène fut accompagnée d’une
exhortation où l’on peindroit le vice et le crime dans toute leur horreur V
M. Kloepper, directeur de la maison de travail et de correction de Spandau,
a coutume, lorsqu un détenu est décédé, de rassembler les autres prisonniers
amour du cadavre, et de leur peindre avec énergie les conséquences funestes
d’une conduite criminelle.
Celui qui sait quelles impressions profondes et durables un spectacle
semblable produit sur le peuple, et principalement sur les jeunes gens,
ne regardera pas cette idée comme déplacée.
Tous les principes que nous venons d’exposer sur les moyens de corriger
les criminels et d’en diminuer le nombre, résultent comme conséquences
immédiates de notre doctrine sur l’innéité des facultés de l’ame
et de 1 esprit, et sur la liberté morale. Dira-t-on maintenant que cette
doctrine favorise les crimes?
Nous avons parlé jusqu’ici des criminels dont la culpabilité ne peut pas
être révoquée en doute; mais il est encore de notre devoir de fixer l’attention
sur des cas extrêmement compliqués, où l’on rencontre de grandes difficultés
a déterminer le degré de liberté morale, et de responsabilité de
l’individu.
Application de nos principes aux actions illégales où la
détermination de la liberté morale et du degré de
responsabilité est sujette à des difficultés particulières.
Dans tous les temps on a regardé comme des motifs atténuans les
affections violentes et les passions, telles que la colère, l’indignation, la
jalousie, etc., lorsque ces émotions surprennent l’homme et le précipitent
vers une action criminelle. Quand l’homme est irrité; quand sa fureur,
manifestée par tous les signes extérieurs, se tourne contre lui-même ; qu’il
s arrache les cheveux, qu’il se déchire le sein, qu’il se meurtrit et frappe sa
tête contre les murs, et que, bouillant etécumant de rage,il trépigne avec
violence; si, dans ce moment, il saisit l’objet de sa fureur et qu’il l’assomme;
quoique dans cet état d’emportement, et malgré le transport qui l’anime ,
il reconnoisse le malheur affreux dans lequel il est sur le point de sepréci-
piter, et pour un instant recule d’effroi ; et que bientôt, regardant l’action
quil va commettre comme une vengeance légitime, il se fasse illusion à
lui-même par l’apparence d’une réflexion tranquille, et qu’enfin le trait
parte avec d’autant plus de rapidité que l’arc étoit tendu plus long-temps