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se livrent à des excès de toutes espèces, sont plus menaces de la manie que
ceux dont les occupations offrent plus de variété, et admettent plus de
tranquillité d’esprit, tels que les naturalistes, les physiciens,les ch imistes,
les géomètres. C’est encore pourquoi toutes les opinions dominantes,
tous les préjugés, tous les grands événemens qui absorbent l’attention
toute entière , qui agissent fortement sur le moral et saisissent
profondément l’esprit, qui prêtent au fanatisme, soit politique,
soit religieux, produisent si souvent la manie.
L ’issue ordinaire de la manie que l’on ne parvient point à guérir,
prouve également que son siège immédiat est dans le cerveau. Lorsqu’elle
dure plusieurs années, la masse cérébrale diminue, la cavité du
crâne se rapetisse, et il s’ensuit une démence incurable. S i, dans l’origine,
on a employé trop de remèdes déprimans, par exemple des saignées
ou des purgations trop fréquentes, et contre-indiquées, elle dégénère
aussi souvent en démence. Cette foiblesse (l’esprit, en quelque façon
artificielle, n’est pas toujours absolument sans remède; quelquefois elle
cède à une méthode curative plus raisonnable, quelquefois même la
nature la guérit spontanément au moyen d’accès violens de fureur, de
fièvre, etc. Dans tous ces cas, on trouve encore après la mort, dans le
cerveau et dans le crâne, les traces les moins équivoques des change-
mens qui ont eu lieu, comme je le prouverai en traitant de l’influence
de l ’encéphale sur le crâne. Ce qui prouve encore bien manifestement
que cette démence, et par conséquent la manie qui la précédoit, avoient
leur siège dans le cerveau, c’est que du moment où la manie se déclare
, les fonctions de la vie végétative ont lieu avec plus d’activité
qu’à l’ordinaire, La personne dort mieux, mange avec plus d’appétit,
digère plus facilement, prend de l’embonpoint; toutes les fonctions
végétatives, en un mot, se font mieux que jamais, tandis que le cerveau
se dégrade, et que ses fonctions#sont affoiblies. Si la démence
avoit son siège dans quelque partie appartenant à la vie végétative,
ne devroit-elle pas disparoître à proportion que la vie végétative reprend
son activité ?
Ce qui vient encore à l’appui de mon assertion , c’est qu’assez
souvent la manie est accompagnée de paralysie et de symptômes
apoplectiques, et l’expérience prouve que dans ces cas elle est
incurable, sans doute, parce que la cause première qui la produit, va
toujours en augmentant, et que la lésion vitale entraîne successivement
des lésions organiques : des épanchemens , des aglutinations, des adhérences,
des compressions, qui empirent de jour en jour.
Enfin, le genre de mort des maniaques est pour le médecin éclairé
une preuve irrécusable que la manie, dans toutes les formes pathologiques
qu elle revet, a son siégé dans le cerveau.L apoplexie, la paralysie,
l’épilepsie, les inflammations cérébrales, les fièvres nerveuses tant
aiguës que lentes, les altérations les plus marquées dans les viscères du
thorax et de l’abdomen, sont tout autant de maux qui se manifestent
par sympathie, chez ceux dont le cerveau a été blessé , ébranlé ou enflammé.
Ces changemens sont une suite nécessaire de l’affoiblissement
des fonctions vitales des parties affectées, et de tout le tissu cellulaire,
affoiblissement qui entraîne une dégradation de tous les solides , et de
tous les fluides, et dont résultent le scorbut, des maladies opiniâtres
de la peau , des escares, des charbons, la gangrène, des ulcères cancéreux
, une décomposition des fluides et des écoulemens involontaires
'.
Observations sur les objections que Von fa it contre la
doctrine que le cerveau est exclusivement Vorgane des
qualités morales et des facultés intellectuelles, et sur
les doutes quon lui oppose. Réfutation de ces objections
et de ces doutes.
Je continue de traiter le sujet dont je viens de m’occuper, et je
commence par réfuter les objections que l’on a faites contre l ’assertion,
que lafolie a son siège immédiat dans le cerveau.
' Dictionnaire des Sciences Médicales, T. XVI, p. 209. ( Esquirol).