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le met en contradiction avec ses désirs. Les sens sont excités, l’homme
se sent provoqué à obéir à ce mouvement ; mais s’il s’abandonne au
désir de la vengeance, il sait, par le moyen de ses facultés intellectuelles
, qu’une action basse le déshonorera, et qu’il sera regardé plutôt
comme l’esclave de ses passions que comme maître de lui-méme. S’il se
jette dans les bras de la volupté, l’image effrayante de sa santé détruite
et de sa félicité domestique renversée, vient s’offrir à ses yeux; les convenances
sociales, la honte d’abuser de la confiance,les suites fâcheuses
de sa conduite pour l’objet aimé, etc., tous ces motifs agissent sur son
esprit, et, soit par leur force, soit par leur nombre, ils finissent par l’emporter.
C’est par-là que l’homme obtient de vouloir une chose absolument
contraire à celle à laquelle un penchant très-violent l’avoit excité.
Chacun doit donc sentir que, tant que les penchans et les désirs ne sont
pas éveillés et nourris par la participation de l’individu, il ne peut en être
rendu responsable; mais qu’il l’est de sa détermination, de son vouloir
et de ses actions '. Ainsi nous avons lieu de nous attendre qu’après le
développement de nos idées, il ne restera plus rien dans notre doctrine
que l’on puisse mal interpréter.
La fausse conséquence que nos adversaires se sont permis de déduire
de l’innéité des dispositions de l’esprit -et de l’ame contre la liberté morale
de la volonté, est due à ce qu’ils n’ont pas suffisamment distingué
les penchans, les inclinations, les désirs, d’avec la volonté. Il est et il
sera éternellement vrai que les organes des facultés morales données
par le créateur, sont le principe de ce que nous appelons tantôt penchant,
tantôt inclination, désir ou passion, suivant la différente énergie
de l’action de ces organes. Chacun convient qu’à cet égard l’empire de
l’homme est restreint ; il n’est pas en son pouvoir d’anéantir ses penchans,
ni de se donner à son gré des inclinations. Mais au milieu des désirs les
' Nec tardum ingenium, nec labilis memoria, nec inquietus appetitus
nec sensus obtusus, nec vita languens reum per se statuerunt hominem, sicut
nec contraria innocentem; et hoc non ob aliud, nisi quia et hscc necessario
et praeter voluntatem posse prsevenire probatur. S. Augustinus de liber arbit.
plus vifs de l’homme, si plusieurs facultés d’un ordre supérieur, dont
1 exercice est soutenu par une organisation parfaite, agissent en lui et
se joignent aux motifs extérieurs que lui fournissent l’éducation , les lois,
la religion, etc., ces mêmes désirs se trouvent vaincus. La volonté que
l’homme manifeste alors n’est plus l’action d’un organe unique, c’est
l’ouvrage de l’homme raisonnable, en un mot l’ouvrage de lame. ’
Cette faculté de vouloir, cette liberté morale n’a pas été livrée au
hasard par le créateur. La détermination qui a lieu par des motifs, est
aussi soumise à des lois, de sorte que, dans l’exercice de la liberté morale,
il ne peut jamais être question d’une liberté illimitée et absolue. La loi
de la nature veut, par exemple, que les facultés d’un ordre inférieur
obéissent à celles d’un ordre supérieur ; que toute créature vivante s’aime,
et emploie par conséquent tous ses moyens et toutes ses facultés pour
son bonheur. « Tous les hommes, dit Pascal ‘ , désirent d’être heureux.
Cela est sans exception. La volonté ne fait jamais la moindre démarche
que vers cet objet. C’est le motif de toutes les actions de tous les hommes,
jusqu’à ceux qui se tuent et qui se pendent». L ’homme doit donc nécessairement
désirer un bien, et avoir en horreur un mal qu’il a reconnus pour
tels. Si plusieurs motifs se présentent, il n’est pas au pouvoir de l’homme
de se décider indifféremment pour telle chose ou pour telle autre ; mais
il se détermine, en conséquence des lois de la pensée, d’après le motif qui
agit le plus puissamment sur lui, ou qui lui offre le plus grand bien *.
Sans cette nécessité, l’homme, avec toute sa liberté morale, tombe-
roit dans la contradiction déraisonnable et contraire aux lois de la
nature dont nous avons fait mention en parlant de la liberté illimitée et
absolue.
Cependant cette liberté, conforme à la dépendance où nous sommes
' Pensées sur la religion, p. 162.
* Quelles facultés sentez-vous en vous-mêmes? R. Deux facultés principales
: la faculté de connoitre et la faculté de vouloir, ou de me porter à ce
qu’il me plaît. Catéchisme à l’usage de toutes les églises de l'Empire francois ■
p. 22.