
On s’est borné pendant long - temps, et l’on se contente encore dans
plusieurs pays de punir les malfaiteurs. Le droit criminel ou les lois
pénales n’avoient égard qu’à la volonté de l’homme, sans s’occuper de ce
qui détermine cette volonté. Mais l’on a reconnu que les peines seules né
corrigent pas beaucoup de malfaiteurs. D’un autre côté, de prétendus philosophes
ont imaginé toutes sortes de rêveries sur les droits de l’homme ,
et ont débité une philanthropie très-mal entendue. On a restreint le droit
pénal, ainsi que l’augmentation graduelle de la peine de mort ; aucun de
ces deux états de choses n’est d’accord avec nos idées sur la liberté moralè
et sur les besoins de l’homme.
Pour les individus ignorans , grossiers et méchans, la punition est un
des principaux moyens à employer. L ’homme, craindra toujours les chà-
timens corporels, la privation de l'aisance et des habitudes domestiques ,
ainsi: que'dp la nourriture et de la boisson habituelle, l’emprisonnement, etc.
Les châtimeùs seront donc toujours une des mesures les plus efficaces
pour inspirer l’éloignement ou la crainte des mauvaises actions à ceux
qui ne sont pas ou qui ne peuvent être rendus susceptibles de motifs plus
nobles qu’avec une difficulté extrême.
La conduite que l’on tenoit dans les prisons envers les criminels, et
qui est encore assez généralement la même, atteint moins que les punitions
seules, le but indiqué. Les criminels ordinaires, lors même que leurs
délits sont différens, sont communément réunis en grand nombre. Nous
avons même vu plusieurs fois les simples prévenus, mêlés avec les prisonniers
jugés. En certains endroits, tous étoient oisifs; ordinairement
on les occupe à des travaux tantôt trop aisés, tantôt trop difficiles, souvent
malpropres et malsains, et presque toujours très-peu lucratifs.
Ils profitent de tous les instans où ils peuvent se dérober à la surveillance,
pour se raconter leurs aventures ; chacun goûte une satisfaction extrême
à faire connoitre aux autres ses tours d’adresse; et, de cette manière, au
dire même des prisonniers , les prisons sont comme des cours, des écoles
où l’on apprend toutes sortes de friponneries. La corruption du nouveau
venu, surtout- lorsque par. sa propension naturelle il trouve du goût à
cette espèce d’instruction, est bientôt achevée. Il ne tarde pas à s’habituer
à vivre intimement avec le rebut des hommes. Toute honte, toute horreur
du crime.et des criminels disparoît ; on se familiarise, on devient ami, l’on
concerte des projets pour l’avenir. A peine est-on remis, en liberté, que l’on
cherche à se réunir pour reprendre avec plus d’audace l’ancienne manière
de vivre. Il ne reste en effet, à la plupart de ceux qui sortent de prison ,
aucun autre paru à prendre. On les met dehors sans argent, sans leur
assigner une occupation déterminée. Dans quelques pays, ils ne sont pas
même sous la surveillance immédiate de la police; plusieurs sont en outre
banms, et il s’ensuit que les états voisins sont infestés de bandits II nous
semble que ce dernier genre de punition ne seroit, tout au plus, excu-
sable que pour les délits politiques. Fait-on subir au criminel la peine
de flétrissure, le voilà publiquement déshonoré; que deviendra-t-il? qui
voudra travailler auprès de lui ? qui voudra le faire travailler ? Non-seulement
toutes ces punitions sont sans aucun but réel, mais elles obligent ces
malheureux à se livrer à toutes sortes d’énormités, à moins de se laisser
mourir de faim. Si la flétrissure doit servir à faire reconnoître les malfaiteurs
qui retombent dans le crime, ne vaudroit-il pas mieux la placer
dans un endroit caché du corps, en ayant la précaution de l’indiquer aux
tribunaux de tous les pays?
La prison n’est pas toujours la punition qui convient au caractère des
criminels et de leurs penchans malfaisans. La société dont ils y jouis
sent, rend leur vie moins pénible. S’ils sont mal nourris, ils sont au
moins a l abri de tous les besoins ordinaires à cette classe d’hommes- ils
sont vêtus, préservés des injures de l’air. Aussi nous en avons vu ’qui
s etoient fait arrêter, afin de trouver un refuge dans la prison. Souvent les
hommes et les femmes sont laissés ensemble, d’où il arrive que dans les
prisons meme on travaille à les peupler. Quelquefois on permet aux
prisonniers davoir leurs enfans avec eux. D’un autre côté, les peines
dans les prisons, sont souvent plus fortes que la loi ne le prescrit, surtout
orsque les prisons sont malpropres ou placées dans un endroit humide
ou construites avec des pierres qui attirent et laissent transsuder l’humi-
dite de l’air. De là naît l’altération si géhérale des fluides et des solides;
de la proviennent les tumeurs oedémateuses, les affections glandulaires
II.