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Darwin cite les exemples suivans : « Un homme presque sexagénaire,
étoit devenu sourd depuis près de trente ans. Il paroissoit être fort
intelligent, et s’amusoit à lire et à converser par écrit, ou en faisant
avec les doigts, des signes qui représentoient des lettres. J observai
qu’il avoit oublié la prononciation de sa langue, au point que quand
il essayoit de parler, il n'articuloit aucun mot distinctement. Ses parens
comprenoient cependant quelquefois ce qu’il vouloit dire.... Il m assura
que dans ses rêves, il s’imaginoit toujours qu’on lui parloit par signes
ou par écrit, et ne croyoit jamais entendre quelqu’un lui parler, doù
il paroît qu’avec la perception des sons, il avoit aussi perdu 1 idée de
ces mêmes sons, quoique les organes de la parole eussent encore
conservé un foible reste de leur habitude ordinaire d articuler ».
I Cette observation peut jeter quelque jour sur le traitement médical
des sourds ; car on peut s’assurer par leurs rêves, si le nerf auditif est
paralytique, ou si la surdité ne vient que de quelque vice de 1 organe
externe. »
« ...... Les causes les plus fréquentes de la cécité sont occasionnées
par des vices de l’organe extérieur, comme dans le cas de cataracte et
d’obscurcissement de la cornée. J’ai eu occasion de converser avec
deux hommes qui étoient aveugles depuis quelques années. L un étoit
affecté d’une goutte-sereine complète, et l’autre avoit perdu toute la
substance des yeux : tous deux me dirent qu’ils ne se souvenoient pas
d’avoir rêvé d’objets visibles, depuis qu’ils avoient totalement perdu
la vue* ». Je connois moi-même quelques faits semblables.
Voilà des raisons nouvelles pourquoi j’ai toujours soutenu, dans
mes leçons publiques, quoique ces assertions soient en opposition avec
les idées reçues des philosophes, que chaque organe des sens a ses
fonctions absolument à lui; que chacun de ces organes a sa propre
faculté de recevoir et même dç percevoir les impressions, sa propre
conscience, sa propre faculté de réminiscence, etc. J entrerai ailleurs
dans de plus amples détails sur cette matière.
■ Zoonomie de Darwin, sect. III, IV. p. 33 et 34.
n u c e r v e a u . 235
Mais comment expliquer que dans les animaux parfaits, un nerf
fortement pressé, comprimé par une ligature, ou coupé, perd toute
sensibilité dans sa partie qui se trouve isolée du cerveau? comment
une pression qui agit sur le cerveau, interrompt-elle subitement les
fonctions de tous les sens ?
Les fonctions des systèmes nerveux exigeroient-elles dans les animaux
parfaits 1 action simultanée, au moins de celles des parties du
cerveau situées près de sa base, comme la circulation du sang exige
1 action du coeur; tandis que, dans les animaux imparfaits, les sensations,
les mouvemens volontaires et l’action des organes des sens,
ont lieu sans le concours dun cerveau, tout comme dans ces mêmes
animaux, et dans les plantes il existe une espèce de circulation des
fluides sans le concours d’un coeur?
Nous ne devons pas nous flatter d’expliquer d’une manière satisfaisante,
par aucune des théories existantes, les phénomènes de la vie,
même dans les animaux parfaits, ou d'établir des principes certains,
tant que nous ne serons pas parvenus à concevoir d’une manière
quelconque, la liaison qui existe entre les fonctions si variées de la vie
animale etl unité du moi. Aussi long-temps que nous ne pourrons pas
fixer avec exactitude, tant dans les plantes que dans les animaux, les
limites entre les phénomènes de l’irritabilité et ceux de la sensibilité,
nos connoissances de 1 organisme seront extrêmement incertaines.
Lorsque nous voyons, dun côte, les plus grands hommes considérer le
cerveau comme 1 organe unique des sensations de la volonté, en un mot,
de la vie animale toute entière, tandis que d’autres se croient autorisés
a prêter aux plantes, des sensations, le sentiment de la chaleur,
du froid, delà lumière, la passion de l’amour, une volonté, un sen~
sorium commune, la faculté des réminiscences, des rêves, l’idée enfin,
tant des objets extérieurs que de leur propre existence * : pouvons-
nous espérer de concilier des opinions si diverses ?
Heureusement qu il est in différent pour le but que je me suis proposé,
1 Zoonomie de Darwin, T. I , sect. XIII.