
Du sommeil.
Depuis l’instant de la conception, ou depuis le premier moment de
l ’existence jusqu’à la mort du sujet, les organes de la vie végétative agissent
sans interruption avec plus ou moins d’énergie. La vie végétative
trouve en elle-même la réparation des forces qu’elle perd par son action.
Il en est tout autrement de la vie animale , laquelle est fatiguée et
épuisée par l’exercice de ses fonctions ; ses organes ont besoin d’intervalles
de repos, afin de reprendre la vigueur nécessaire pour continuer
d’agir. O r , lorsque dans l’état de santé tous les organes de la vie animale
sont plongés dans un repos tel, que les impressions soit du dedans
soit du dehors, ne sont point perçues, et que la volonté ne peut plus
exercer aucun empire sur eux, on dit que le sujet dort, qu’il est plongé
dans un sommeil profond et complet.
Le sommeil n’est pas toujours un besoin pour réparer nos forces
épuisées. L ’inaction complète de la vie animale peut, en quelque façon,
devenir habituelle ; on s’endort d’ennui, etc.
Lorsque l’action de la vie animale est interrompue par cause de maladie
, cet état d’inaction s’appelle catalepsie, léthargie, asphyxie, etc.
L ’on a beaucoup disputé sur la question : l’ame peut-elle être
jamais, par exemple dans le sommeil, sans éprouver aucun sentiment,
sans avoir aucune idée ? Si nous mettons de côté toute vaine subtilité
métaphysique, la solution de cette question devient très-aisée. Dans
cette vie , l’ame reçoit ses sentimens et ses idées à l’aide des organes
matériels ; lors donc que ces organes sont dans une inaction complète ,
l ’ame ne peut avoir ni sentimens ni idées. Le sommeil profond et complet
est une cessation temporaire du moi ; l’essence de l’ame ne consiste
ni dans la pensée, ni dans la volonté. La pensée et la volonté ne sont,
comme Locke l’a fort bien dit, que des modifications de l’ame.
Des rêves.
Presque tous les physiologistes s’accordent à dire que, dans le rêve,
la. vie animale est en activité partiellement. Ils ont raison, et malgré
cela ils ment la pluralité des organes ! Mais les rêves ne peuvent être
conçus que dans l’hypothèse de cette pluralité. Lorsque, pendant le
sommeil, des organes particuliers de la vie animale entrent en activité,
il faut nécessairement que les sentimens et les idées qui dépendent de
ces organes se réveillent; mais dans ce cas, cette activité a lieu sans
aucune influence de la volonté.
, Lorsqu’il n’y a qu’un organe en activité, le rêve est simple : l’on embrasse
l’objet de son amour, l’on entend une musique harmonieuse,
l’on se bat contre ses ennemis, selon que tel organe ou tel autre remplit
ses fonctions.
Plus il y a d’organes en activité à la fois, plus l’action que représente
le rêve sera compliquée ou confuse, plus il y aura de disparates.
Lorsque les organes se trouvent épuisés par les veilles et par le
travail, d’ordinaire on nerêyej?as pendant les premières heures de son
sommeil, à moins que le cerveau ne soit extrêmement irritable. Mais à
mesure que les organes se délassent de leur fatigue, ils sont plus disposés
à rentrer en activité , et voilà pourquoi, à l’approche du réveil, on
rêve davantage et avec plus de vivacité. Le rêve n’est donc en effet qu’uu
état de veille partielle de la vie animale , c’est-à-dire en d’autres termes
qu une activité involontaire de certains organes, pendant que les autres
reposent. Ainsi, le phénomène des rêves nous force d’admettre la
pluralité des organes, des qualités morales et des facultés intellectuelles.
Comment se fait-il que pendant un rêve on manifeste quelquefois
certaines facultés avec plus d’énergie que dans la yeille ? Quelles précautions
prenons-nous pour méditer profondément sur un sujet? Nous
éloignons toutes les impressions extérieures, nous mettons la main
devant nos yeux, nous nous renfermons, pour concentrer notre attention
toute entière sur un point unique. La même chose a lieu dans certains
rêves. Toute la force vitale s.e trouve concentrée sur un seul organe
O.u sur un petit nombre d’organes, pendant que tous les autres reposent;
paj’-là, leur action doit nécessairement être rendue plus énergique. Les
sentimens et les idées excités dans un rêve sont, dans certains cas, dé