
bien d’ordinaire leurs sensations , et leur imagination souvent est
même exaltée.
Et que dira-t-on enfin de ces cas où un homme n’est fou que relativement
à un seul objet, et parfaitement raisonnable, relativement à
tous les autres, ou bien raisonnable relativement à un seul objet, et fou
pour tout le reste ? Donc, dans l’un et l’autre cas, la conscience , la
mémoire, le jugement sont intacts, et dans l’un et l’autre cas ces facultés
sont dérangées.
Supposons qu’un malade ait perdu une ou plusieurs des facultés
primitives ou fondamentales, proprement dites. Comment s’en assurer,
si sa maladie l’accable ? comment faire, relativement à chaque faculté
spéciale, les essais qui pourroient nous convaincre de sa présence ou
de son absence? Le moyen de constater dans les animaux la perte de
l’une de ces-facultés? Nous voyons que la seule captivité suffit pour
entraver les instincts et les aptitudes industrielles des animaux, et nous
serions assez hardis pour prononcer sur l’état d’animaux grièvement
mutilés ?
Est-ce le malade lui-méme qui nous instruira? cela n’est possible que
dans le cas où il n’auroit perdu telle faculté intellectuelle, qu’en partie, ou
que telle faculté n’auroit été qu’affoiblie. Il n’y a pas long-temps, qu’un
officier assez grièvement blessé au-dessus de l’un des yeux, se plaignit
à moi d’avoir perdu la mémoire des noms. Mais, comme je l’ai dit plus
haut, il est probable que lorsqu’un organe a complètement perdu toute
activité, le souvenir du genre particulier d’impressions que nous trans-
mettoit cet organe, devient impossible.
Que dire du cas où il n’y a pas cessation totale de telle faculté ou
qualité particulière, mais affoiblissement de toutes, comme dans la
décrépitude ?
Comme jusqu’ici ces considérations n’étoient familières à aucun observateur,
il faut déclarer incomplètes et suspectes toutes les observations
suivant lesquelles on prétend que dans des cas où le cerveau
étoit blessé, les facultés morales et intellectuelles sont restées intactes.
Voyons maintenant si les connoissances que les physiologistes avoient
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jusqu’à ce jour, pouvoient leur suffire pour fixer le siège de la manie et
les empêcher d’être éternellement en contradiction avec eux-mêmes
et avec la nature.
Recherches ultérieures sur le siège de la manie. Nouvelles
preuves que le cerveau est l’organe de l’aine.
J ai déjà suffisamment montré dans cet ouvrage , combien sont peu
certaines les opinions des physiologistes sur l’organe de l’ame. Les
opinions des médecins, sur le siège immédiat de la manie, sont non-
seulement tout aussi divergentes, elles sont même contradictoires. Les
médecins citent des cas nombreux où les fonctions des qualités morales
et des faeultés intellectuelles étoient troublées de la manière la moins
équivoque, et où cependant on ne trouva point de traces sensibles de
dérangement dans le cerveau , tandis que les viscères , tels que le foie,
l'estomac, etc., offraient des dérangemens très-marqués.
M. Pinel dit, en parlant des recherches de Greding : « Peut-on établir
quelque liaison entre les apparences physiques manifestées après la
mort, et les lésions des fonctions intellectuelles qu’on a observées pendant
la vie ' ? »
En parlant de la manie générale , il s’exprime ainsi : « Il semble en
général que le siège primitif de cette aliénation est dans la région de
l ’estomac, et que c’est de ce centre que se propage , comme par une
espèce d’irradiation, le trouble de l'entendement»*.
Il cite Le Gaze, Bordeu etBuffonjil est d’avis que la région abdominale
entre dans ces rapports sympathiques, et, pour appuyer son opinion, il
fait une énumération détaillée de tous les symptômes que l’on observe
avant l’éclat de la manie.
’ De l’aliénation mentale, préface, p. xx.
* Ib id . p. 142 et 147.