
se déclare sous une forme tout-:à-fait différente. C’est ainsi qu une fievre
intermittente se montre quelquefois sous 1 apparence d un simple point
de côté , ou d’un simple mal de dents. Le masque que prend alors la
maladie, n’en change point la nature; elle demande le même traitement
qu’on emploie pour la guérir quand elle paroit sous son aspect habituel.
D’un autre côté, chaque viscère en particulier peut être malade, tandis
que les autres restent sains. Chaque sens en particulier peut être dérangé
dans ses fonctions, pendant que les fonctions des autres sens continuent
à s’exercer sans trouble.
L ’aliénation mentale est de même soumise aux lois générales de l’organisation.
Quelquefois ses accès sont intermittens, et, dans ce cas, 1 accès
venant à cesser, on croiroit que la santé du malade est entièrement rétablie;
d’autres fois les aliénations intermittentes se présentent sous des
apparences tout-à-fait différentes. Certaines époques de développement,
l’approche d’évacuations accidentelles ou périodiques, la différence des
âges,l’influence des saisons, de la température, de la nourriture, du lieu
où l’on demeure, de l’état de l’ame; toutes les causes, en un mot, qui
déterminent la crise, peuvent produire les différences les plus considérables
dans la forme et dans les symptômes des accès, selon que ces
mêmes causes sont diversement modifiées. L’individu qui, dans un accès
précédent, sembloit une furie déchaînée, peut,' dans l’accès suivant,
consacrer tout son temps aux exercices de la piété la plus fervente. Celui
qui aujourd’hui se livre aux excès de la joie la plus bruyante, peut demain
être plongé dans la plus noire mélancolie.
Chaque organe des qualités de l’ame, et par conséquent chaque faculté
de l’ame et de l’esprit, peut aussi éprouver un dérangement, pendant
que les autres continuent à agir dans leur ordre naturel. Dans ce cas,
telle ou telle sensation, telle ou telle idée seulement s’écartent des lois
naturelles; et, suivant que cet état est permanent ou intermittent, on
peut dire que l’homme a une idée fixe permanente ou intermittente, ou
bien une sensation, une inclination fixe permanente ou intermittente. On
conçoit donc aisément pourquoi, dans un état d’aliénation véritable , les
facultés intellectuelles d’un ordre supérieur, telles que la mémoire, le
jugement, l’imagination restent souvent intactes, et pourquoi la définition
que Locke a donnée de l’aliénation ne convient qu’à l’aliénation générale,
et non point aux aliénations partielles.
Afin de mettre nos lecteurs en état de juger les cas où l’homme doit,
pour ses actions illégales, être regardé comme vraiment aliéné, nous
prenons en considération, i°. les aliénations intermittentes, pendant les
accès desquelles certaines facultés se manifestent avec une grande énergie ;
2°. les aliénations partielles ; 3°. les aliénations appelées raisonnantes ;
4^ 1es aliénations accompagnées de visions ; et 5°. les aliénations qui
portent les malades à attenter aux jours de leurs proches , de leurs
enfans , ou d’autres personnes innocentes à leur égard.
i°. Quelques aliénés dont la maladie est intermittente, manifestent,
durant leurs accès, une énergie particulière de certaines facultés morales
ou intellectuelles. C’est ce que prouvent les exemples suivaDS': M. Pinel
parle ’ d’un aliéné qui, dans tout autre temps et dans ses longs intervalles
de calme, n’étoit qu’un homme très-vulgaire ; mais qui, pendant ses accès,
discouroit sur les événemens de la révolution avec toute la force, la
dignité et la pureté de langage qu’on auroit pu attendre de l’homme le
plus instruit et du jugement le plus sain. Ce même auteur rapporte •,
d’après Perfect, qu’une jeune personne d’une constitution très-délicate
et sujette à des affections nerveuses, étoit devenue aliénée,et que, pendant
son délire, elle s’expriinoit avec facilité en vers anglois très-harmonieux,
quoiqu’elle n’eût montré antérieurement aucune sorte de disposition pour
la poésie. Van-Swieten raconte qu’une femme, durant ses accès de manie,
montroit une facilité rare pour la versification, quoiqu’elle ne se fût livrée
jusqu’alors qu’à un travail manuel, et que son entendement n’eùt jamais
été fécondé par la culture.
Il ne s’agit, dans ces faits, que de la manifestation plus énergique de
certaines facultés pour des choses indifférentes; mais d’autres exemples
font encore voir que les aliénés peuvent aussi éprouver un grand degré
' L. c., p. 11 o.
1 L. c., p. 113.
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