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3/j6 phy s io l o g i e
« Les' fonctions intellectuelles de cette fille ont été tardives et
lentes ; elles sont bien peu développées pour son âge ; elle n a guère
que l’intelligence des enfans de quatre ans; elle a , comme eux, de petits
caprices , mais cet état tient beaucoup à la mauvaise éducation qu elle a
reçue. On ne lui a inspiré jusqu’ici que des manières enfantines; son
humeur est naturellement douce, caressante, gaie, vive , enjouée ;. elle
est susceptible d’affection et d’attachement pour les personnes qui lui
donnent des soins; elle aime la compagnie, la parure, les jouets et les
pièces de monnoie.Elle est curieuse, et elle a beaucoup d’aptitude à
l’imitation; ce qui annonce de la perfectibilité ; elle repète assez bien
ce qu’on lui fait dire. Il est probable que si on lui donnoit des principes
d’éducation, elle apprendroit facilement; elle a assez dintelligence
et de mémoire pour faire présumer quon ne la cultiverait pas
sans succès; elle n’a jamais l’air plus agréable que lorsqu’on affecte de
fixer son attention à quelque chose , comme si on lui montre à lire. Si
on la ûxoit chaque jour quelques heures , elle perdroit facilement
l’habitude de loucher et de faire desgestes qui sont l’effet de la distraction
habituelle, et de l’abandon à elle-même qui la privent de ses agrémens
naturels. Si le mouvement de ses yeux étoit bien dirigé, elle auroit un
coup-d’oeil agréable et expressif. Elle est beaucoup plus disposée à la
joie, et plus docile l’après-midi quavant; elle semble être flattée des
visites qu’elle reçoit; elle témoigne sa satisfaction par un air plusjoyeux
et plus de souplesse de caractère; alors son visage s épanouit, et, ses
forces semblent s’accroître avec sa gaieté ; e t, si elle court, on s a-
perçoit quelle chancelle moins lorsqu’elle est ainsi emue ; elle n aime pas
à être reprise avec aigreur ; elle est bien plus docile lorsqu’on employé
la voie de la douceur. Etant peu habituée à fixer son attention, à écouter
ce qu’on lui dit, elle comprend un peu plus difficilement ce qu’on lui
adresse, et son jugement peu exercé est lent et difficile. Cependant,
depuis deux mois quelle entend parler françois, elle comprend près-,
qu’autant qu’un enfant peut le faire sur ce qu’on 1 entretient habituellement
». - n
« Elle n’a commencé à parler qu’à l’âge de quatre ans ; mais elle
D ü C E R V E A U .
comprènoit tout ce qu’on lui disoit. Elle s’efforce actuellement d’exprimer
ses idées, qui paraissent se succéder rapidement dans un jargon
allemand, auquel elle s’est habituée; elle l’accompagne de beaucoup
de gestes, qui annoncent que le moral correspond parfaitement aux
mouvemens vifs et précipités du physique. Elle ne parle pas assez bien
allemand pour tenir une conversation suivie; d’ailleurs, son esprit est
trop peu cultivé pour le faire, elle ne dit que quelques mots en françois;
l ’habitude de l’ailemandlui cause de la difficulté à prononcer le françois.
Je me suis assuré, par des recherches soignées , que ce petit être jouit
de la même sensibilité morale naturelle, que tout autre individu j ». ■
Il s’en faut de beaucoup que cette jeune fille ait l’intelligence des
enfans de quatre ans. On ne lui a inspiré,jusqu’ic i, que des manières
enfantines, par la très-bonne raison qu’elle est incapable d’en avoir
d’autres. Elle a beaucoup d’aptitude à l’imitationy ce qui annonce de
la perfectibilité ; les singes et les idiots ont aussi de l’aptitude à l’imitation.
Du reste, Babet Schreier a cette aptitude à un très-foible
degré. Il est vrai qu’elle se peigne, mais très-mal. Jamais , malgré ses
tentatives réitérées , elle ne peut réusssir à bien faire une papillote.
Jamais elle ne peut venir à bout d’attacher un ruban autour de sa tête;
et en l’essayant, elle le met toujours à l’envers, et de façon que les
perles dont il est garni, se trouvent en dessous. Elle répète assez bien
ce qu’on lui fait dire ; elle est tellement éloignée de pouvoir bien
répéter des périodes, qu’elle a beaucoup de peine à prononcer intelligiblement
quelques mots isolés. I l est probable que si on lui donnoit
des principes d ’é d u c a t io n , elle apprendroit facilement ; elle a assez
d’intelligence et de mémoire pour faire présumer qu’on ne la cultiveroit
pas sans succès. Jamais elle ne sera susceptible d’instruction, jamais
elle n’aura un sentiment distinct de sa propre existence , jamais elle
n’aura l’idée de la différence qu’il y a entre son état à celui d’une
personne bien conformée; car jamais elle ne pourra saisir une série
d’idées, exprimées par une période. Elle est dans un état dè distraction
1 L, c. , p. 18 — ai.