
dépens de la société. Ce que chaque individu gagne au-delà de'la somme
qui lui est prescrite, est mis en réserve; on en donne une partie à sa
famille, si elle est dans le besoin, ou bien on le donne au détenu à sa
sortie, afin qu’il ne soit pas contraint de commettre des excès, en attendant
qu’il ait du travail.
Dans de tels établissemens, on part encore du principe que les alimens
et la boisson ont une grande influence sur les actions des hommes. On
cherche donc, par une nourriture saine et simple, et par la privation de
boissons enivrantes, a amortir l’effervescence des passions. L ’efficacité
de toutes ces mesures et de l’emploi des motifs les plus nobles se recon-
noît évidemment par la comparaison des rechutes qui ont lieu dans les
prisons ordinaires et de celles qui ont lieu dans ces établissemens. Dans
les premiers, On peut calculer que, parmi les prisonniers, il y en a environ
la moitié, si ce n’est les trois quarts ,.qui y sont au moins pour la seconde
fois; dans les seconds, au contraire, sur cent individus qui sont mis en
liberté, à peine deux y sont renfermés de nouveau *.
Quoique une expérience constante ail appris qu’un traitement semblable
n est pas moins profitable a l’état qu’au malheureux criminel,
nous avons cependant entendu dire à quelques personnes que la seule
obligation de l’état envers de pareils êtres est de les punir, et que, quant
à l’éducation et à l’instruction, c’est à eux à y pourvoir.
« Ce sont précisément ces hommes, nous disoit le généreux monarque
de la Bavière, qui ont le plus besoin de secours en ce genre ». Comment,
en effet, exiger des vertus sociales de gens qui ignorent absolument quels-
iapports existent entre leurs avantages particuliers et ceux de la société,
et qui sont en outre en proie à 1 emportement de leurs désirs grossiers?'
De plus, il ne se commet aucun délit sans que la vie ou le bien des
Pour conuoitre cet objet plus en détail, voyez, outre l’ouvrage sur les
prisons de Philadelphie, celui de John Howard, sur les prisons, les hôpitaux
et les maisons de correction, et l’introduction du Code de la sûreté publique,
rédigé en projet pour les états de sa majesté le roi de Bavière; par Scipion
Bexon.
hommes probes et innocens n’en souffrent quelque dommage. Que l’on
fasse donc au moins pour la société ce que l’on ne veut pas faire pour le
criminel. Ce sera seulement lorsqu’on aura uni aux punitions le soin
d’instruire l’esprit et de former le coeur, que l’on pourra se rendre le
témoignage satisfaisant que, conformément au devoir qui prescrit de
prévenir les délits *, l’on a fait pour les malheureux et pour l’état tout
ce qu’enseignent l’expérience , les lois de l’organisation de l’homme, et la
connoissance de ses besoins. Tant que l’on se contente de défendre et de
punir, on produit le motif de se faire obéir, mais souvent ce motif n’agit
qu’autant que la punition paroit certaine \ En éclairant l’esprit, au contraire,
en lui fournissant abondamment des motifs plus nobles tirés de
la morale et de la religion, on lui donne des moyens dont la force ne
s’évanouit jamais. L ’homme apprend alors à connoître des témoins de
ses actions auxquels il ne peut échapper. Que l’on ne perde point de vue
que de deux objets l’homme ne choisit pas sans motif, l’un préférablement
à l’autre, et que la perfection de la volonté consiste dans la connoissance
de la bonté et de l’excellence des motifs.
S agit-il des criminels condamnés à mort, il ne peut plus être question
d amélioration. Mais que de yaines disputes n’a-l-on pas élevées sur la
peine de mort? Nous pensons, avec Montesquieu 3, J. J. Rousseau 4
Sonhenfels 5, Hommel, Filangieri, Schmalz , Rleinschrodt, Feuerbach
Klein, Bexon et d’autres, que l’on ne peut révoquer en doute le droit qu’a la
société de détruire un de ses membres, Nier cette vérité, ce seroit refuser
à la société le droit de pourvoir à la sûreté et au bon ordre, et par conséquent
d’employer tous les moyens et tous les motifs capables de prévenir
les délits. Qui peut douter que la peine de mort ne soit un moyen
efficace d'intimider la plupart des hommes qui ont des inclinations perverses?
*
“ Beccaria, sur les délits et les peines, §. 36.
Hommel, Gedanken über das Criminalrecht.
3 Esprit dés lois, L. VI, c; 12.
* Contrat social, lib. I l , c. 5.
s Grundsätze der Policey. T. I , §. 376, et suiv.