
déterminé par des motifs extérieurs et intérieurs, l’on doit aussi recon-
noître que les institutions qui tendent à le former, telles que l’éducation
, la morale, la religion, les peines, les récompenses, etc., sont utiles
et indispensables.
Exposons maintenant la seconde partie de notre définition de la liberté
morale ; c’est-à-dire, que l’homme a la faculté de se déterminer lui-même
par la possibilité qu’il a de choisir entre les motifs. Nous allons faire voir
que cette possibilité ne s’explique que par la pluralité des organes dont le
cerveau est composé, et dont chacun rend l’homme capable de recevoir
l’impression des motifs d’une nature différente, tant intérieurs qu’extérieurs.
Représentons-nous un être doué d’un seul organe ; cet être ne pourroit
percevoir qu’une seule espèce de sensations et d’idées, et il ne seroit capable
d’exercer qu’une seule espèce de faculté. Un pareil organe unique poür-
roit bien être mis en action par des irritations intérieures et extérieures, et
être exercé à cette action par des répétitions fréquentes. Mais cet individu
ne seroit susceptible d’aucune autre sensation, d’aucune autre idée. Il lui
seroit impossible de comparer des sensations et des idées d’un genre différent,
et de choisir entre elles. Par conséquent aussitôt que l’organe unique
seroit mis en action, il n’y auroit aucune raison pour que l’animal ne suivit
pas le penchant mis en mouvement, ou l’idée éveillée par cette action;
il seroit donc absolument contraint, ou plutôt il n’auroit de possibilité
de s’abandonner qu’à ce motif unique. L ’action ou l’inaction dé cet
être viendroit simplement de l’état d’activité ou d’inactivité de cette seule
faculté.
Si les animaux , comme cela a lieu , surtout pour les plus parfaits,
sont doués de plusieurs organes, ils sont aussi susceptibles de différentes
espèces de sensations et d’idées. Il est vrai que, dans ce cas, l’action d’un
organe ne détruit ni l’existence, ni l’action d’un autre organe; par conséquent
elle ne peut pas non plus détruire les sensations et les idées excitées
par cet autre organe. Mais un organe peut agir avec plus d’énergie,
et fournir un motif plus puissant. Dans l’instant où vous présentez la
nourriture à un chien affamé, et qu’il est sur le point de la manger,
faites passer un lièvre devant lui, il courra après le lièvre, quoiqu’il n’ait
pas cessé d’avoir faim, Si l’on emploie plusieurs fois la violence pour
empêcher ce chien de poursuivre le lièvre, il se souvient des coups qui
1 attendent, et quoique 1 ardeur de son désir lui occasionne des tremble-
mens et des palpitations, il ne se hasarde plus à cette poursuite. Si le
chien n'étoit susceptible que de la faim, ou s’il n’avoit de penchant et de
faculté que pour la chasse, cette manière d’agir lui seroit impossible.
C est donc la pluralité des organes qui le rend susceptible d’idées et de
sensations différentes. Cette faculté n’est pourtant pas dans les animaux
une liberté morale, une véritable faculté de vouloir; il faut la regarder
Comme une simple spontanéité ou faculté d’être déterminé par les irritations
les plus fortes et les plus nombreuses.
Comparons maintenant l’homme aux animaux les plus parfaits. Combien
les motifs dont son organisation plus relevée l’a rendu susceptible,
ne sont-ils pas anoblis et multipliés! Outre les penchans et les facultés
qu’il a en commun avec les animaux, il distingue la vérité de l’erreur, le
juste de l’injuste; il compare le présent avec le passé, et lit dans l’avenir;
il cherche et découvre l’enchaînement des causes et des effets; il a le
sentiment de la honte et de la décence; il a de la sympathie et de la compassion
, et peut découvrir de lui - même les devoirs qu’il doit remplir
envers les autres; il est pourvu d’organes intérieurs pour la morale et
la religion, pour connoître et honorer un être éternel et indépendant;
son organisation intérieure, son langage, la tradition, l’éducation , etc.
lui garantissent une source abondante de lumières; au moyen de sa
raison , il compare les idées et les sensations ; il en pèse la valeur respective;
il peut surtout fixer son attention sur des motifs déterminés. De
toutes ces facultés résulte enfin la décision. C’est cette décision, produit
de la raison et de l’examen des motifs, qui est proprement la volonté et
le vouloir par opposition avec les penchans, les désirs, les volitions, les
velléités et la simple sensation de contentement, qui ne sont que les effets
de l’action des organes particuliers.
L ’on conçoit maintenant comment l’homme peut avoir des désirs èt
des peuchans tout-a-fait différens de sa volonté, et comment sa raison
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