
gistes pourront lever des difficultés et se tirer des contradictions dans
lesquelles ils s’engagent sans cesse. La solution du problème qui nous
occupe , amènera la réponse à la question : Où est le siégé de la marne ,
de la démence, et de l’imbécilité?
Je passe sous silence les cas où des médecins peu philosophes ont,
comme Ewrard Home, confondu les phénomènes de la vie végétative,
et les phénomènes inférieurs de la vie animale , avec les qualités morales
elles facultés intellectuelles. Je mécontente d’examiner l’esprit des
observations suivant lesquelles des vices considérables , ou des lésions
graves du cerveau n’auroient entraîné le dérangement d’aucune des
facultés intellectuelles supérieures. ,
Ce que j’ai dit plus haut sur la juste appréciation des alterations du
cerveau, s’applique encore ici. Pour bien juger le dérangement des
facultés intellectuelles, il faut avoir une connoissance exacte de ces
facultés. Mais il est certain que, jusqu’ici, très-peu de philosophes ont
saisi quelques idées vraies sur les facultés primitives de l ’ame proprement
dites. Je prouverai cette assertion dans le troisième volume , en
traitant des facultés primitives de lame , et des organes de Ces facultés;
et plus tard , dans un ouvrage sur la manie; Aucun philosophe , jus-
qufici, n’a eu ni des idées assez claires, ni des vues assez étendues sur
cette matière , pour signaler ce qu’il y avoit d’erroné dans les idées
reçues, et pour définir lui-même d’une maniéré satisfaisante les facultés
primitives de l’ame. Ce n’est cependant qu’à l ’aide de ces connoissances
que l’on peut bien apprécier les suites que doivent avoir des vices ou
des lésions du cerveau. Je m’écarterois de mon but en approfondissant
ici cette matière; je me contenterai donc d offrir au lecteur les O iJ s c i -
vations suivantes.
Tous les récits de maladies ou de lésions du cerveau qui n’ont point,
à ce que l’on dit, entraîné le dérangement des facultés mentales, se
réduisent toujours à ceci : Le malade marchoit, mangeoit et parloit ; il
n’avoit nullement perdu connoissance , c’est-à-dire qu’il ne déliroit
point; il jouissoit encore de la mémoire, du jugement, et n’avoit par
conséquent perdu aucune de ses facultés mentales, Un homme qui
avoit eu la partie antérieure du frontal brisé d’un coup de pied de
cheval ; malgré son étourdissement, il répondoit lentement, et d’une
manière entrecoupée aux questions des chirurgiens. On trouva plusieurs
liydatides dans le cerveau d un chameau qui n’avoit cessé ni de manger
ni de connoître son conducteur. Donc, ni cet homme, ni cet animal,
n avoit perdu ni la conscience, ni aucune de leurs facultés intellectuelles.
Cette conclusion seroit vraie, si la conscience, la mémoire, la réminiscence,
le jugement, formoient à eux seuls la somme totale de
toutes les facultés intellectuelles de l’homme et des animaux. Beaucoup
d animaux jouissent manifestement de la conscience, de la mémoire, de
la réminiscence; ils jugent souvent très-bien ce qui se passe autour d’eux;
mais jouissent-ils pour cela de toutes les facultés morales et intellectuelles
de l’homme? Si donc un homme, par un vice ou une maladie du
cerveau, se trouvoit dégradé jusqu’à l’état du chien ou du singe, pourrait-
PU dire qu’il n’a perdu aucune de ses facultés?
Les personnes qui après une commotion du cerveau, après une
attaque dapoplexie ou une inflammation cérébrale, aie se souviennent
plus des noms, mais qui se rappellent de tout le reste, et qui ont conservé
le jugement, n’auroient donc rien perdu?
Lorsqu’un homme dont le caractère étoit pacifique, après avoir reçu
un coup de pierre qui lui a entamé le cerveau, devient querelleur;
lorsqu un autre qui n’avoit que des inclinations honnêtes, après avoir
été blessé à la tête, éprouve un penchant irrésistible à voler ; pourra-t-on
dire de ces individus qui avoient certainement conservé la conscience,
la mémoire , le jugement, etc., que leurs blessures n’ont eu aucune influence
sur la manifestation de leurs facultés intellectuelles ?
Si, lorsqu’il est question de perte de facultés intellectuelles, on ne
fait attention qu’à la conscience , à la mémoire, au jugement, on ne
trouvera guère de cas, excepté ceux de l’imbécilité et de la démence
complètes, où il soit permis de dire que les fonctions intellectuelles ont
été troublées, qu’il y a manie ; car les maniaques les plus fous jouissent
encore de la conscience, delà mémoire, de la réminiscence; ils jugent
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