
Quelquefois , il est vrai, des lésions considérables du cerveau ne
troublent pas les fonctions de l ’ame autant qu’on pouvoit s’y attendre
et d’autres fois les lésions les plus légères sont suivies des accidens les
plus graves. Mais la même chose a lieu pour d’autres parties : souvent
l’on trouve dans les poumons de grandes poches de pus, sans que la
respiration ait été' sensiblement gênée, et sans que la santé; en ait sensiblement
souffert. On a même trouvé des ossifications dans, la substance
du coeur, sans que les personnes se soient plaint d’incommodités
pendant leur vie; qui voudra tirer de ces faits la conclusion que les
poumons ne sont pas l’organe de la respiration, que le coeur n’est point
celui de la circulation?
Lorsque l’irritabilité ou l’excitabilité du malade n’est pas grande
des blessures considérables souvent ne produisent pas de symptômes
bien marqués. Lorsqu’au contraire- l’irritabilité est très-grande la
moindre lésion entraîne les dérangemens les plus tumultueux, Les
médecins ont tous les jours l’occasion de vérifier cette remarque.
Personne n’ignore que les doses des médicamens doivent être proportionnées
au degré d’irritabilité du malade ; un grain d’émétique provoque
les vomissemens les plus violens chez tel malade, tandis que quatre
ou six grains n’émeuvent que très-foiblement tel autre. Les plus petites;
doses de mercure causent à l’un la fièvre mercurielle la plus forte, tandis
que la quantité décuple de la même préparation produit à peine un
que cette chute avoit déterminée, la foiblesse de tout le côté gauche qu’il eu
avoil conservée, et l’aliénation mentale qui s’étoit manifestée après tous ces
aceidens, n’étoit-il pas naturel de regarder cette aliénation comme l’effet d’une
lésion organique du cerveau? et le caractère même de cette aliénation, sa
marche uniforme, son incurabilité presque évidente, ne sembleroient-ils
pas confirmer celte opinion d’une manière irrévocable ? mais ce qui doit
surtout frapper d’étonnement, c’est l’état parfaitement sain du système cérébral.
M. F o d è r é (Traité du délire, T. II, p. 112 et i i 3 ), a également tort de
conclure de faits semblables, « que le cerveau n’est pas primitivement lésé
dans l’apparition des premiers symptômes de la folie, et que le cerveau ne
doit être considéré que comme un organe secondaire ».
DU CERVEAU.
changement dans les fonctions de l’autre. Donc, ce qui tient à la constitution
du malade ne doit point être attribué à la nature du mal même.
De tout ce que nous venons de dire, il résulte que l’on ne peut accorder
que très-peu de confiance aux rapports des médecins sur les vices, les
maladies et les lésions du cerveau, tant que leurs auteurs auront négligé
de s’éclairer des découvertes les plus récentes sur la structure et
sur les fonctions de l’encéphale. Je passe à l ’examen de la seconde
question.
Etoit-on, jusquà ces derniers temps, assez instruit, pour
bien juger l’influence qu’exercent sur les facultés intellectuelles,
les vices, les maladies, et les lésions du
cerveau ?
Personne ne devoit sentir plus vivement que le médecin qui s’ap.
plique à traiter les maladies mentales, l’insuffisance des notions que
l’on avoit jusqu’à ce jour, sur les facultés intellectuelles et sur les dérangemens
de ces facultés. M. Haslam dit : « Ge n’est que lorsque nous
connoîtrons mieux les fonctions du cerveau et de chacune de ses parties,
que nous serons en état de juger sainement les dérangemens survenus
à ces fonctions, et d’en assigner les degrés ». M. le docteur Powel
se plaint de 1 imperfection de nos connoissances relativement aux maladies
du cerveau et de tout le système nerveux. M. Pinel désespère que
l’on parvienne jamais à connoître les différentes espèces d’aliénation,
par la raison que nous connoissons trop peu dans l’état de santé les
fonctions des parties dont le dérangement entraîne l’aliénation. Mais
pourquoi ce savant, d’ailleurs si distingué, a-t-il l’air de dédaigner les
recherches sur les fonctions du cerveau ? Je saisis cette occasion pour
montrer que ce n’est qu’à l’aide de ces recherches, que les physiolo-
1 Observations on Madnes. p. a3y.