
On observe précisément les mêmes phénomènes dans la manifestation
des facultés de lame. Lorsque nous sommes épuisés, pour avoir
fixé trop long-temps notre attention sur le même objet, nous nous récréons
en fixant une attention tout aussi soutenue, sur un autre objet
de nature différente. Il n’y a pas de savant, qui ignore , qu’en changeant
d’objet de temps en temps, l’on peut continuer les travaux de l’esprit
beaucoup plus long-temps qu’en s’occupant toujours du même objet.
Delà , je conclus avec Bonnet, « que si la fatigue cesse lorsque lame
change d’objet, c’est qu’elle agit alors par d’autres fibres, (d ’autres
organes).
Objection.
IO. Akermann prétend que, pour avoir le sentiment du repos, nous
n’avons qu’à passer d’une occupation, qui demande une certaine contention
d’esprit, à une autre qui en demande une moindre.
Réponse.
Je joue les jeux de caries avec beaucoup de facilité ; mais comme je
n’aime guère cet amusement, le jeu me fatigue au bout de très-peu de
temps, et même au point de me donner des maux de tête. Si dans cet
état je’quitte la table de jeu pour un travail d’esprit sérieux, au bout
de quelques minutes, je me trouve remis de ma fatigue. Qui ne sait
combien sont fatiguantes les futilités auxquelles nous astreignent certains
cercles, et combien, en sortant delà on se sent heureux de pouvoir
s’occuper d’objets moins frivoles ; tout le monde sait aussi qu’entendre
une musique qui émeut toute notre sensibilité, jouer avec passion,
voir une tragédie qui bouleverse l’ame, nous récrée, lorsque nous sommes,
fatigués pour nous être livrés à nos occupations accoutumées. Dans ce
cas le sentiment de repos que nous éprouvons, en changeant d’occupation,
ne sauroit être attribué à un moindre degré de contention
d’esprit.
Objection.
20. Si cette activité et ce repos avoient lieu alternativement, dit
Winckelmann , nous ne pourrions jamais nous fatiguer absolument;
nous devrions pouvoir travailler sans interruption.
Réponse.
Chez l’animal aussi peu que dans l ’homme, jamais tous les instru-
mens des mouvemens volontaires, ni tous les sens ne se trouvent à la
fois ni en activité, ni en repos; par conséquent, suivant l’opinion de
Winckelmann, ni l’animal, ni l’homme, n’auroient jamais besoin de se
livrer au sommeil réparateur de la fatigue de tous ces instrumens.
Comme donc Winckelmann se trompe du tout autout, relativement aux
instrumens des sens et des mouvemens volontaires, sa conclusion pour-
roit bien être tout aussi fausse en tant quelle s’applique aux divers
instrumens des facultés intellectuelles.
Objection.
3°. M. Rudolphi, Winckelmann et Dumas pensent que la prétendue
activité et le prétendu repos dans lesquels se trouvent alternativement
les différentes parties cérébrales, s’explique par la manière différente
dont le cerveau est affecté par chaque idée et par chaque sentiment.
La même chose, disent-ils, a lieu pour les autres organes du corps; la
même attitude nous fatigue bientôt; le même mouvement nous épuise
au bout de très-peu de temps; le moindre changement nous soulage,
et enfin nous nous récréons par un repos absolu ; lorsqu’on s’est fatigué
à courir à cheval, on se repose en marehant.
Réponse.
Tous les exemples que l’on vient de lire , appuyent mon assertion ;
toutes les fois que nous changeons d’attitude, toutes les fois que nous
exécutons un mouvement différent, nous faisons agir d’autres muscles.
Ces physiologistes ne croyent certainement pas que les mêmes muscles
sont en activité, lorsque nous montons à cheval, et lorsque nous marchons
: il n’y a donc, dans tout cela, rien qui prouve en faveur de
l ’assertion, que c’est toujours la même partie ,1e même organe, qui se
trouve affecté, et qu’il est affecté seulement d’une manière différente.