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maladie à ces détails minutieux. Le véritable médecin pénètre plus
avant dans l’essence du mal, et il détermine ses différences d après des
caractères permanens et immuables.
M. Pinel blâme déjà les écrivains qui décrivent avec prédilection les
écarts souvent ris,blés des aliénés, et qui fournissent un tableau aussi
confus et aussi baroque que le seroit celui de 1 hospice même. Saisissez
les symptômes propres de la manie, et vous serez- en .état de résumer
toutes ses variétés sous un très-petit nombre de classes. Vous n emprunterez
votre principe de division, que des lésions fondamentales des
facultés et des penchans, et vous ne donnerez qu’une attention secondaire
aux variétés g puisqu’en effet ce nombre innombrable de variétés
peut se ranger sous un très-petit nombre d’espèces.
Il résulte donc tout aussi peu de la doctrine de la pluralité des organes
que des observations des meilleurs médecins, qu’à cause des innombrables
variétés de la manie , il faille admettre tout autant de sources
de l ’aliénation, ou ce qui revient au même, tout autant d'organes céré-
b raux.
Mais MM. Bérard et de Montègre sont-ils autorisés pour cela de rapporter
toutes les espèces fondamentales de l’aliénation à un organe
unique, à une loi générale de la sensibilité? Peuvent-ils rapporter les
illusions bien moins nombreuses des sens, à un sens unique ? Sont-ils
encore à s’apercevoir que chaque illusion des sens porte manifestement
l ’empreinte de l’instrument, de la lésion duquel dépend cette illusion?
Attribueront-ils jamais à des illusions de l’oreille les envies dépendantes
du goût?
Il en est précisément de même des idées fausses, des sentimens pervertis,
que produisent les organes du cerveau.
Tous les écrivains qui ont observé l’aliénation, sont forcés d établir
au moins deux divisions principales de la manie. Tous parlent de
lésions des qualités affectives et de lésions des qualités intellectuelles
de lésions de l’entendement et de lésions de là volonté. Tous s’appuient
de faits où il y avoit lésion uniquement des qualités intellectuelles,
tandis que les qualités affectives étoient intactes, c’est-à-dire où 1 entu
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tendement étoit lésé, tandis que la volonté restoit intacte ou vice
versak
J’ai déjà cité ailleurs des faits observés, soit par M. Pinel, soit par
moi-même; je n’en rapporterai plus qu’un. « Un homme livré autrefois
à un art mécanique , et ensuite renfermé à Bicêtre, éprouve par intervalles
irréguliers, des accès de fureur marqués par les symptômes suivans:
d’abord sentiment de chaleur brûlante dans les intestins, avec une soif
intense, et une forte constipation ; cette chaleur se prolonge par degrés
à la poitrine, au cou, à la face avec un coloris plus animé ; parvenue
aux tempes, elle devient encore plus vive, e^produit des battemens
très-forts et très-fréquensdans les artères de ces parties, comme si elles
alloient se rompre; enfin, l’affection nerveuse gagne le cerveau, et afors
l’aliéné est dominé par un penchant sanguinaire irrésistible; et s’il peut
saisir un instruthenttranchant, il est porté à sacrifier avec une sorte de
rage la première personne qui s’offre à sa vue. Il jouit cependant à
d’autres égards, du libre exercice de sa raison,même durant ses accès;
il répond directement aux questions qu’on lui fait, et ne laisse échapper
aucune incohérence dans les idées, aucun signe de délire; il sent même
profondément toute l’horreur de sa situation; il est pénétré de remords,
comme s’il avoit à se reprocher ce penchant forcené, etc. »
J’ai observé un fait tout semblable sur un homme replet qui, par
suite d'engorgemens dans les intestins, étoit disposé à la mélancolie. II
vit rouer un criminel qu’il avoit connu autrefois, et qu’un assassinat,
accompagné de circonstances aggravantes, avoit conduit à l’échafaud;
le spectacle de ce supplice lui fit une impression si violente, qu’il se
crut dès ce moment possédé par le diable, qui le poussoit irrésistiblement
au meurtre; rentré chez lui, il cria avec des gestes forcenés à ses
soeurs de se sauver, parce qu’il ne pouvoit s’empêcher de les étrangler.
Puis, il courut chez moi, il se précipita dans mon cabinet, et me pria
avec l’accent du désespoir, de fuir devant lui. « Encore un pas, lui
criai-je, et je vous fracasse la tête contre le mur ». Ma fermeté le fit
■ Sur l'aliénation mentale , y. 157 et i 58, §. 16b