
nient-ils pas les faits les plus évidens! avec quelle audace surprenante
n’insultent - ils pas les témoins qui les accusent! avec quelle sincérité
effrontée et quelle scrupuleuse exactitude d’autres ne racontent-ils pas
une suite de forfaits épouvantables ! Un soldat avoit fait des vols dans
vingt églises; on le conduit à la potence , où il croyoit encore recevoir
sa grâce. Mais, au lieu de montrer aucun repentir, il dit a
l’auditeur Wiedemann à Vienne : «Je vois bien qu’il n’y a plus rien à
faire ici ; je tâcherai d’aller ailleurs ». A Vienne, un certain Z*** assassine
sa maîtresse à coups de couteau, pour lui voler trois cents florins; il en
dépèce le cadavre pour le cacher plus facilement dans une caisse. Au
lieu d’être troublé par ce crime,il se rend au bal, y passe la nuit,dépense
tout son argent, et se livre à tous les excès d’une joie grossière, M. Brugg-
manns, professeur à Leyde, nous a montré le crâne du chef d’une bande
de brigands hollandois. Il avoit précipité plusieurs personnes dans les
canaux, uniquement pour les voir se débattre contre la mort. Que peut-
on me faire, disoit-il dans son procès ; ne suis-je pas un honnête homme?
Schinderhannes, et Heckman son complice, avoient un plaisir extrême
à raconter leurs crimes; leurs yeux brilloient dans ces récits. Toutes les
circonstances accessoires qui leur sembloient propres à donner d’eux une
grande idée, leur causoient la joie la plus vive. Il y en a même qui, au
moment de leur exécution, en repassant dans leur mémoire toutes les
jouissances dont ils s’étoient assouvis pendant leur vie, se sont vantés
qu’aucune n’égaloit celles que leur avoit causées la cruauté. Mais terminons
ces exemples qui révoltent l’humanité! Toutes les procédures qui
ont condamné des criminels invétérés justifient notre observation, que
cette classe de coupables éprouve bien rarement des remords.
Ainsi, comme l’expérience la plus triste nous démontre que les plus
grands criminels ne sont pas déterminés par le repentir ou par des
remords naturels à combattre leurs penchans violens, il ne reste qu’à
produire en eux une conscience artificielle, c’est-à-dire au moins une idée
claire et une conviction de l’immoralité de leurs actions. Ou, en d’autres
termes, il faut suppléer du dehors à ce qui manque à ces hommes du
côté de l’organisation intérieure et de l’éducation; et plus on trouve de
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résistance dans leurs habitudes et dans leurs penchans naturels innés
plus on doit mettre de persévérance à leur fournir des motifs énergiques
capables de combattre ces mêmes penchans. Il faut en conséquence que
les prisons, outre les institutions, pénales graduées, réunissent encore
tontes les institutions propres à fournir aux hommes qui ont été séduits,
ou qui sont naturellement médians, toutes sortes de motifs pour agir
avec droiture, et que, ne pouvant en faire des êtres naturellement bons
elles les changent au moins en animaux d’habitude pour le bien.
. Les principes que nous indiquons ici ne sont pas nouveaux. O11 a insisté
depuis long-temps sur l’instruction des ignorans , sur la réforme des
hommes égarés r sur l’amélioration des criminels et sur l’extirpation des
vices. Mais ces règles ne sont pas assez généralement exécutées. C’est à
Philadelphie qu’on les a pratiquées pour la première fois ’. Les heureux
effets qui en sont résultés, ont encouragé d’autres gouvernemens humains
a imiter cet exemple. Plusieurs états, indépendamment des prisons, ont
établi des maisons de réforme et de correction où l’instruction est le but
principal, et où l’on habitue les détenus à un travail assidu et à un métier
honnête. D’un autre côté, dans les prisons, la punition n’est plus le seul
but; on vise encore à la correction morale. On donne journellement aux
prisonniers des leçons de lecture, d’écriture, de calcul, de morale et de
religion. On cherche surtout à diriger leur attention sur les devoirs du
citoyen, et sur les rapports naturels de la vie sociale. Ceux qui ne savent
aucun mener, sont tenus d’en apprendre un, et les prisonniers qui se
conduisent le mieux servent alors de maîtres et de surveillans. Ceux qui
savent un métier l’exercent. L ’on peut considérer les prisons ordonnées
de cette manière, comme des manufactures. Le travail des prisonniers
fournit abondamment à l’entretien de la maison; on les tient occupés- et
en leur donnant une meilleure nourriture, on fait que, sur cent, il en est
a peine s« qm soient incapables de travailler. On évite par là l’espèce
d injustice qu’il y a de nourrir les perturbateurs du repos public aux
Lilncoim )S°nS ^ Philadelphie ’ par un Européen. (M. de la Rochefaucauld