de prendre dans la poche de sa femme la clef du logis; et, après s’être
lavé les mains dans l’étang et y avoir jeté le couteau, il prit son petit
enfant qui dormoit encore, et retourna chez lui par un autre chemin.
D’après son aveu, il courut très-vite, parce qu’il craignoit que, si l’on
apercevoit le cadavre de sa femme, on ne le soupçonnât et on ne l’arrêtât;
ce qui l’auroit empêché d’arracher ses deux enfans chéris à un monde
pervers et malheureux, et de les envoyer au ciel pour lui servir d’intercesseurs.
, «De retour chez lui, il posa dans le berceau l’enfant qui dormoit encore.
Puis il alla trouver ses voisins, pria la femme de l’ancien messager de la
régence d’aller hors de la porte de Schweidnitz, et lui désigna l’endroit
où elle trouveroit sa femme , ajoutant qu’il l’avoit laissée bien portante,
mais bien foible, parce qu’elle s’étoit trouvée mal pendant la promenade ;
qu’elle s’étoit assise pour se reposer, et l’avoit prié de retourner à la
maison avec l’enfant. Il finit par dire qu’il étoit trop las pour y retourner
lui-même. La bonne femme se hâte de satisfaire à sa demande, et veut
emmener l’enfant. Prohaska s’y opposa, en observant qu’il ne feroit que
la retarder dans sa marche. A peine est-il seul, qu’il court avec l’enfant
à son logis, où il avoit laissé l’autre enfant endormi ; il leur brise à tous
les deux la tête avec une petite hache, les pose sur son lit dans les bras
l’un de l’autre ; e t, après avoir soigneusement fermé sa chambre, il va
à la grande garde, et avec un certain contentement dans les regards et
les gestes, il dit qu’il a tué sa femme et ses deux enfans. A présent,
ajoute-t-il, que le lieutenant de lui fasse l’amour. Elle et mes
enfans sont à l’abri de la séduction et du déshonneur : ils me sauront gré
du bonheur dont ils jouissent, et prieront pour moi dans le ciel.
« Le conseil de guerre qui le jugea, ne fit pas attention aux motifs
atténuans et ne les prit point en considération pour déterminer le
degré de culpabilité relativement à la liberté morale. Il traita Prohaska
non comme un malade, mais comme un homme en santé, comme un
homme qui avoit agi avec une volonté parfaitement libre, par conséquent
comme un assassin avec préméditation ; il le condamna à être
décapité ; et, pour aggraver la peine, on lui refusa en prison , et même
lorsqu’il alloit au supplice, la faculté d’être exhorté et accompagué par
un ecclésiastique '. »
Le trait que nous venons de rapporter prouve jusqu’à quel point un
chagrin violent peut obscurcir l’esprit et atténuer la conduite des infortunés
qui, dans cette situation, commettent des crimes. Mais combien
d’autres circonstances, jusqu’à présent peu remarquées, ne contribuent
pas a altérer notre raison, et, pour cela meme, a restreindre notre
liberté !
Nous avons observé que les deux sexes éprouvent chaque mois, une
ou deux fois, une espèce de dérangement périodique qui trouble l’harmonie
de leurs affections et de leurs habitudes, et qui prend le caractère
d’une irritation et d’une mélancolie dont l’individu qui en est affecté ne
peut se rendre aucune raison. Les personnes d’un tempérament irritable
ou affoibli éprouvent ce dérangement d’une manière très-sensible. Nous
en parlerons ailleurs plus en détail. Il suffira ici de remarquer que ce
phénomène a lieu surtout à l'époque des évacuations périodiques. Or
l’accouchement arrive ordinairement à cette même époque, c’est-à-dire au
temps où la femme auroit eu la dixième évacuation; il s’ensuit que toutes
les circonstances qui sont capables d’affecter et de troubler une femme ,
fi appeut alors son esprit avec plus de force. On a observé généralement
qu’à cette époque les femmes sont plus susceptibles,, plus chagrines, plus
abattues, plus faciles à émouvoir. Est-il surprenant qu’elles soient alors
plus sujettes à s’égarer et à prendre des résolutions funestes ? Ce même
dérangement périodique, de l’ame a aussi quelquefois l’influence la plus
déplorable sur les hommes. Nous connoissons un individu qui, une fois
par mois, est tourmenté par la pensée et même par le désir do commettre
un meurtre. Ce désir le met dans un état d’angoisse et de désespoir; il
court alors chez un ami, et le prie de le préserver du malheur qui le
Ce fait nous a été communiqué par M. le major Grambkowski, qui a
terminé son récit par ces mots « Je m’abstiens de toute réflexion, mais je
suis garant de ce que j’ai raconté ».