
Ce sont des faits semblables qui font soutenir à Boerbave que lorsque
le cerveau est pressé par des os du crâne brisé , il s ensuit des vertiges, des
assoupissemens, la perte de la connoissance. Morgagni, Haller et d autres
, citent dans leurs ouvrages beaucoup d’exemples où des lésions peu
considérables du cerveau ont troublé l’exercice des facultés intellectuelles.
Dans tous les cas que j’ai allégués jusqu’ic i, le reste du corps étoit
sain ; par conséquent, on ne peut pas déduire les phénomènes observés
d’une influence étrangère. Ces faits prouvent donc d’une manière irrécusable
que le cerveau est la condition essentielle dans l’exercice des
qualités morales et des facultés intellectuelles.
Les cas où une lésion ou une commotion violente du cerveau ont
réveillé l’exercice de toutes les facultés intellectuelles, ou de quelques-
unes seulement, confirment encore ce que j’avance. On conuoît l ’histoire
de Mabillon, ( déjà cité dans la première section de ce volume) ,
qui jusqu’à dix-huit ans ne savoit ni lire, ni écrire , et à peine parler.
A la suite d’une chute , on fut obligé de le trépaner; pendant sa convalescence,
il lui tomba entre les mains un Euclide, et il fit des progrès
très-rapides dans les mathématiques; tantil est certain qu’une simple
irritation du cerveau peut suffire pour provoquer les facultés morales
et intellectuelles.
Dans la même section de ce volume, nous avons aussi rapporté
l ’exemple de deux garçons d’un esprit borné, qui se développèrent par
une chute. Même le caractère moral de l’un d’eux subit un changement
défavorable.
Nous avons parlé dans la même section, d’un jeune homme trépané
par Acrel, qui, avant son accident, n’avoit ressenti aucune inclination
pour le v o l, et qui après sa guérison y étoit entraîné par un penchant
irrésistible.
Haller cite l’exemple d’un imbécile de naissance qui, par une blessure
à la tête, fut guéri de son imbécilité, mais qui retomba dans son
premier état, dès que la plaie fût cicatrisée*.
D U C E R V E A U .
Dans ces cas encore on ne saurait soupçonner l'influence sur le
Cerveau de quelque viscère que ce soit.
Douzième preuve.
J’ajouterai encore quelques observations pour prouver que la manie
a aussi son siège immédiat dans le cerveau. Ce point démontré, il est
démontré également que c’est dans le cerveau qu’ont lieu toutes les
fonctions morales et intellectuelles ; car les fonctions, dans leur état
d intégrité, ne peuvent avoir lieu que là où se manifeste leur dérangement.
La manie ne provient d’ordinaire que de causes qui agissent immédiatement
sur le cerveau. Telles sont une commotion, une lésion, une
inflammation de l’encéphale , un vice organique du cerveau lui-même
ou des méninges, une aspérité à la surface interne du crâne; une contention
d’esprit uniforme et trop long-temps soutenue, un projet longtemps
poursuivi, qui vient à manquer, un espoir long-temps nourri,
qui vient à être déçu, un orgueil ou une ambition démesurés, la vanité
blessée , l’amoùr trompé, la jalousie, des idées exaltées, soit religieuses,
soit superstitieuses, trop de circonspection et de timidité dans l’exécution
d’un projet, un combat trop continu entre les principes et la sensualité
; en un mot, les nombreuses causes morales. Delà vient aussi,
comme le remarque très-bien M. Pinel, « que les personnes de l’un et
de l’autre sexe, douées d’une imagination ardente et d’une sensibilité
profonde, celles qui sont susceptibles des passions les plus fortes et les
plus énergiques, ont une disposition plus prochaine à la manie, à moins
qu’une raison saine; active et pleine d’énergie, n’ait appris à contrebalancer
cette fougue impétueuse; réflexion triste, mais constamment
vraie et bien propre à intéresser en faveur des malheureux aliénés »
Par la même raison, l’expérience de tous les temps confirme que
les ecclésiastiques, les moines, les artistes, par exemple les peintres,
les sculpteurs , les musiciens, les poètes, les avocats, surtout lorsqu’ils
1 Sur l’aliénation mentale. 2'. édit. p. 1^1