
Si l’homme enfin a des facultés qui le distinguent essentiellement,
et qui lui donnent le caractère propre de l’humanité, il offre aussi
dans son cerveau 1, surtout dans les portions supérieures et antérieures,
des parties que les animaux n’ont point 5 et la différence des
effets se trouve ainsi expliquée par la différence des causes. Tous les
anatomistes et tous les physiologistes conviennent que les facultés augmentent
chez les animaux, à mesure que leur cerveau devient plus composé
et plus parfait. Pourquoi l’homme seul feroit-il exception à cette
règle générale ? Si nous voyons dans l'homme un être qui compare des
idées et des notions différentes ; qui recherché la cause des phénomènes
; qui déduit des conséquences; qui établit des lois et des règles
générales ; si nous le voyons mesurer les révolutions des mondes, leur
durée et leurs intervalles, parcourir toute la surface de l’océan , re-
connoître le mérite et le démérite des actions, porter dans son intérieur
un juge auquel il est soumis; se dicter des lois pour lui et pour
ses semblables, s’élever enfin jusqu’à reconnoître un Dieu et l’adorer:
gardonsrnous de penser que ces facultés sublimes soient l’ouvrage de
son invention, ou celui de l ’action accidentelle du monde extérieur.
11 faudroit croire pour cela que le créateur auroit abandonné l’homme
à lui-même dans les choses les plus importantes, ou qu’il auroit fait
dépendre sa perfectibilité du simple hasard ? Non, en cela, comme
pour tout le reste, Dieu l ’a traité plus favorablement ; il lui a
tracé le cercle dans lequel il doit agir, et il a assuré ses pas.
C’est pourquoi, dans tous les temps et chez tous les peuplés, l’homme
présente les mêmes qualités essentiellés dont il n’auroit pu même concevoir
l’idée sans la pré-détermination du Créateur.
Par-tout, ce plan de la nature se fait reconnoître à des signes si
évidens, qu’il est impossible de le révoquer en doute. « On voit, dit
H'erde.r que de la pierre au cristal, du cristal au métal, de ce-
* Il est généralement reconnu que le cerveau est l’organe particulier de
l ’ame, et nous prouverons que chacune de ses diverses parties est l’organe
d’une différente faculté morale ou intellectuelle.
1 L. c. Th. î. S. 265.
lui-çi à la plante , de la plante aux animaux, et de céux-ci à l’homme,
les formes de l’organisation vont toujours en s’élevant ; que les facultés
et les penchans des êtres augmentent en nombre dans la même proportion,
et finissent par se trouver réunis dans l’organisation de l’homme,
autant qu’il peut les renfermer ». Cette analogie ne suffirait point
encore ; il ‘ést facile de reconnoître dans l’homme les organes de
ces facultés plus élevées ; on peut en démontrer l’existence. Ainsi il
est impossible de ne pas admettre que les dispositions fondamentales
des propriétés des animaux et de l'homme sont innées, et que l’action
et la manifestation de ces facultés sont pré-déterminées par l’organisation.
Ces vérités étant une des bases de notre doctrine, nous allons leur
donner la plus grande évidence, en les appuyant sur les faits de tout
genre que fournissent l’observation et l’expérience.
i°. Les facultés intellectuelles et morales se manifestent, augmentent
et diminuent suivant que les organes qui leur sont propres, se
développent, se fortifient, et s’affaiblissent.
Il est dans l’ordre de la nature que ce qui a lieu pour les fonctions
de l’ordre le plus bas et pour leurs organes, ait lieu aussi pour les
fonctions et pour les organes d’un ordre plus élevé. Or nous avons
montré, dans les sections I , I l , III du tome premier , que les divers
systèmes nerveux se développent et se perfectionnent à des époques
différentes. C’est ainsi, par exemple , que les systèmes nerveux des
viscères du bas-ventre et de la poitrine sont déjà presqu’entièrement
formés, tandis que le cerveau ne semble encore qu’une masse pulpeuse.
Le nerf olfactif et le nerf du goût se perfectionnent plutôt
que le nerf auditif, et que le nerf optique : aussi voit-on que les fonctions
du goût et de l’odorat acquièrent plutôt leur perfection , que
celles de l’ouïe et de la vue. Ce phénomène a surtout lieu dans les
animaux qui, en naissant, sont sourds et aveugles. La même marche''
se fait remarquer dans le développement du cerveau. Chez lès enfans
nouvellement nés on découvre à peine quelque trace de fibres dans
les appareils qui servent à renforcer et à perfectionner cet organe. Ces