XQO PHYSIOLOGIE
Quoique ces individus partiellement imbéciles ne soient pas des êtres
moraux, ni par conséquent punissables, le soin de les surveiller nen
appartient par moins à la police de sûreté, et il est indispensable de tenir
éloignés du commerce social tous les genres d’imbéciles en qui l’on observe
des indices assez forts d’un caractère méchant.
Application de nos principes aux actions illégales qui
sont la suite d’une aliénation mentale.
L ’aliénation mentale est générale, lorsque les fonctions de toutes les
facultés de l’ame et de l’esprit sont troublées; ou partielle, lorsque ce
dérangement n’a lieu que dans un ou dans plusieurs organes. L ’aliénation
mentale,soit générale, soit partielle, peut être continue ou intermittente.
L ’aliénation générale, continue ou permanente, se manifeste d’une manière
si visible, qu’on ne peut pas se tromper sur son existence. Ainsi on
ne court pas le risque de regarder, comme faites avec une liberté morale,
les actions commises dans cet état, et d’en rendre leur auteur responsable.
Ce n’est qu’à cette espèce d’aliénation mentale que convient la définition
donnée par Locke, qui dit que la folie consiste dans un dérangement du
jugement et de la raison. D’autres écrivains appellent aliénation mentale
l’état dans lequel on n’a pas la conscience de soi-meme; mais cette définition
est évidemment fausse, car cette absence de la conscience dé soi-même ne
peut être prouvée dans aucune espèce d’aliénation mentale. Si 1 on dit qué
l’individu, revenu en son bon sens, n’a aucune mémoire de là folie passée,
nous répondrons d’abord que ce manque de souvenir n’arrive pas toujours;
et, en second lieu, que cette absence de souvenir ne prouve pas
que la conscience de soi-même n’ait point lieu dans le moment de 1 aliénation.
Nous nous attachons à rectifier ces notions erronées ou défectueuses,
parce quelles contribuent à faire porter de faux jugemens sur
plusieurs actions. Elles supposent de la culpabilité dans des actes qui,
examinés avec plus d’attention, ne doivent être regardés que comme les
conséquences d’une aliénation véritable.
Mais si nous disons qu’il y a aliénation mentale lorsque les idées ou
les sensations, soit générales ou partielles, ne s’accordent pas avec les lois
des fonctions d’une organisation régulière, ni avec l’état réel des choses
extérieures, cette définition s’applique à toutes les espèces d’aliénations;
et, en même temps qu’elle indique que l’individu imagine des choses qui
ne sont pas, ou^se représente les choses autrement qu’elles ne sont, elle
justifie l’emploi des expressions d’égarement et d’aliénation mentale.
Nous avons déjà dit que l’aliénation générale permanente ne peut être
méconnue. Mais il en est tout autrement, quand l’aliénation générale est
périodique, et que les accès, après avoir cessé entièrement, renaissent
soit à des périodes irrégulières, soit après une époque fixe, ou quand
l’aliénation n’a lieu que pour certaines qualités en particulier, surtout
lorsque cette aliénation partielle disparoît de temps en temps entièrement,
et qu’elle revient tantôt irrégulièrement, tantôt périodiquement.
Plusieurs propriétés de l’ame et de l’esprit n’éprouvent aucun dérangement
durant les accès de l’aliénation partielle;et dans celle-ci, ainsi que
dans l’aliénation générale intermittente, les intervalles lucides ne laissent
apercevoir aucune trace d’égarement.. L’aliénation partielle n’est pas non
plus toujours une suite du dérangement des propriétés de l’esprit ; souvent
l’ame ou les seDtimens moraux souffrent seuls, et l’esprit ou les facultés
intellectuelles restent parfaitement saines. Ces divers rapports rendent
très-difficiles les jugemens que l’on doit porter sur l’innocence ou la culpabilité
des actions équivoques. Nous ajouterons en conséquence quelques
aperçus nouveaux à l’histoire naturelle de l’aliénation mentale, considérée
dans ses rapports avec la médecine, la jurisprudence et la législation.
Pour faire mieux comprendre à nos lecteurs la nature de l’aliénation
mentale, nous allons la comparer à d’autres maladies connues. Chacun
sait que, dans les fièvres intermittentes, dans les attaques d’épilepsie et
dans plusieurs autres maladies, la santé semble être parfaite dès que
l’accès est passé. On sait encore que, si le mal a un cours réglé, les accès
se manifestent sous leur apparence véritable. Mais souvent les symptômes
primitifs et ordinaires d’une même maladie changent tellement, qu’elle