
pas reconnoitre une aliénation mentale dans ces actions? Que le lecteur
lise le tableau fidèle de ce qui se passe dans cette maladie jusqu’à sa
crise fatale, et qu’ensuite il juge.
Dans le principe de cette maladie, le plus grand désordre se manifeste
dans les viscères du bas ventre. On observe des éructations, des
flatuosités, des appétits désordonnés, des évacutions irrégulières, le
dérangement des menstrues et des hémorrhoïdes. Le teint se ternit,
devient d’un jaune verdâtre et d’une couleur terreuse, surtout autour
du nez et de la bouche ; de sorte que le visage perd tout son lustre. Les
yeux sont éteints, abattus, troublés; le blanc de lceil est plombe. Dans
d’autres individus, au contraire, le visage devient plus coloré, plus animé
et plus vif; leurs yeux sont enflammés; quelques-uns de ces malades
conservent leur force et leur embonpoint; dautres maigrissent, et se
sentent de jour en jour plus abattus et plus débiles. Quelquefois toute la
surface de la peau est privée de sentiment, et les malades se plaignent de
ce que leurs mains et leurs pieds sont engourdis, cotonneux ; mais bien
plus fréquemment la sensibilité de la peau est augmentée; ils ressentent
dans tout le corps, ou seulement dans certains endroits, surtout aux
cuisses et aux pieds, une chaleur brûlante , comme si elle étoit produite
par des charbons ardens. Lorsque le mal est à un hau* degré, cette chaleur
produit sur les patiens l’effet d’un soufle embrasé, et disparoit de
même ; elle se fait sentir dans les intestins, ou bien elle passe d’un endroit
à un autre. La plupart des malades sont alors abattus, pusillanimes ;
ombrageux , craintifs ; de sorte que souvent des hommes très-rohnstes
tremblent devant des enfans. Quelques-uns ne peuvent se résoudre, et
regardent comme indifférent de communiquer à d’autres leur position.
Cette insouciance apparente, cette apathie, ce silence perfide caractérisent
ordinairement les cas les plus dangereux. Quelques-uns tourmentent,
par des tracasseries minutieuses, tous ceux qui les entourent; ils ne
voient partout qu’infortuné et méchanceté ; et lors même que tout ce qui
les concerne offre l’image de la prospérité, ils se désespèrent de ce qu’eux
et leurs enfans sont menacés par la faim et la misère. Quelques - uns
s’imaginent que tout le monde les méprise ou les persécute ; ils se plaignent
sans cesse de ce qu’on les néglige, de ce qu’on ne. leur rend pas
justice. Quelquefois tous les symptômes disparoissent soudainement,
mais ils reparoissent de même à l’improviste. La mélancolie et la pusillanimité
augmentent chaque jour ; la plupart de ces malades ressentent
une douleur vive et permanente au-dessus de la racine du nez et au milieu
de la partie inférieure du front; quelquefois cette douleur a son siège au
sommet de la tête ; souvent aussi quelques-uns se plaignent d’une tension
insupportable dans la région du front, et d’une constriction pénible dans
la région du ventre, qui est comme serré par un cerceau. A ces symptômes
se joignent fréquemment des accès de convulsions suffocantes
d’anxiété affreuse, de désespoir, de penchant involontaire ou d’impulsion
secrète à s’ôter la vie. En un mot, cette maladie, outre les symptômes
que nous venons d’indiquer, présente encore tous ceux qui accompagnent
ordinairement le penchant au suicide. Nous traiterons ailleurs en détail
du penchant au suicide, et nous prouverons que ce penchant vient d’une
véritable maladie. Celle dont nous parlons ici n’est qu’une variété effroyable
de ee même mal.
Un boulanger de Manheim qui, dès sa jeunesse, a montré, dans toutes
ses entreprises, un caractère très-timide, et qui a ressenti depuis dix ans
des accès d’une mélancolie profonde,éprouve aussi depuis cette dernière
époque une faiblesse de nerfs générale. Il s’imagine que l’achat qu’il a
fait d’une maison a causé son malheur et celui de sa femme, qu’il aime
beaucoup. Il se plaint sans cesse, et se désole de sa position, qu’il soutient
être la plus malheureuse. Il a quelquefois des accès d’angoisses insupportables
; il souhaite continuellement la mort ; et depuis long-temps ils se la
seroit donnée, si, selon ses expressions, ce n’étoit pas un péché. Il parle
souvent d’un forgeron françois qui se tua après avoir tué sa femme. «Tu es
malheureuse, dit-il quelquefois à sa femme du ton le plus ému, il faudra
bien que je fasse comme a fait l’émigré françois ». Nous avons donné le
conseil de le séparer de sa femme ; nous ignorons si l’on a suivi cette précaution.
Nous connoissons une femme de vingt-six ans, atteinte de la même maladie;
elle a eu successivement tous les symptômes de ce mal; elle éprouve,