
Bientôt on remarqua qu’il perdoit graduellement sa première vivacité
et que les jeux de son âgé ne l’intéressoient plus. Quoiqu'avant sa maladie
il eût montré des dispositions assez heureuses, il étoit loin de répondre
maintenant à l ’attente de ses parens et de ses maîtres. Il avoit
souvent des mouvemens convulsifs, et pendant son sommeil il tenoit
d’ordinaire, la tête renversée en arrière ; les médecins, que l’on consulta,
supposèrent qu’il avoit des vers; mais je ne regardai son mal que
comme la suite d’une inflammation cérébrale négligée; il mourut à
treize ans, dans l ’institution de Vienne , dite le Thérésianum. A l ’ouverture
du cadavre, nous ne trouvâmes pas de vers ; mais toute la partie
supérieure antérieure du cerveau, où dans le temps il avoitéprouvé des
douleurs, recouverte d’un grand nombre de pseudo-membranes, et de
matières purulentes; la masse cérébrale étoit érodée, et la partie correspondante
du crâne, plus compacte et plus épaisse que le reste.
L ’aéronaute Blanchard fit une chûte sur la tête ; depuis ce moment
, il fut sujet à des attaques d’apoplexie, et à une foiblesse générale
des facultés de l ’esprit ; il paroissoit n’avoir plus qu’un souvenir
confus de ses premiers talens,et il mourut des suites d’une apoplexie,
à l’âge de cinquante-trois ans. Dans l’autopsie, nous trouvâmes les méninges
adhérentes, et plus épaisses qu’à l ’ordinaire ; entre autres dé-
rangemens dans le cerveau lui-même, nons y trouvâmes, comme je
l’avois prédit, plusieurs foyers de suppuration dans le lobe moyen.
Une dame , remplie de talens, donna dans une chûte qu’elle fit, avec
l ’occiput, sur le chambranle d’une cheminée. Depuis cette chûte, elle fut
sujette à des accès périodiques de manie , et elle perdit insensiblement
toutes ses brillantes qualités. L’endroit de la tête qui avoit été frappé,
étoit continuellement chaud, et, danssesaccès, elle portoit, automatiquement
, la main à la partie souffrante ; à la fin, son mal dégénéra en
démence.
J’ai vu, à Pforzheim, dans'le grand-duché de Bade, un homme
qui, à l ’âge de six ans , s’étoit brisé tout le frontal; il avoit été guéri de
| Gazette de Santé. 1807, 21 mars, p. 71. Autopsie de Blanchard.
sa blessure, mais depuis cette époque il étoit sujet à des accès périodiques
de fureur.
Un autre homme demeurant à W eil, près Stuttgard, eut le crâne enfoncé
par un coup de pierre. Avant son accident, il étoit connu comme
un citoyen pacifique; mais après sa convalescence, l’on vit avec surprise
, que son caractère étoit entièrement changé : cet homme, jadis si
doux, étoit devenu querelleur, et provoquoit des rixes; son crâne, que
je conserve dans ma collection , est épais et très-dense, et prouve, à la
seule inspection, combien le cerveau avoit souffert.
M. Richerand donnoit des soins à une vieille femme , dont la carie
avoit mis le cerveau à nu sur une surface considérable. Un jour, en
abstergeant le pus, il appuya de haut en bas un peu plus fort qu’à l’ordinaire;
aussitôt la malade qui, un instant auparavant, répondoit très-
bien à ses questions, se tut au milieu d’une phrase ; la respiration et la
pulsation continuoient; comme cette pression n’étoit pas douloureuse
pour e lle , il la réitéra jusqu’à trois fois, et toujours avec le même
résultat. Chaque fois, la malade recouvroit ses facultés à l ’instant où
la pression cessoit.
Un homme, qui avoit été trépané pour une fracture du crâne , sen-
toit, à mesure qu’il s’amassoit du pus dans l’intervalle d’une levée de
l’appareil à l’autre, que sesfacultésbaissoient, et que le sentiment de son
existence s’affoiblissoit de plus en plus '.
M. Esquirol allègue les cas suivans, où des coups sur la tête ont
précédé de plusieurs années l’explosion du délire : un enfant de trois
ans fait une chûte sur la; tête ; depuis, il se plaint de céphalalgie,
grandit, et à la puberté, le mal de tête augmente , et la manie se déclare
à l’âge de dix-sept ans. Une dame, rentrant d’une promenade à
cheval, se heurte contre la porte, est renversée; quelques mois après,
elle devient maniaque, est guérie, etmeurt deux ans aprèsd’une fièvre
cérébrale.
1 Nouveaux Elémens de Physiologie, édit.T. II, p. 195 et 196.