D I S C O U R S
espèce oeétive, mais constante, et distincte des deux
auxquelles on doit rapporter son origine. D’autres fois
ils peuvent se reproduire, mais sans transmettre leurs
traits caractéristiques; et les petits auxquels ils donnent
le jour, rentrent dans l’une ou dans l’autre des deux
espèces mères. D’autres fois enfin ils sont entièrement
stériles, et avec eux s’éteint tout produit de l’union
de ces deux espèces. Ces différences proviennent de l’éloignement
plus ou moins grand qui sépare les formes
et les habitudes des deux espèces primitives. Nous
rechercherons dans cette histoire les degrés de cet
éloignement, auxquels sont attachés les divers phénomènes
que nous venons de rapporter , et nous
tâcherons d’indiquer les caractères d’après lesquels on
pourra ne pas confondre les espèces anciennes avec
celles qui ont été formées plus récemment.
Mais comme le devoir de ceux qui cultivent les
différentes branches des sciences naturelles , est d’en
faire servir les fruits à augmenter les jouissances de
l’homme, à calmer ses douleurs et à diminuer ses maux,
nous ne terminerons pas cet ouvrage sans faire voir,
dans un discours et dans .des articles particuliers, tout
ee que le commerce et l’industrie doivent et peuvent
devoir encore aux productions que fournit la nombreuse
classe des poissons. Nous prouverons qu’il n’est presque
aucune partie de ces animaux qui ne soit utile aux
arts, et quelquefois même à celui de guérir. Nous
montrerons leurs écailles revêtant le stuc des palais
d’un éclat argentin, et donnant des perles fausses, mais
brillantesà la beauté; leur peau, leurs membranes,
et sur-tout leur vessie natatoire, se métamorphosant
dans cette colle que tant d’ouvrages réclament, que
tant d’opérations exigent, que la médecine n’a pas
dédaigné d’employer; leurs arêtes et leurs vertèbres
nourrissant plusieurs animaux sur des rivages très-
étendus; leur huile éclairant tant de cabanes et assouplissant
tant de matières ; leurs oeufs, leur laite et leur
chair, nécessaires au luxe des festins somptueux, et
cependant consolant l’infortune sur l’humble table du
pauvre. Nous dirons par quels soins leurs différentes
espèces-deviennent plus fécondes, plus agréables, au
goût, plus salubres, plus propres aux divers climats;
comment on les introduit dans les contrées où elles
ét-oient encore inconnues; comment on doit s’en servir
pour embellir nos demeures, et répandre un nouveau
charme au milieu de nos solitudes. Quelle extension,
d’ailleurs, ne peut pas recevoir cet art si important
de la pêche, sans lequel il n’y a pour une nation, ni
navigation sûre, ni commerce prospère, ni force maritime
, et par conséquent ni richesse ni pouvoir !
Quelle nombreuse population ne seroit pas entretenue
par l’immense récolte que nous pouvons demander
tous les ans aux mers, aux fleuves, aux rivières, aux
lacs, aux viviers, aux plus petits ruisseaux! Les eaux
peuvent nourrir bien plus d’hommes que la terre. Et
combien d’exemples de toutes ces vérités ne nous