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Cependant ce n’est pas uniquement par des courses-
très-limitées que les poissons parviennent à se procurer
leur proie, ou à se dérober à leurs ennemis. Ils
franchissent souvent de très-grands intervalles; ils
entreprennent de grands vojages; et, conduits, par la
crainte, ou excités par des appétits vagues, entraînés
de proche en proche par le besoin d’une nourriture
plus abondante ou plus substantielle, chassés par les
tempêtes! transportés par les courans, attirés par une
température plus convenable, ils traversent des mers
immenses ; ils vont dun continent a un autre, et parcourent
dans tous les sens la vaste étendue d’eau au
milieu de laquelle la nature les a placés. Ces grandes
migrations, ces fréquens changemens, ne présentent
pas plus de régularité que les causes fortuites qui les
produisent; ils ne sont soumis à aucun ordre : ils n’àp-
partiennent point à l’espèce ; ce ne sont que des actes
individuels. Il n’en est pas de même de ce concours
périodique vers les rivages des mers, qui précède le
temps de la ponte et de la fécondation des oeufs. Il
n’en est pas de même non plus de ces ascensions régulières
exécutées chaque année avec tant de précision ,
qui peuplent, pendant plus d’une saison, les fleuves,
les rivières , les lacs et les ruisseaux les plus élevés
sur le globe, de tant de poissons attachés à l’onde amère
pendant d’autres saisons, et qui dépendent non seulement
des,causes que nous.avons énumérées plus haut.,
mais encore de ce besoin si impérieux pour tous les
SUR la n a t u r e des p o i s s o n s , cxxv
animaux , d’exercer leurs facultés dans toute, leur plénitude
, de ce mobile si puissant de tant d’actions des
êtrës sensibles, qui imprime à un si grand nombre de
poissons le désir de nager dans une eau plus légère,
de lutter contre des courans , de surmonter de fortes
résistances, de rencontrer des obstacles difficiles à
écarter, de se jouer, pour ainsi dire, avec les torrens
et les cataractes , de trouver un aliment moins ordinaire
dans la substance d’une eau moins salée, et peut-être
de jouir d’autres, sensations nouvelles. Il n’en est pas
encore de même de ces rétrogradations, de ces vojages
en sens inverse, de ces descentes qui de l’origine des
ruisseaux, des lacs, des rivières et, des fleuves, se propagent
vers les côtes maritimes , et rendent à l’océan
tous les individus que l’eau douce et courante avoit
attirés. Ces longues allées et venues, cette affluence vers
les rivages, cette retraite vers la haute mer, sont les
gestes de l’espèce entière. Tous les individus réunis par
la même conformation, soumis aux mêmes causes, présentent
les mêmes phénomènes. Il faut néanmoins se
bien garder de comprendre parmi ces vojages périodiques
, constatés dans tous les temps et dans tous les
lieux, de prétendues migrations régulières, indépendantes
de celles que nous venons d’indiquer, et que l’on
a supposées dans quelques .espèces de poissons, particulièrement
dans les maquereaux et dans les harengs.
On a fait arriver ces animaux en colonnes pressées, en
légions rangées, pour ainsi dire, en ordre de bataille,